Dean Koontz, le tisseur d'épouvantes

Quand j'étais une jeune adolescente , il y a des décennies de ça, un soir je suis descendue dans la bibliothèque de mon père et ai découvert un roman édité chez Marabout dont la couverture m'a terrifiée. Il s'agissait du recueil de nouvelles Histoires Maléfiques de Claude Seignolle. Je l'ai lu, j'ai eu la trouille de ma vie, je suis tombée dans la marmite infernale de l'horreur et n'en suis jamais ressortie.
Parmi les auteurs qui ont hanté ma jeunesse : Stephen King, Graham Masterton et… Dean Koontz.
Christophe Rousselier a écrit il y quelques années de ça un extraordinaire essai sur l'oeuvre de Graham Masterton : Graham Masterton, le faiseur d'histoire. Un must have pour tous les fans de cet incroyable auteur . le voilà qui recommence avec cet opus sur l'auteur américain parmi les plus prolifiques de sa génération, Dean Koontz que j'appelle moi «  le faiseur de pétouilles » parce qu'il m'aura offert les heures parmi les plus terrifiantes de mon parcours de lectrice dévoreuse de terreur.
Une personne m'a dit « n'est-ce pas étrange de lire un livre sur un auteur ? «  euh comment dire ?? Non ! C'est même capital si on veut comprendre l'oeuvre d'un écrivain. Je conseille à ce sujet ardemment la lecture de Ecriture et Anatomie de l'horreur de Stephen King si vous voulez entrer dans les méandres du cerveau compliqué du Roi du fantastique américain. Revenons à nos brebis, l'essai de Christophe Rousselier. J'ai rarement eu entre les mains un essai pareil . On y apprend tout sur Dean Koontz et quand je dis tout c'est TOUT. Ses inspirations, ses choix de personnages les humains comme les non humains, les lieux où il tisse ses récits, les thèmes variés qu'il aborde, les liens avec son vécu… TOUT , tout, absolument tout . On comprend soudain , et là le titre de Tisseur d'épouvantes prend tout son sens, que Dean Koontz est une véritable araignée de l'écriture. Il étend ses fils à l'infini , tendant des pièges à ses protagonistes, comme à ses lecteurs, il tient tout le monde dans un univers empli de tensions qui rendent tout ce petit monde complètement fou. Koontz plonge dans sa propre existence pour poser des situations incroyables, voire révoltantes et lorsqu'on prend conscience que nombre des questions qui nous interpellent dans son oeuvre prennent racine dans son passé difficile on aborde son corpus avec un oeil différent et grand ouvert sur une terreur bien pire qu'il était possible d'imaginer.
Christophe Rousselier nous offre là un essai incroyablement documenté, d'une précision de lame de scalpel, j'ai rarement lu un livre aussi passionnant ( sauf bien entendu les autres essais cités plus haut) . Impossible de passer à côté , précipitez-vous sur cette pépite si vous avez l'esprit d'un aventurier de l'horreur .
Petit message à l'auteur si il lit ma chronique...Parmi les auteurs qui ont hanté ma jeunesse : Stephen King, Graham Masterton et… Dean Koontz. Graham et Dean c'est fait , vous savez ce qu'il vous reste à décortiquer pour satisfaire ma curiosité ;) et merci infiniment pour ces moments.

Au premier degré, ce livre expose les techniques utilisées par Dean Koontz pour créer et entretenir le suspense : filatures et comptes à rebours de différents types, complotisme à plusieurs échelles, images subliminales pour mieux impliquer le lecteur...

Au second degré, il relève les liens tissés entre les oeuvres de Koontz et une réalité d'abord vécue par Dean.
Certains espaces entrent en résonance avec une expérience intime. La Californie, le lac Tahoe, la route, la maison, le champ de foire... tour à tour, espaces de contrastes, d'ordre ou de chaos, du Bien ou du Mal, dans les romans de Koontz, ont d'abord été des lieux de découvertes et de souvenirs pour Dean.

Le livre invite donc progressivement le lecteur à entrer dans l'intimité d'un auteur.
Et l'on découvrira comment le rapport au père (vécu d'abord par Dean enfant comme une figure d'épouvantail, puis par Koontz écrivain comme une source d'inspiration) est resté omniprésent dans la production koontzienne.
Ou comment, depuis une vingtaine d'années, des stratégies ont été appliquées pour conjuguer l'expression d'une foi religieuse personnelle et l'écriture de thrillers destinés à un large public.

Attention cependant ! Cette intimité de l'oeuvre avec son auteur, et l'abondance des serial killers dans les récits de Dean Koontz, ne doivent en aucun cas conduire à le soupçonner d'avoir sa propre collection cachée d'yeux en bocaux...

La question est de savoir si l'action d'ouvrir un livre de Dean Koontz n'est pas d'une certaine manière un premier pas dans la toile. Oui. le lecteur devient alors une victime autour de laquelle, l'écrivain prendra un malin plaisir à tisser le fil de son histoire pour ne plus vous lâcher d'une semelle. Christophe Roussellier en prend acte. Il fait remonter son processus d'analyse avec une précision chirurgicale. Lui aussi agit comme un tisseur afin d'apporter une traduction claire de la pensée de Dean Koontz, et vous guider au mieux à travers le labyrinthe. Ainsi lorsque vous parvenez à décoder et comprendre le fil conducteur de cet essai, les choses vont s'éclaircir et prendre une forme beaucoup plus ludique. Un choix inspiré qui ne manquera pas de provoquer en vous une intimité profonde avec l'esprit Koontzien. On s'accorde alors la liberté de faire machine arrière et de revenir sur quelques pages pour en extraire toutes les subtilités. Vous l'aurez compris, tout comme Dean Koontz, Christophe Roussellier décortique et même détricote, les images, les situations, les personnages, les lieux, et nous les renvoie à travers un prisme rendu lisible par une analyse pertinente et transparente. Une manière passionnante de mettre à nu la stratégie d'écriture de Dean Koontz. Certains diront qu'il fallait y penser et moi je rectifierai en affirmant qu'il fallait le faire. Un argument, qui, à lui seul, sera ma conclusion.

Voilà un ouvrage attendu qui comble donc un vide pour les fans de Dean Ray Koontz auquel, à part l'un ou l'autre dossier dans des revues spécialisées (Phénix, Ténèbres), aucun livre n'avait jamais été dédié.
Bien documenté, aussi bien sur le plan des oeuvres - son auteur, Christophe Rousselier, semble avoir dévoré et embrassé toute la bibliographie koontzienne - que de la biographie de l'écrivain - très sourcée au fil des pages -, l'ouvrage fait ressortir les thèmes récurrents qui parcourent l'oeuvre du tisseur d'épouvantes, comme il l'appelle.
Et, contrairement à d'autres ouvrages d'analyse littéraire, celui-ci dispose du précieux outil indispensable permettant de retrouver rapidement une référence : un index !
Bref, un ouvrage à recommander à tout amateur de Koontz.