Poèmes de l'aube

LE PEUPLIER FLEURIT
     
Si tu prends des jumelles tu vois
que les fleurs du peuplier sont pourpres,
elles qui ne se détachaient sur le ciel
qu’en mèches brunes, minuscules.
Est-ce pour annoncer ces merveilles
qu’un oiseau inconnu et invisible chante
et qu’un pigeon très loin, au faîte d’une cheminée,
est posé comme un sceau égyptien sur la nue?
Peut-être et « si tu le veux ». Le jour rosit,
bleuit, verdit dans l’herbe - et ces nuages
clairs qui basculent à travers le ciel
voient encore un autre paysage, plus large
assurément que celui de ta petite chambre.
(Il faut se retenir, ne pas
sauter au cou du jour, savoir
déjà l’éclipse dans ce soleil
ourlé d’ombre du premier matin
et même peut-être évoquer des ombres
pour qu’elles s’y éclairent.)
     
p. 95

LE 22 JUIN
     
Le deuxième jour de l'été les feuilles brillent
et le gris de l'ardoise a une neuve douceur,
dans la vitre le reflet des arbres
est une tonnelle légère, les amants
qui se sont égarés à travers les heures
viennent s'y asseoir silencieusement
– oscillent bouleaux et peupliers, les oiseaux
s'affairent dans un ciel pur où une goutte
de froid se garde comme le secret du jour.
     
(Dernier poème du recueil - p. 109)