Gabrielle Roy, canadienne du Manitoba, est à mon sens l'un des plus grands écrivains du vingtième siècle (je dis « écrivains « et non « écrivaines » pour signifier que je ne la compare pas seulement à des femmes de lettre). Oui, elle mériterait de se retrouver en Pléiade et de rejoindre ainsi sa juste place : un génie de la littérature mondiale.
Mais aucune édition française ne la publie.
Et c'est d'autant plus incompréhensible qu'elle écrivait en français.
On peut toutefois lire ses oeuvres dans une éditions québécoise et les commander en librairie.
Alors voilà, son écriture m'enchante.
Je dois d'ailleurs avouer que cette écrivaine stimule mon désir d'écrire. J'apprends d'elle et je progresse un peu chaque année (sans parvenir hélas à aller jusqu'au bout d'un projet !) (il n'y a qu'en dessin et en peinture que, jadis, j'étais parvenu à quelque chose).
Une des choses qui me plaît beaucoup dans son oeuvre et en particulier dans son roman intitulé
La route d'Altamont, c'est qu'à l'inverse de la doxa selon laquelle la littérature devrait nous remuer, nous secouer, voire nous faire penser, rien de tel ici. Je crois même qu'à ceux qui pensent que la littérature est obligatoirement politique elle répondrait par la négative.
En 1962 ne déclarait-elle pas : « L'engagement est un choix, mais ce choix peut bien consister justement à ne pas s'engager en de passagères idéologies qui séparent plus qu'elles n'unissent les Hommes. Au risque de paraître paradoxale, je dirais que l'engagement de l'écrivain est avant tout affaire de liberté d'esprit. Être écrivain, c'est avant tout être libre, mais que l'on garde de confondre liberté avec langage choquant, outré, débordement et manque de retenue. Ceux qui, sous prétexte de se faire libres, écrivent de petits livres délibérément effrontés, me paraissent les moins libres des écrivains. »
La route d'Altamont raconte des moments de vie du personnage Christine. Et c'est Christine elle-même qui raconte ces moments. Un moment de son enfance où sa grand-mère lui confectionne une poupée. Un autre où on la voit plus grande et où elle devient l'amie d'un vieillard avec qui elle part contempler un lac immense. Un autre moment où, adolescente je crois, elle rêve de déménagements. Et un dernier moment où adulte elle se retrouve en voiture avec sa mère, en quête d'un paysage presque oublié. Il y est question de lien entre les générations. Et c'est écrit de façon très sensible, pudique et vibrante pourrait-on dire ; d'une vibration de joie et de nostalgie, d'une nostalgie d'émerveillements ; dans une prose poétique mais non sophistiquée, et en même temps inimitable et très narrative, le tout dans une structure originale, non pas le récit linéaire d'une vie mais en quelque sorte une succession de tableaux qui ensemble s'harmonisent, donnent du sens.
Oui, ce petit livre (167 pages) est un chef-d'oeuvre. J'ai pour cette oeuvre une immense admiration et un bonheur de lecture à chaque fois renouvelé. En le lisant on comprend à quel point
Gabrielle Roy est une grande dame de la littérature mondiale et on s'étonne en effet qu'elle soit ignorée dans notre pays, car sa prose est dans notre langue l'une des plus grandes.
Par ordre de préférence le meilleur de ses oeuvres :
La route d'Altamont.
Ces enfants de ma vie.
La montagne secrète.
Rue Deschambault.
Et la nouvelle intitulée :
Un jardin au bout du monde.
Mais tout le reste est à lire aussi, tels :
Alexandre Chenevert, où encore, son récit autobiographique intitulé :
La détresse et l'enchantement.