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EAN : 9782251380728
204 pages
Les Belles Lettres (12/09/2008)
3.83/5   3 notes
Résumé :
Comment les catholiques et les orthodoxes, qui partagent la même foi, en sont-ils venus à se séparer ?Dans ce livre, l'auteur se donne pour tâche de raconter l'histoire de la rupture entre l’Église de Rome et les Églises d’Orient, en la replaçant dans son cadre historique. On croit généralement que la séparation se produisit en 1054 et eut pour causes des divergences d’ordre politique et doctrinal. Steven Runciman démontre que le schisme fut en réalité le résultat d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
1515, facile : Marignan ;
1804, simple : sacre de Napoléon ;
1789, évident : prise de la Bastille ;
79 ap JC, moins facile : éruption du Vesuve ;
800, moins évident : sacré de Charlemagne ;
1054, plus compliqué  : "Grand Schisme" qui selon la définition est celui qui sépara les Églises d'Occident et d'Orient (appelé "Grand Schisme d'Orient" par les catholiques, "schisme de Rome" par les orthodoxes, et "schisme de 1054" par les historiens). Pourtant cela fait partie des dates importantes de l'Histoire.

Alors oublions le terme définition pour celui de définitionS. 

Voilà qui démontre déjà la complexité, toute relative, du sujet. Et c'est sur cette complexité que se penche Steven Runciman, et grâce à son érudition et sa qualité d'écriture, tout semble s'éclairer.... 

Bien que l'auteur, en toute modestie, affirme que son livre n'est qu'une brève histoire du schisme entre les Églises orthodoxe et catholique, le Schisme d'Orient de Steven Runciman est en fait une étude assez approfondie sur cette division. 

Il ne se concentre pas uniquement sur la date de schisme communément admise de 1054, mais donne plutôt un historique complet commençant par le Concile de Nicée et se poursuivant jusqu'à la fin de la quatrième croisade. Runciman ne considère pas la querelle entre Michel Ier Cérulaire  (patriarche de Constantinople) et la papauté comme le moment déterminant de la scission, mais il fournit également un récit approfondi de ces événements. Il est si complet dans son sujet qu'il réfléchit également à des questions philosophiques concernant la nature d'un schisme et les tentatives de dater la séparation.

Le texte de Runciman est en fait une série de conférences qu'il a données à Oxford en 1954 sur ce sujet et à décidé d'en créer un bref volume couvrant les faits de base du schisme Est-Ouest, bien qu'il pense qu'une compréhension complète ne peut être obtenue qu'à travers plusieurs volumes, mais honnêtement c'est tellement bien écrit, riche de références que ce livre se suffit à lui même pour aborder cette période, importante, méconnue voire inconnue de l'Histoire.

L'auteur comprend la nécessité pour les théologiens d'écrire l'histoire de l'Église, mais il voit aussi que la division n'a pas été causée uniquement par des tensions religieuses. L'auteur veut compléter cette histoire par un examen des motivations politiques du schisme. 

Le parti pris de Steve Runciman est de choisir d'illustrer la lente rupture entre l'Est et l'Ouest, plutôt que le point de rupture communément admis de 1054.
À travers ce texte, l'auteur émet un souhait, bien que selon lui les dommages causés ne seront jamais guéris, sauf grâce à une pleine compréhension de ce qui a causé cette division, que les deux Églises puissent construire une amitié.

À contre-courant des discussions théologiques Steven Runciman soutient que la première rupture officielle entre les deux régions s'est produite en 1009 lorsque les papes romains n'étaient plus répertoriés dans les archives du patriarche oriental. Cependant, les laïcs de l'Est et de l'Ouest n'ont remarqué aucune désunion à ce moment-là parce que la question était considérée comme une question interne à l'Église. L'utilisation de la date 1054 est extrêmement discutable car le « schisme » n'a pas vraiment changé grand-chose en ce qui concerne les relations entre la papauté et les patriarches orientaux. Les deux parties sont restées alliées pendant les trois premières croisades et ne se sont vraiment séparées qu'à la quatrième croisade au XIIIe siècle. À ce stade, une séparation Est-Ouest était perceptible. Le plus intéressant est peut-être la raison trouvée par Runciman pour cette désunion. Il a vu le schisme comme le résultat d'un choc des cultures grecques et latines, ce qui signifie que la division a techniquement commencé à l'origine du christianisme en tant que religion organisée. de fait la datation officielle de la scission est impossible car la définition du schisme est si ouverte à l'interprétation.

Le livre commence par un chapitre axé sur les informations de base et les définitions nécessaires pour comprendre le schisme entre l'Église orthodoxe et l'Église catholique. Runciman explique les différences entre ces deux églises, pourquoi elles ne sont pas d'accord et la différence entre une hérésie et un schisme. Par déduction, l'auteur constate que le schisme a été causé principalement par la fierté nationaliste, qui a créé des conflits liturgiques, des problèmes de discipline et des problèmes socio-économiques qui ont favorisé la division. 

De là, Runciman cherche à identifier le moment où le schisme a commencé à se développer, mais trouve la tâche impossible. Il soutient que, dès le début, l'Église était vouée à se diviser parce que l'Orient et l'Occident étaient culturellement très différents. L'Orient parlait grec et se développait dans la tradition hellénistique, tandis que l'Occident parlait latin et était beaucoup plus influencé par les germaniques et les romains. Bien que les deux régions partagent les mêmes croyances fondamentales, elles ne voient pas la théologie de la même manière. Selon l'auteur, la rivalité Est-Ouest semble trouver son origine dans la primauté de la papauté à Rome et les problèmes étaient déjà apparents dans les premiers conciles oecuméniques. Les hérésies que ces conciles cherchaient à aborder ont servi à mettre en lumière les différences entre l'Orient et l'Occident. Des siècles de querelles ont eu lieu à travers ces conciles jusqu'au IXe siècle, lorsque le patriarche oriental, Photius, s'est réconcilié avec le pape Jean VIII en 879. Bien que des décennies de paix aient suivi, Photius était conscient qu'aucune des controverses, sur lesquelles ils se battaient, n'avaient été résolues et que ces problèmes pourraient facilement conduire à plus de querelles à l'avenir.

Ces problèmes sont en effet revenus au premier plan une fois de plus lorsque les Allemands ont pris Rome et ont tenté d'y imprimer leur propre vision du christianisme, qui contenait de nombreux aspects sur lesquels l'Orient n'était pas d'accord. 

Runciman reconnaît que, même si la date communément admise pour le schisme était 1054, l'histoire de cette division se poursuit après ce point. Il considère la querelle comme un événement mineur car les négociations entre Byzance et la papauté se sont poursuivies pendant des décennies, jusqu'à la première croisade. Malgré la mort de Michel Ier Cérulaire à l'Est et de plusieurs papes à l'Ouest, les efforts de réconciliation ont été à plusieurs reprises contrecarrés en raison de désaccords sur le Filioque. En 1095, le pape Urbain II tient son concile à Clermont, où il lance les croisades pour aider l'Orient à combattre la menace turque. Non seulement les Turcs nuisaient aux pèlerins occidentaux, mais ils constituaient également une menace pour l'Église orthodoxe. Bien que les deux églises n'étaient pas d'accord sur leurs théologies, Urbain a reconnu qu'ils étaient tous les deux chrétiens, donc une menace pour leur Église était une menace pour le christianisme. Les croisés ont fait plus de mal qu'ils n'ont aidé. Quand ils sont entrés à Byzance, ils ont trouvé la terre assez étrangère et l'armée paysanne initiale a commencé à piller et à se révolter. 
Bien qu'ils aient causé beaucoup de dégâts, les croisés et l'empereur sont restés alliés. Un certain nombre de facteurs, y compris la punition laxiste des Turcs par les Byzantins et une mauvaise communication au combat, ont créé des tensions entre l'Est et l'Ouest tout au long des croisades jusqu'au point d'ébullition, lorsque Urbain II décéde et que son successeur, le pape Pascal II, lui s'est avéré être beaucoup moins sagace dans ses relations avec l'empereur byzantin. Il excommunie les patriarches et établit des colonies dans les régions orientales conquises, où s'affrontent personnalités catholiques et orthodoxes. Les patriarches orientaux ont été remplacés par des latins.

Les deux parties souhaitaient la paix, mais l'intrusion des croisés a servi de déclencheur pour mieux les séparer. Les tentatives de réconciliation se sont poursuivies tout au long des trois premières croisades mais sans véritables solutions concrètes. Runciman montre que les deux parties avaient des objectifs similaires, elles étaient donc facilement jumelées en tant qu'alliées, mais leurs cultures différentes n'ont servi qu'à développer de la mauvaise volonté. Les événements de ces guerres ont culminé lors de la quatrième croisade, où les Vénitiens et les Francs ont assiégé Constantinople même. Ces attaques n'ont pas été tolérées par le Pape. Au lieu de cela, Constantinople est devenue la cible des croisés à cause de la haine des Byzantins par le chef vénitien et de la persuasion de l'empereur byzantin, qui a utilisé la croisade pour tenter de regagner son trône. Les batailles de Constantinople ont causé une destruction massive de la ville et les Vénitiens ont volé à la ville de la plupart de ses richesses. 
Le schisme s'est aggravé lorsque le pape Innocent, mal informé, a écrit un message de félicitations à l'empereur byzantin. Il a été consterné lorsqu'il a découvert la destruction réelle et les motifs de l'attaque, mais ses tentatives pour corriger son erreur n'ont pas aidé. Le schisme a été temporairement réparé deux fois, en 1276 et 1439, mais la brèche n'a jamais été entièrement réparée.

En tout cas cela confirme que l'excellence de l'écriture de Steven Runciman est mise au service de la compréhension de l'Histoire, et de ces moments charnières qui retrouvent toute leur place sur la frise de notre histoire, dans ses 4 ouvrages traduits en français : "Histoire des Croisades" , "la chute de Constantinople 1453" , "le Schisme d'Orient" et "Les Vêpres Siciliennes" (qui dans ma PAL)
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Steven Runciman fut un professeur de Cambridge et un des plus grands historiens. Il a écrit une célèbre histoire des Croisades chez @editions_tallandier et de nombreux ouvrages sur le monde méditerranéen médiéval. le sous-titre de cet ouvrage, La Papauté et les Églises d'Orient XI-XIIe siècles, décrit l'objectif de ce livre. Steven Runciman raconte effectivement l'histoire de la rupture entre l'Église de Rome et les Églises d'Orient, en la replaçant dans son cadre historique. On pense trop souvent qu'une séparation radicale eut lieu en 1054 et qu'elle scella la fin des relations entre l'Église d'Orient et d'Occident. Néanmoins, le schisme fut en réalité le résultat d'un éloignement progressif au cours des siècles précédents des traditions et de l'idéologie des Chrétientés occidentale et orientale. On y apprend que la séparation entre les deux Églises fut vraiment déclarée au début du treizième siècle suite au désastre de la quatrième croisade qui déboucha sur le sac de Constantinople. Ce livre est très érudit et fourni un grand nombre de détails historiques sur les relations entre les Églises d'Orient et d'Occident. Il permet d'éclaircir un épisode qui est mal connu en histoire des religions. Si ce sujet vous intéresse, je vous conseille grandement ce livre.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
L'emploi de langues différentes creusa un peu plus le fossé entre les deux Églises. Si, plus nombreux, les Grecs avaient compris le latin et les Latins le grec, le point de vue de chaque Église eût été mieux perçu par l'autre. Des erreurs de traduction involontaires furent cause de graves malentendus.
La compréhension n'entraîne pas nécessairement la sympathie, mais elle permet au moins d'user de tact et de tolérance. Cependant, même lorsque les circonstances s'y prêtent, ces deux vertus existent rarement dans les milieux ecclésiastiques ; et quand à leur absence vient s' ajouter l'ignorance, les conséquences sont désastreuses.
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Certains idéalistes croient de bonne foi que, si les peuples du monde pouvaient arriver à se connaître, la paix et la bonne volonté seraient assurées pour toujours. C'est là une dangereuse illusion. Il est sûrement possible à des hommes et des femmes éduqués d'apprécier la compagnie et les coutumes de personnes étrangères et d'éprouver pour elles de la sympathie.
Mais le peuple ordinaire qui pénètre dans un pays dont il ignore la langue et les habitudes n'éprouve le plus souvent que du dépaysement et de l'hostilité. Ce fut précisément le cas pour les soldats et les pèlerins de la croisade qui par milliers traversèrent l'empire byzantin en 1096 et 1097.
Ils étaient partis pour secourir les chrétiens d'Orient, mais ils découvrirent un pays étrange et inhospitalier. Ils n'entendaient rien à sa langue, et trouvèrent les grandes villes déconcertantes, voire inquiétantes. Les églises étaient très différentes des leurs ; les prêtres avec leurs longues barbes, leurs chignons et leurs robes noires ne ressemblaient en rien aux prêtres qu'ils avaient pu voir jusque-là.
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Un exposé complet et détaillé de la rupture entre les deux grandes Églises d'Orient et d'Occident remplirait plusieurs volumes.[...] L'histoire du conflit a été jusqu'à présent traitée plutôt par des théologiens et non sans raison, car le terrain sur lequel les chefs des deux Eglises se sont affrontés fut celui de la doctrine et des pratiques religieuses. Mais les guerres ne commencent pas sur le champ de bataille, et de même qu'il ne serait pas judicieux de faire écrire l'histoire d'une guerre et de ses causes par des soldats, il ne le serait pas non plus de considérer un schisme du seul point de vue théologique.
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L'idée d' Urbain II de lancer une croisade, dont il espérait pieusement qu'elle se porterait au secours des Églises d'Orient et le rapprocherait de l'empereur de Byzance, donna un résultat complètement opposé à celui recherché par ce grand pape.
Les croisés n'amenèrent pas la paix, mais l'épée ; et cette épée partagea la chrétienté en deux.
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