Comme ces messieurs ne s’expliquèrent pas d’avantage, il nous a été impossible de savoir ce qu’ils ont voulu dire. Et, le sussions-nous, je crois que nous ferions bien par pudeur de le tenir toujours sous le voile, car il y a tout plein de chose qu’il ne faut qu’indiquer ; une prudente circonspection l’exige ; on peut rencontrer des oreilles chastes, et je suis infiniment persuadé que le lecteur nous sait déjà gré de toute celle que nous employons avec lui ; plus il ira en avant, plus nous serons sur cet objet digne de ses plus sincères louanges, c’est de quoi nous pouvons presque déjà l’assurer. Enfin, quoi qu’on en puisse dire, chacun a son âme à sauver : et de quelle punition, et dans ce monde et dans l’autre, n’est pas digne celui qui, sans aucune modération, se plairait, par exemple, à divulguer tous les caprices, tous les goûts, toutes les horreurs secrètes auxquels les hommes sont sujets dans le feu de leur imagination ? Ce serait révéler des secrets qui doivent être enfouis pour le bonheur de l’humanité ; ce serait entreprendre la corruption générale des mœurs, et précipiter ses frères en Jésus-Christ dans tous les écarts où pourraient porter de tels tableaux ; et Dieu qui voit le fond de nos cœurs, ce Dieu puissant qui a fait le ciel et la terre, et qui doit nous juger un jour, sait si nous aurions envie d’avoir à nous entendre reprocher par Lui de tels crimes.
Le président n’avait pas pris pour elle la même attention, relativement à la religion, que Durcet avait prise pour Constance, il avait laissé naître et fomenter le préjugé, imaginant que ses discours et ses livres le détruiraient facilement. Il se trompa : la religion est l’aliment d’une âme de la complexion de celle d’Adélaïde. Le président eut beau prêcher, beau faire lire, la jeune personne resta dévote, et tous ces écarts qu’elle ne partageait point, qu’elle haïssait et dont elle était victime, étaient bien loin de la détromper sur des chimères qui faisaient le bonheur de sa vie. Elle se cachait pour prier Dieu, elle se dérobait pour remplir ses devoirs de chrétienne, et ne manquait jamais d’être punie très sévèrement, ou par son père, ou par son mari, dès que l’un ou l’autre s’en apercevait. Adélaïde souffrait tout en patience, bien persuadée que le Ciel la dédommagerait un jour.
[…] mais tu as des principes ! Je suis bien aise de t’en voir sur cela ; tout soulagement fait à l’infortune est un crime réel contre l’ordre de la nature. L’inégalité qu’elle a mise dans nos individus prouve que cette discordance lui plaît, puisqu’elle l’a établie et qu’elle la veut dans les fortunes comme dans les corps. Et comme il est permis au faible de la réparer par le vol, il est également permis au fort de la rétablir par le refus de ses secours. L’univers ne subsisterait pas un instant si la ressemblance était exacte dans tous les êtres ; c’est de cette dissemblance que naît l’ordre qui conserve et qui conduit tout. Il faut donc bien se garder de le troubler.
[V]
Luxe
« Le luxe », dit d’Alembert, « est un crime contre l’humanité, toutes les fois qu’un seul membre de la société souffre et qu’on ne l’ignore pas. »
L’excès du luxe en France est peut-être la marque la plus certaine de sa prochaine décadence, ou du moins de la facilité qu’auraient ses ennemis d’en triompher. La chute de l’Empire romain fut annoncée par des excès de luxe. Auguste disait : J’ai trouvé Rome de briques et je la laisse de marbre. » Auguste ne se doutait pas que ces marbres n’étaient que les pierres sépulcrales de l’Empire. Il préparait sa ruine en composant son luxe.
Croyez-vous que je veuille une femme pour en faire ma maîtresse ? Je la veux pour servir mes caprices, pour voiler, pour couvrir une infinité de petites débauches secrètes que le manteau de l’hymen enveloppe à merveille. En un mot, je la veux comme vous voulez ma fille : croyez-vous que j’ignore et votre but et vos désirs ? Nous autres libertins, nous prenons des femmes pour être nos esclaves ; leur qualité d’épouses les rend plus soumises que des maîtresses, et vous savez de quel prix est le despotisme dans les plaisirs que nous goûtons.
Elle s'inscrit dans la lignée De Sade, Baudelaire ou encore de George Bataille et devient une des premières femmes à écrire la sexualité "comme un homme". Cette écrivaine mi-pirate mi-punk a bouleversé la littérature avec une liberté de ton qui inspire encore les autrices d'aujourd'hui comme Virginie Despentes.
#littérature #féminisme #punk
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