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EAN : 9782876715028
156 pages
Frison-Roche (30/10/2007)
3.5/5   1 notes
Résumé :
Les considérations psychologiques, juridiques et éthiques et la responsabilité médicale sont enfin des préoccupations majeures de tous les acteurs de soins qui prennent en charge des patients porteurs de cancers. Le module 4 des séminaires du diplôme d’étude spécialisé complémentaire en cancérologie (DESC) est à l’origine de cet ouvrage mais tous les soignants sont intéressés par les questions qui y sont développées ainsi que les associations de bénévoles et toute p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Les thérapeutes du service d'oncologie (S. Salas, E. Dudoit et R. Favre) du C.H.U. de la Timone à Marseille dirigent le premier volume de ces considérations à rallonge. C'est le versant psychologique qui est ici abordé pour laisser place, dans d'autres volumes qu'on pressent plus emmerdants (car ici, rien d'emmerdant) aux considérations juridiques et législico-pénalo-parlementaires. (j'avoue que les considérations éthiques du volume 2 peuvent apporter un piquant non déplacé).


De quelles considérations psychologiques parlons-nous ? Sans surprise, et par ordre de priorité décroissant : le patient, sa famille, l'équipe médicale. Sans surprise encore (décidément, c'est un jour à être blasée), les meilleurs textes seront écrits par Eric Dudoit dont le regard se tourne toujours vers des cieux aux couleurs plus lagoneuses.


Concernant l'annonce du diagnostic du cancer, il suggère l'existence d'un type particulier de mécanisme de défense qu'il appelle relégation, en référence à un terme du droit romain. La pathologie n'est pas déniée mais évacuée dans un ailleurs du discours. THE question is : où donc ? Si ça n'existe pas, alors : l'inventer dans l'interaction entre le thérapeute et le patient.


Sur le lien entre spiritualité et psychologie en oncologie : parce qu'on peut comprendre l'expérience religieuse comme régression (tentative de renouer avec des objets de création archétypale) et recherche de ce qui se présente comme appartenant au sacré, on peut avancer l'hypothèse d'une analogie entre l'expérience religieuse et l'expérience du cancer dans sa dimension palliative. le sacré apparaît aussi dans la relation entre le thérapeute et le malade à travers le transfert puisqu'il s'instaure là un temps et un espace particuliers. le sacré comme le transfert révèlent en même temps qu'ils occultent. Quoi d'autre ? L'état de désorganisation type psychotique qui suit parfois l'annonce du diagnostic ressemble à l'état psychique de l'homme archaïque qui essaie de symboliser ce qu'il vit dans sa relation avec le sacré, avec la divinité. le spirituel ici ne se relie pas au dogme religieux, à la définition d'un chemin aux contours nets qu'il s'agirait de suivre une fois pour toutes, mais bien plutôt à tous ces hommes habités qui hantent les récits bibliques, ces prophètes, ces héros antiques qui sont des voyants. Chacun devrait devenir voyant de soi-même, le travail thérapeutique permettant peut-être au malade de découvrir qu'il peut prétendre l'être, comme n'importe qui.


Sur l'accompagnement en fin de vie : puisque la mort ne peut jamais être réelle pour l'inconscient de chacun, elle ne peut qu'être imaginaire, médiatisée par le langage. Comment effectuer ce travail lorsque le diagnostic provoque un trauma et suscite le mécanisme de défense de la relégation ? le renvoi à un impossible à symboliser ? En référence aux travaux de Bion, Eric parle d'un travail de transformation à effectuer sur une situation psychique initiale. Ce travail peut conduire à une capacité accrue à supporter la négativité (manque, absence, séparation, morcellement), c'est ce qu'on appelle habituellement maturité psychique, que ça soit vrai ou que ça serve à faire de nous de dociles serviteurs du bien commun. La posture adoptée par le thérapeute est crucial car si celui-ci se ramène avec ses certitudes, ses souvenirs, ses désirs et ses interprétations, il s'oppose à la découverte et à l'intuition liées au devenir O. Alors mieux vaut n'être rien que la présence vide à investir. Eh ouais. L'humain est ainsi fait, qu'il ne peut être seul pour réfléchir vraiment, mais qu'il lui faut toujours une présence lui rappelant le grand Autre, serait-ce épouvantail en paille sèche, pour qu'il cogite existentiellement. le travail de transformation permet une symbolisation de ce qui se traduisait jusqu'alors par l'effroi et le non-lieu. Etat mystique rejoignant la description des Botella car le monde de non-investissement et l'affect d'effroi suscité par l'absence de représentations sont transformés en sentiment de plénitude. Ce n'est même plus l'être saint décrit par Lacan car ici, plus personne ne joue, même pas à être le déchet de l'a.


Après, plus loin, ça évoque la souffrance du soignant. Celle du psychothérapeute serait de ne pas se laisser aller au sentiment de toute-puissance narcissique d'être pris pour le père ou la mère idéal(e) dans la relation de transfert qui s'ouvre avec le patient, parce que celui-ci s'imagine qu'il pourra trouver là-dedans, dans ces figures fantoches, un bonhomme avec qui échanger sur le désir d'immortalité. Tentant, il est vrai.


Je ne parlerai pas du reste, pas forcément inintéressant mais c'est pas mon trip du moment (bénévolat, les restes non élaborés dans l'équipe soignante, la dépression, l'enfant atteint du cancer, etc.).


C'est une bonne surprise de découvrir des textes aussi denses et atypiques dans un ouvrage qui se présente derrière les oripeaux de l'austérité universitaire classique.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Pourquoi cet « évitement » de la maladie au niveau du discours ? Pourquoi un recours quasi-systématique à l’histoire personnelle comme pour combler un manque ou une peur de dire sur la maladie ?
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Le cancer met l’homme au pied du mur, il le pousse à une élaboration de sens, il est l’occasion de subjectivation. Qu’il soit « rançon à payer, […] crise de croissance » [CANGUILHEM, Les maladies in opus cité, 2002, p. 46], etc., le cancer ne se joue pas que sur une scène « cellulaire ». Et même s’il n’est plus « maître dans sa propre maison » [FREUD, « Une difficulté de la psychanalyse » in L’inquiétante étrangeté et autres essais, Gallimard, Paris, 1985, p. 175-187], le sujet reste l’exégète du sens qu’il octroie à cet occupant. […] Il s’agit de mettre du sens, d’habiller l’importun de mots, pour circonscrire l’effraction de ce réel « inconvenable ».
A l’inverse, l’absence de symbolisation risque fort d’abandonner le sujet à la sidération de la maladie et au constat de l’irréversibilité du temps, la maladie étant populairement apparentée au représentant de la mort dans la vie.
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Le déni porte sur la réalité extérieure qui est refusée en partie ou en totalité. Le déni […] est très souvent associé au clivage de l’objet afin de pouvoir faire exister dans la psyché une partie de la réalité traumatisante atténuée par le clivage alors que l’autre partie est rejetée comme n’existant pas. Déni et clivage ont pour objet de réduire l’angoisse par l’action de refuser et d’amputer la réalité.
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La définition de la relégation a le mérite de condenser à la fois l’assignation à résidence, la conservation des droits et la possibilité d’en faire usage. La pathologie est présente, dans un ailleurs du discours et manifeste ses droits tant au niveau du formulé -ou du non-formulé- qu’au niveau du corps.
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Si la pathologie est si peu ou même pas évoquée, ce n’est pas parce qu’elle est niée, mais parce qu’elle est reléguée dans un ailleurs au discours de l’entretien. Elle garde néanmoins ses « droits » en se manifestant tant au niveau du bien -le corps- qu’au niveau du psychisme -choix d’éviter d’en parler- et traduit ainsi qu’elle en fait usage.
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