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EAN : 9782070144570
224 pages
Gallimard (27/02/2014)
4.25/5   2 notes
Résumé :
« Car Bruno savait rire avec moi.
Avec son sourire, ses airs tendres, ses phrases affectueuses qui plaisaient tant à sa petite soeur Laura, la joie de vivre roulait en lui ses vagues nonchalantes.
Non, il ne savait pas crier.
Il ne criait jamais.
Ou alors, s'il avait crié ce jour-là, face aux requins, son cri ne fut qu'un murmure qu'aucun être humain ne peut entendre. Un cri étouffé par la mer, mort-né. Et depuis je m'enorgueillis d'avoir... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
EN EAUX TROUBLES
(Jean-François SAMLONG)



Une femme à la mer ! dit le bandeau accompagnant le dernier roman de Jean-François SAMLONG paru dans la collection CONTINENTS NOIRS nrf GALLIMARD ;
Un appel au secours de Madou, cette femme, cette mère submergée par le chagrin d'une disparition, la mémoire du fils qui ne reviendra pas, qui reviendra peut-être…
Une femme qui s'asphyxie d'un espoir absurde, d'une idée fixe qui tue en elle tout élan de vie, toute capacité à renouer une relation normale avec son entourage, avec son propre corps, même.

« Je veux marcher sur le sable, déambuler au long de mes souvenirs, qui m'aident à vivre comme d'autres leurs chimères. »

L'histoire que raconte Jean-François SAMLONG est l'obsédante mélopée d'un deuil, qui pourrait ne pas être deuil, comme en témoigne la feinte quête fébrile de Madou : arracher à la mer les preuves de la mort de son fils Bruno, probablement emporté par un requin… preuves qu'elle redoute et qu'elle dénie en son for intérieur.
Mais au fond, elle sait, la mère. Elle sait ce qu'elle ne veut pas savoir, se dérobe soudain lorsqu'une pièce à conviction pourrait permettre de tirer un trait définitif sur l'épreuve.
L'écriture incisive de Jean-François SAMLONG sait admirablement décrire la confusion de cette femme désorientée, comme elle sait la pousser dans ses derniers retranchements.
Dès les premières pages, nous plongeons avec l'héroïne dans un maelstrom d'hésitations, de reculades : un déboussolage total si bien rendu par l'accumulation des expressions pour le décrire.

« Comme une déchéance.
Un dénuement complet.
Un abandon de détresse.
Un incommensurable désert. »

Il ne s'agit pas là d'un quizz, un exercice lexical « Cochez la bonne réponse ». Il nous faut tout prendre des sentiments qui agitent Madou, la femme à la mer, que rien ne pourra sauver de sa déréliction.

« Pourquoi ne suis-je plus dans l'attente d'être heureuse, et de ce que demain me réservera de positif ? »

C'est là que le roman dépasse le pathétique d'une mère accablée par le destin, aux désirs de vengeance parfois puérils, pour nous conduire aux cheminements, aux interrogations d'une universelle condition humaine. Cette aspiration au bonheur qui jaillit du plus profond de notre être, est-il pire tourment que celui d'en être privé ?
De même, à l'instar de la femme en désarroi, chacun d'entre nous se bat avec quelque deuil caché aux replis de sa mémoire, en son inconscient. Et qui ne partage son effroi devant notre inexorable condition de mortel ?

« … un événement qui advient chaque jour, suscite la curiosité ou l'horreur, et soudain l'homme n'est plus celui qui, l'instant d'avant, se sentait inébranlable tel un roc, grisé par sa propre vanité, mais non, il découvre ses limites, sa petitesse, car si la renommée le rehausse, la mort le néantise. »

Ou encore cette étrange gymnastique à laquelle nous nous adonnons à chacun de nos instants pour tenter de leur donner une cohérence malgré les fragmentations dues aux événements extérieurs.

« Elle tentait de jongler avec le temps d'hier et celui d'aujourd'hui, de créer une diversion qui la délierait de sa peine, puis de placer un trait d'union entre ce qui fut et ne serait plus,… »

En se penchant sur les affres d'un deuil longuement ressassé, l'auteur nous offre un magnifique récit-miroir qui nous entraîne au plus intime de notre être.
Et mon plaisir de lectrice de fond, se trouve amplifié par la belle mise en littérature de cet ouvrage : une réussite grâce à une écriture ciselée, travaillée, à une langue riche au service du mot juste, du détail qui fait mouche, qui sait se parer d'une touche de lyrisme dans les évocations de l'océan, le partenaire, le confident omniprésent.

« Et les voiliers se transformeraient-ils en oiseaux géants ? La mer se métamorphoserait-elle en une horde de chevaux ? »

De la première à la dernière page, l'écrivain a su pulser une force, un souffle qui permet au lecteur de ne jamais perdre intérêt à ce texte prenant, de toujours rester sous tension.
En tout cas, j'ai puisé dans ce roman de magnifiques moments de lecture et je me suis laissé envoûter par ces ressassements de l'âme, accordés aux ressassements infinis de la mer.
Et il convient de puiser une dernière fois aux mots de l'auteur, de lui laisser l'ultime soin de signer son oeuvre.

« Une mort sans cesse recommencée.
Comme la mer.
Comme l'amour. »

(Monique MERABET, 11 Mai 2014)

Lien : http://patpantin.over-blog.com
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Quelle gageure et quel courage pour un écrivain que de se lancer dans une telle entreprise : décrire de l'intérieur le désespoir et la folie d'une femme ayant perdu son fils que les dents du requin ont arraché à sa tendresse !...
Réussi ! Ce à quoi on aboutit est fascinant. On entre dans le dédale des pensées successives, qui s'imposent en obsessions, s'entrechoquent, se contredisent, disent l'impossibilité de retrouver le moindre équilibre. Plus rien ne peut retenir cette femme sombrant dans la folie, malgré les êtres qui l'aiment et essaient de l'entourer, malgré le besoin d'elle qu'a sa fille Laura, malgré les événements auxquelles elle pourrait se raccrocher. Et dans sa folie il n'y a plus place pour l'amour de la vie, pour l'amour des autres, pour l'amour de soi-même. La haine est là, surgissant et ressurgissant de vagues en vagues…
Mais plus encore : au-delà de cette plongée dans la description d'une déroute individuelle, c'est de tout humain qu'il s'agit. Certes cette femme vit l'expérience d'un chagrin extrême mais à travers ce filtre ce sont les angoisses et les fantasmes de tout humain qui transparaissent. Par moments, le texte met le lecteur à nu, lui fait entrevoir ses propres interrogations et terreurs secrètes. Ce que dit le texte, c'est la difficulté à être un être humain, parce que tout être humain est un être conscient, un être qui a peur de la mort, un être capable de haine, un être pouvant se détruire lui-même…
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Mon premier Jean-François Samlong et je vais vous faire un aveu, j'ai eu très peur de cette lecture.
Elle fut très longue vu le nombre de pages. Un roman que j'aurais dû dévorer en une journée et il m'a fallu plus de temps. Il faut dire que rentrer dans la tête de Madou, un mère qui a perdu son fils Bruno à cause d'un mal qui vit sous l'eau, est plus que complexe. Peut-on partager la peine de cette femme? L'auteur nous met face à sa douleur de manière subtile et lyrique.
Alors oui il m'a fallu du temps pour la cerner, la comprendre et encore impossible de mettre à sa place. Peut-on accepter la mort de son enfant sans corps?
Une très belle plume qui parfois pour moi trop complexe. Je reconnais être parfois à la ramasse donc je lisais doucement mais surement.
Un roman intense en émotion. Plus qu'un profiler, l'auteur devient Madou. Un roman tout en finesse et poésie.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Madou cède à son appétit de vengeance, mais qui pourra dire pourquoi Bruno est mort ? Qui décide de cela ? Plage vide. Maison vide. Coeur vide. Cependant la vie continue, de part et d'autre du présent, écartelée entre ce qui a été et ce qui est, parce qu'on ne sait rien de ce qui doit être ou pas, la vie se présentant à nous comme un livre qu'on lit toujours pour la première fois, chaque page qu'on tourne pouvant être la dernière, quand, surpris en pleine lecture, l'oeil hagard voit le papier se déchirer. c'est le trou noir. Chaque instant est en train de devenir un présent qu'on n'a pas anticipé, qui tient à la fois de l'incertain et de l'irrévocable, au hasard coupé de la réalité.
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L'imprécision du souvenir la déstabilisait de temps en temps et un tremblement agitait ses mains, à tel point que, au bord de la crise de nerf, l'angoisse la mordait à la gorge, étonnée que l'imagination ne remédiât pas à tout...
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