Le Coeur Immobile

« L'amour est un risque. L'amour vaut-il la peine ? » ● Stéphan écrit des lettres à un inconnu pour lui parler de sa vie affective et de ses rencontres, qui sont souvent des échecs. ● Je retrouve dans ce court « roman » épistolaire la délicatesse que j'avais déjà appréciée dans La Nouvelle Amie (2021). La prose de Stéphan Sanchez est douce et sensible et on regrette qu'il lui soit si difficile de trouver l'amour qu'il recherche : « J'ai soif et on ne m'offre que du vinaigre ». ● D'ailleurs, cette sensibilité, on a pu la lui reprocher en le « compar[ant] à un oisillon sur sa branche qu'il fallait à tout prix secouer »… ● Comme il l'écrit aussi : « Être homosexuel complique les choses… » ● Il semble prisonnier des applis de rencontres, ne sachant par quel autre moyen faire la connaissance de quelqu'un. ● Il me paraît aussi un peu trop embrigadé dans des livres et surtout des sites de développement personnel, cela l'amenant à concevoir une culpabilité excessive. ● Il se convainc en effet, soit que ces sites le disent, soit (plutôt) qu'il les interprète ainsi, que s'il ne rencontre personne à sa convenance, c'est forcément à cause de lui. ● Les lettres sont agréables à lire ; on peut regretter cependant un petit côté répétitif.

Stéphan prend la plume pour nous partager sa recherche de l'amour. Lettre après lettre, il s'adresse à un inconnu en couchant sur le papier ses moments de joie, de doute, de peine et d'espoir. Pourquoi donc l'amour ne vient-il pas frapper à sa porte ? Est-ce que les applications de rencontre sont la réponse ? Nous le suivons dans ses errements, dans ses tentatives veines ou heureuses pour mieux se connaître et être prêt à accueillir l'autre. L'auteur s'interroge sur sa capacité à trouver l'homme pouvant répondre à son idéal de couple. Ne place-t-il pas lui-même la barre trop haute ? Quand ce n'est pas lui ce sont les autres qui fuient. Voit-il d'ailleurs sa propre fuite ? Il est en tout cas relativement lucide face à ses échecs et se donne les moyens de les contrecarrer. Est-ce que cela sera suffisant ? Arrivera-t-il à vivre pour lui avant de vivre pour un idéal ? S'autorisera-t-il à profiter de l'instant présent sans forcément avoir en ligne de mire le couple fantasmé de ces rêves ?

Comme vous l'aurez compris, pour mon plus grand plaisir Stéphan Sanchez nous offre à nouveau une correspondance. Celle-ci est encore plus intime. Il s'interroge sur l'amour, sa place dans nos vies, sa pérennité, sa fragilité mais aussi sur les vecteurs pouvant y conduire. Quel rôle les applications prennent aujourd'hui dans cette quête ? Peut-on faire sans lorsque l'on ne vit pas dans une grande ville où vivre son homosexualité est parfois plus facile ? Les algorithmes et leur recherche de notre dépendance peuvent-ils contribuer à notre bonheur malgré cet antagonisme ? N'y a-t-il pas autant de réponses que de personnes sur terre ? La plus belle preuve d'amour n'est-elle pas de souhaiter le plus de bonheur possible à "sa moitié" même si ce n'est que de son absence dont nous bénéficions, faute de l'avoir déjà rencontrée ?

A nouveau l'auteur nous surprend. Il contribue ici à témoigner, pour lui mais aussi pour tous ceux qui sont dans sa situation. Ce livre se voulait un message d'espoir... Pari gagné ? Il faudra que vous le lisiez pour vous décider. Je vous en souhaite une très bonne lecture !

Et de sept ! Ou plutôt de trois…correspondances. Il y eut "Deux enfances : Minou Drouet et moi", des courriers adressés à la poétesse. Puis ce fut "Lettres à Sarah"…Michelle Gellar. Avec "Le coeur immobile", ma septième lecture de l'auteur, Stéphan Sanchez retrouve pour la troisième fois le genre épistolaire à l'intention d'un inconnu.

Ce livre, dédicacé à "Tous les naufragés de l'amour", recèle toute la tendresse que l'on perçoit chez l'auteur au fur et à mesure de la découverte de ses ouvrages. A travers les missives écrites au jour le jour à un inconnu – vraiment ? – l'auteur se raconte ou plutôt raconte ses échecs sentimentaux et surtout s'interroge sur la raison pour laquelle il ne parvient pas à trouver l'amour. Il m'a semblé qu'il s'agissait là d'une quête de soi, le souhait de mettre son âme à nu, de se poser les questions qui attristent mais aussi peuvent permettre de se construire.

Encore de l'autofiction, me direz-vous ? Sans doute, Stéphan Sanchez ne le cache pas et l'assume totalement. Et pourtant, comme le fait remarquer Emmanuel Desiles dans sa superbe préface "…Stéphan a réussi un tour de passe-passe générique qu'il est digne de saluer : ses écrits sont toujours des romans mais leurs contenus sont toujours des confessions." En effet, même si ces lettres relèvent de l'intime, même si l'auteur parle de lui, à la première personne sous son propre prénom, ses propos sont universels. A travers eux, à travers ses questionnements, ses craintes, chacun(e) peut y retrouver les siens. le ton est juste, l'écriture d'une belle simplicité presqu'enfantine, sans fioriture aucune. Stéphan a la trentaine mais un coeur bloqué à quinze ans, c'est lui qui le dit.

Ce fut une lecture particulière, ininterrompue. Je l'ai perçue comme une confidence. J'aurai pu être l'inconnue à laquelle étaient destinés ces courriers. Mais cet inconnu dont on parle tant, ne serait-ce pas tout simplement l'auteur ?

"Le coeur immobile", un récit particulièrement émouvant.

Lien : https://memo-emoi.fr

« le coeur immobile » est le huitième livre que je lis de Stéphan Sanchez et toujours avec le même plaisir.
Même si, dans ce nouvel opus, comme souvent, l'auteur nous relate une expérience personnelle, et qui l'est sans doute plus que jamais ici, le récit prend une dimension universelle pour tenter de répondre à cette question : pourquoi est-il si difficile de trouver l'âme-soeur de nos jours alors que la « rencontre » semble tellement facilitée par les réseaux sociaux et autres applications ? Y a-t-il encore des personnes « romantiques » ? Est-ce le problème ? Est-ce de « notre faute » si nos rencontres ne durent pas, si nous ne parvenons pas à former un vrai couple ?

Et c'est à nous, cet « inconnu », nous le lecteur, que Stéphan Sanchez s'adresse, lettre après lettre, en une correspondance peut-être encore plus intime que les précédentes, dont le très touchant « Deux enfances, Minou Drouet et moi », prix du Roman Gay 2021 dans la catégorie épistolaire.
L'attente, l'espoir toujours renouvelé malgré les échecs, la rancoeur et le désespoir parfois, la solitude aussi d'un jeune homme de 34 ans à qui tout (et tous) pourrait sourire mais qui n'a que trop peu de sourires dans cette quête de l'amour, non pas celui de passage, l'éphémère et le décevant, mais le vrai, le beau, le sentimental sinon le « pour toujours ».

Le lecteur, ainsi convoqué à chaque lettre, ne peut que se montrer sensible à ces interrogations, cette errance qui force l'empathie, un lecteur qui peut être concerné lui-aussi, ou l'avoir été...

Et devant cette phrase : « Mes proches sont curieux. Un livre consacré à l'amour ? »... Je réponds aussitôt : eh bien oui, c'est un livre consacré à l'amour, et que je vous recommande chaleureusement !

Ce n'est pas le premier livre écrit sous forme de correspondance de Stephan Sanchez (Lettres à Sarah - Deux enfances : Minou Drouet et moi. Deux petits bijoux que je vous conseille en séance de rattrapage). Et il faut reconnaître que ce format lui convient bien (prix du roman gay en 2021).
Dans les précédents, il se dévoilait pas à pas, presque timidement ou du moins en s'effaçant au fil des pages, par un beau jeu de miroir avec les personnages qu'il nous présentait et qu'il estime tant. Cet estime et cet amour suintait entre les lignes.
Il est aussi ici question d'amour (what else dirait un certain Georges) mais plus que jamais, l'auteur se met à nu et nous prend par la main pour nous entraîner dans ses questionnements amoureux personnels, il est vrai, mais qui restent pour autant universels.
Et si le jeu de miroir ici se faisait avec soi-même ? Et si c'était cela la clé ?...
A la page 116, il est joliment question d'une bibliothèque qui réconforte et de livres morts et vivants à la fois, à l'image d'un fameux chat... Au fil de la lecture de ce Coeur Immobile, on se demande parfois si le coeur même de son auteur ne serait pas lui aussi mort et vivant à la fois. Car on souffre avec lui tout comme on se réjouit (on souhaiterait même lui prendre la main pour le reconforter). Et puis on s'interroge nous même sur nos propres relations, et les attentes et les croyances que nous collons dessus. Impossible de ne pas se sentir concerné.
Et s'il n'y a pas vraiment de réponse, et encore moins de prérogatives, c'est peut-être justement parce que tout reste encore possible...
Le Coeur Immobile à sans doute ses raisons que la raison ignore😉🙃🖤