![]() | art-bsurde 22 novembre 2016
L'histoire de l'Afrique du Sud – et en fait, l'Afrique toute entière – a été longuement marquée par les interventions sanglantes des mercenaires blancs. Après la chute de l’apartheid au début des années 90, beaucoup de soldats et de policiers sud-africains blancs – qui avaient terrorisé les populations noires depuis des années – se retrouvèrent sur le marché du travail. On ne peut estimer précisément le nombre de ceux d'entre eux qui offrirent leurs services aux sociétés privées, aux gouvernements ou à des causes contre-révolutionnaires, faisant de l'Afrique du Sud la cible de toutes les critiques, en s'en servant cette fois-ci comme base d'opérations mercenaires. Executive Outcomes (EO) était l'une de ces compagnies sud-africaines. Fondé en 1989 par un ancien commandent ayant servi sous l'apartheid, elle fut opérationnelle jusqu'à son interdiction en 1998. Elle avait pour client De Beers, l'une des entreprises les plus importantes de l'industrie du diamant, et le gouvernement angolais, qui l'engagea en 1993 pour reprendre en main les zones stratégiques de ses ressources pétrolières à la place des forces armées nationales. Mais EO est certainement plus connue pour les opérations qu'elle a menées en Sierra Leone, pays riche en diamants. Elle y fut engagé pour aider le gouvernement dans sa lutte contre le Front révolutionnaire uni de Foday Sankoh, qui commettaient d’innombrables violations des droits de l'homme. En 1995, le gouvernement de la Sierra Leone versa près de 35 millions de dollars à EO – soit un tiers de son budget annuel de défense – pour écraser l'insurrection, les États-Unis et la Grande-Bretagne ayant refusé d'intervenir. EO n'eut besoin que de neuf jours pour juguler la rébellion et de deux jours pour reprendre le contrôle de la précieuse mine de diamants de Kono. Ceux qui soutenaient l'industrie mercenaire se servirent de cette action de EO comme d'une preuve de ce que les forces privées pouvaient accomplir. Mais la fin ne justifie pas toujours les moyens … Le succès d'Executive Outcomes était en grande partie dû au fait qu'étant issue de l'élite des forces armées sud-africaines, elle avait hérité d'un réseau occulte étendu de sociétés connectées entre elles, et de groupes spécialisés dans la répression des insurrections dont on s'était servi, sur le continent africain, pour opprimer les populations noires ou les dissidents. En dépit du racolage qui entourait le « succès » tactique de EO en Angola ou en Sierra Leone, un problème bien plus vaste était soulevé par cette intervention des mercenaires dans des conflits internationaux : qui détermine l'ordre international ? Les Nations unies ? Les États-nations ? Les riches ? Les entreprises ? Et à qui ces forces armées doivent-elles rendre des comptes ? Le problème devient plus préoccupant avec l'extension de la privatisation des occupations de l'Irak et de l'Afghanistan. Mais alors que les États-Unis esquivèrent le problème de la responsabilité de ces compagnies de mercenaires, tel ne fut pas le cas en Afrique du Sud, où les mercenaires avaient pendant longtemps semé le trouble dans le pays. Après la fin du régime d'apartheid, et le début du processus de Vérité et Réconciliation, les appels furent nombreux pour fermer les sociétés de mercenaires, l'accent étant surtout mis sur les liens très étroits que beaucoup d'entre elles avaient entretenus avec ce régime. Cela conduisit, en 1998, à la promulgation de la loi contre les mercenaires en Afrique du Sud. Mais seulement quelques années plus tard, au vu de rapports sur les mercenaires sud-africains qui s'étaient engagés en Irak, des législateurs de Johannesburg prétendirent que la loi n'avait pas été réellement appliquée. Ils faisaient valoir que la loi n'avait entraîné « qu'un petit nombre de poursuites judiciaires et de condamnations », malgré la preuve évidente des activités menées par des mercenaires originaires d'Afrique du Sud, et pas seulement en Irak. + Lire la suite |