Jean Ziegler est un ancien rapporteur spécial aux Nations Unis pour le droit à l'alimentation. Dans cet essai, il dénonce le scandale du XXe siècle, la destruction par la faim de millions d'hommes, de femmes et d'enfants dans le monde.
Il dénonce l'indifférence de l'opinion publique car celle-ci réagit face aux catastrophes médiatisées (tsunami, séisme…) mais ne veut pas voir ce qui est latent. le droit à l'alimentation est celui qui est le plus massivement violé sur notre planète.
Il dresse dans une première partie l'état de la faim dans le monde (recensement des biens alimentaires, situation démographique, corrélation entre les deux), des famines liées aux conditions de production ou aux catastrophes extérieures (guerres, criquets, inondations…) et des conséquences de ces famines sur les populations, notamment les plus fragiles, et les maladies qui en découlent.
Une fois ce constat établit, l'auteur aborde les causes et pointe du doigt les responsabilités des pays riches et des institutions mondiales. Alors que le remède à ce problème passe dans un premier temps par des interventions des Etats, les grands organismes internationaux, eux, préfèrent ne pas bouger au nom du libéralisme. Les droits des hommes ne pouvant être selon eux que civils ou politiques, il ne peut y avoir de droit à l'alimentation. Sont concernées par ces propos les grandes sociétés de l'agroalimentaires qui contrôlent la plupart des ressources mondiales (et qui ont des revenus supérieurs à ceux des gouvernements). On retrouve aussi le rôle des sociétés qui gèrent les semences et les produits de traitements agricoles. Les sociétés transcontinentales privées de l'agro-industrie sont les adversaires du droit à l'alimentation.
Selon les pays occidentaux, seul le libre marché pourrait vaincre le fléau de la famine. Mais ces marchés peuvent dysfonctionner (guerre, dérèglement climatique…)
L'OMC, le FMI et la banque mondiale sont décrits comme des « cavaliers de l'Apocalypse ».
Mais depuis vingt ans, la progression des privatisations, la libéralisation des mouvements de marchandises, des capitaux et des brevets ont dépouillé les pays du Sud, les plus pauvres. Et partout dans le monde, les victimes de la sous-nutrition augmentent.
Il consacre aussi un certain nombre de pages à la production de l' « or vert » et de ses conséquences. Les sociétés transcontinentales productrices d'agro carburant ont réussi à persuader la majeure partie de l'opinion publique mondiale et la quasi-totalité des Etats occidentaux que l'énergie végétale était le remède miracle contre la dégradation climatique.
Mais pour produire ces carburants, il faut des terres et de l'eau. Est-il judicieux d'utiliser des terres auparavant consacrées aux cultures vivrières ? Et d'utiliser 4000 litres d'eau pour produire un litre d'éthanol ? Et de recourir à une quantité considérable d'énergie fossile pour produire ce même litre ? de ce fait, la production de CO2 dans l'atmosphère augmente au lieu de diminuer !! D'ailleurs, pour Amnesty Internationale, « agro carburant – réservoirs pleins et ventres vides ».
Pour reprendre la question de l'auteur, « comment endiguer la déraison des affameurs ? »
Cet ouvrage est très intéressant et nous ouvre les yeux, il nous incite à rester en éveil sur ce qui se passe dans le monde. Il s'appuie sur des études géographiques, démographiques, sur le travail des ONG, et sur l'expérience de l'auteur dans ce domaine. A lire et à gamberger. Et on retrouve le monde…dans un état différent de celui dans lequel il était avant de débuter la lecture.