Condorcet fixait pour but à l'éducation la formation de citoyens qui soient en mesure de se construire leur propre point de vue sur les questions qu'ils ont à affronter dans leur vie personnelle, et dans leurs choix publics, en s'appuyant si nécessaire sur des experts sans que l'avis de ces derniers ne s'impose à eux.
On peut dire qu'un livre comme celui que vient de publier M Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil Constitutionnel, contribue grandement, dans le sens des souhaits de Condorcet, à l'information des citoyens que nous sommes, tous concernés par les institutions qui gouvernent notre existence publique et parfois privée, et notamment les institutions judiciaires.
Et il faut dire que les évolutions récentes de notre système judiciaire ne manquent pas de susciter quelques inquiétudes chez ceux qui les suivent avec attention. Qui n'a pas été surpris, et même choqué de voir un juge administratif des référés, membre d'un Conseil d'État auquel on a connu davantage de sagesse, décider que le moment n'était pas venu de mettre en oeuvre par un décret qu'il a donc suspendu, l'application d'une Loi qui venait d'être votée, et cela, sans que le juge n'ait rien trouvé à dire à la qualité de l'interprétation des volontés de la Loi par le décret ? le moment, selon ce magistrat de l'ordre administratif n'était simplement pas opportun ! Avait-il vraiment la compétence (dans tous les sens du terme) pour en juger ? Disposait il des sources d'informations absolument nécessaire pour le déterminer ? On peut vraiment en douter. Et, ce genre de dérapage, tout citoyen attentif en discerne avec inquiétude en permanence, qu'il s'agisse de décisions du Conseil Constitutionnel, de la justice pénale, ou administrative.
Ce livre d'un expert en la matière, Conseiller d'État, familier du fonctionnement des institutions, en particulier du Conseil Constitutionnel, grand connaisseur du droit et de la jurisprudence, est donc le bienvenu pour nous guider dans ce qui paraît au citoyen informé et attentif comme une série de dérapages qui, petit à petit, érodent la capacité des pouvoirs publics à jouer le rôle pour lequel ils ont été mis sur pied par la voie des élections notamment, et les condamnent parfois à l'impuissance dans des domaines essentiels de l'action publique.
Et, par sa clarté, par la multiplicité de ses exemples, par la rigueur de ses analyses, ce livre éclairera le lecteur, à charge pour lui, s'il est citoyen de notre pays, d'en tirer les conséquences, ce qui n'est pas le plus facile.
Quelques très rares exceptions à la parfaite clarté et à la remarquable rigueur des analyses feront sans doute l'objet de corrections ou de précisions lors d'une réédition prochaine, je suppose, comme par exemple, les pages qui traitent de la question des réactions de la Commission Européenne aux décisions de la Cour Constitutionnelle polonaise sur l'interprétation des traités de l'Union. Une apparente contradiction dans l'analyse des articles en cause de ces traités, résulte sans doute uniquement d'une maladresse d'expression dans l'un des deux passages qui se contredisent d'une page à l'autre. C'est d'autant plus dommage que le sujet ainsi traité est tout à fait fondamental sur la question, essentielle pour notre démocratie, des rapports entre la portée des textes européens et des Lois Constitutionnelles des États membres.
Mais, au regard de la richesse et de l'intérêt capital de la matière apportée par M Schoettl dans son ouvrage, ces remarques peuvent être considérées comme mineures.
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