"Toute enfance est une patrie perdue », dit l'un des 28 collaborateurs de l'ouvrage (l'historien J. Fremeaux, cité ici) et une patrie doublement perdue, puisque ces auteurs ont tous dû quitter brutalement cette patrie, en pleine enfance ou aux bords de l'adolescence. Tous les auteurs de ce recueil sont aujourd'hui des intellectuels vieillissants, universitaires, romanciers, nouvellistes, poètes ou conteurs, On ne trouve chez eux ni rancoeur, ni rancune, mais toujours un questionnement où l'émerveillement de l'enfant se confronte au savoir objectif de l'adulte, et un étonnement d'avoir été déclarés coupables par l'histoire et de devoir juger leurs bonheurs innocents à l'aune de la réalité. On a dans ce melting-pot un panel d'origines diverses, françaises, espagnoles, juives, italiennes et même franco-musulmanes (la conteuse
Nora Aceval et la directrice de l'ouvrage,
Leila Sebbar), d'horizons politiques divers, de statuts sociaux divers : enfants de petits boutiquiers pauvres, de médecins, de fonctionnaires, d'instituteurs, de cultivateurs (colons) plus ou moins riches, même. La souffrance de l'exil est douce, maîtrisée, d'autant plus que la plupart des auteurs sont restés en contact avec l'Algérie et les Algériens, elle est un peu comparable, dit très justement un autre des auteurs (G.Morin, organisateur du Maghreb des livres), à celle des enfants de parents divorcés qui s'interdisent de juger et rêvent de réconciliation de leurs deux patries.
A lire, même si les contributions sont d'inégale qualité, pour mieux comprendre ces hommes et ces femmes.