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EAN : 9782330081577
992 pages
Actes Sud (06/09/2017)
3.83/5   6 notes
Résumé :
Dans une clinique pour personnes mentalement déficientes, la jeune Natalie devient la soignante d'Alexander, un malade difficile qui ne se déplace qu'en chaise roulante. Chaque semaine, Christoph lui rend visite, celui-là même dont il a détruit la vie en le poursuivant de son amour, avec une telle violence que la femme de Christoph s'est suicidée. Ces visites régulières sont-elles l'expression de sa pitié ou bien, comme le soupçonne Natalie, les prémisses d'une veng... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Natalie a été sujette quelques années plus tôt à de graves crises d'épilepsie; luttant souvent pour en éviter le retour, elle vient de terminer avec succès une formation annuelle très éprouvante pour être auxiliaire de vie dans une résidence médicalisée pour handicapés physiques et mentaux.
Elle devient l'auxiliaire référente de deux patients lourdement handicapés qu'elle assiste dans leur vie quotidienne. le premier reçoit régulièrement la visite de son épouse et de ses enfants mais les visiteurs restent à l'extérieur de la résidence et n'échangent avec lui que des sourires et signes de la main qu'il leur retourne en s'appuyant au rebord de la fenêtre de sa chambre..."invisibles pour ces gens sur la pelouse,ses jambes bougeaient, se tordaient, se crispaient...maintenir un contact visuel avec sa famille pendant quelques minutes l'exténuait"
Le second s'apprête longuement, une à deux fois par semaine, pour accueillir le seul visiteur qu'il reçoit et dont il est follement amoureux. Nathalie apprend auprès de ses collègues que cet amour harcelant et obsessionnellement pervers qu'il a développé vis à vis du visiteur a conduit quelques années plus tôt l'épouse de celui-ci au suicide...personne parmi le personnel ne semble trouver à redire au curieux "arrangement" qui unit quelques années plus tard le stalker bourreau dans son fauteuil roulant et la victime sur ses deux pieds. Elles admirent toutes la grandeur d'âme de la victime..."H passait un moment à côté de celui qui avait détruit sa vie et parvenait à respirer normalement". Natalie va constater au fil des rencontres que la réalité n'est pas aussi simple "il y avait une erreur, quelque chose clochait"; la tension psychologique entre les trois personnages ira crescendo jusqu'à l'explosion.
Le monde dérangeant et terrifiant dans lequel l'héroïne évolue, sa fragilité mentale, ses émotions, ses inventions sont le véritable thème du roman. Sortie du travail, elle promène sa silhouette androgyne (et asymétrique selon un de ses patients) entre son appartement, son ordinateur et le "Souterrain" bar coopératif underground où elle se réfugie entre deux "maraudes". Trois hommes traversent son parcours, le premier est un soupirant qu'elle a décidé de laisser soupirer et qui lui sert, quand tout va mal, de déambulateur de secours. Elle aime le second mais en vain; quant au troisième il finira par mourir de l'avoir aimée.
Si l'on réussit à franchir la lenteur du début, si l'étrange ne fait pas peur, si la curiosité est la plus forte alors un univers parallèle s'ouvre, peuplé de choses, d'animaux et de pensées extravagants:
Des chocolats fourrés à la souris, le principe de la caméra cachée, les « cum cookies » dont je vous laisse découvrir la traduction p 260, des guitares, une souris blanche sur l'épaule pour vaincre l'arthrose, "une voiture de police...vide, (qui) se reposait seulement au soleil" ou "le regard de Dieu qui était une prise de courant" ne sont qu'un tout petit échantillon des trouvailles dont ce roman foisonne.
Décalé, déconcertant, déroutant, dérangeant ce roman volumineux ne m'a pas laissé indifférent.
Même si j'avoue avoir eu envie aux environ de la cinquantième page de le déposer définitivement, cet univers a fini par prendre beaucoup de place; il pose sans cesse des questions et donne envie de lire le chapitre suivant (dix pages de plus, allez encore un petit effort !) pour y trouver (peut-être) la réponse (qui n'y est pas)... et les chapitres s'enchainent jusqu'au dernier. En y réfléchissant, une fois la lecture terminée, j'ai aussi l'impression d'avoir lu en creux une sorte de Germinal des aides-soignants. La dimension sociale n'est pas apparente (elle ne se plaint jamais, il n'y a aucune lutte sociale, elle est peu payée mais s'en contente et vit de très peu) mais sous-jacente sur le monde de ceux que les syndicats de la fonction hospitalière mettent toujours en première ligne des manifestations parce que personne n'oserait les traiter de privilégiés. Ceux qu'on ne croise que le jour où le malheur nous frappe, nous ou un très proche; ceux qui restent quand le visiteur s'éloigne, ceux à qui on demande tant pour donner si peu; ceux qu'on n'espère ne jamais revoir.
Ce gros pavé m'a dérangé mais, au final, je me suis arrangé pour aller au bout d'un voyage qui en valait la peine! Comme le dit une des collègues de Natalie à propos de "l'arrangement", "ça prend un moment...avant d'être dedans".
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Natalie est le personnage principal de ce roman fleuve. Elle commence son travail d'auxiliaire de vie dans une clinique psychiatrique. Dans ce lieu où diverses pathologies se côtoient, Natalie s'occupe d'Alexander Dorm. Ce dernier est transi d'amour pour Chrisopher Hollberg et cela jusqu'à l'obsession. Christopher est la seule et unique personne rendant visite à Dorm. de cet étrange duo va naître une intrigue à laquelle Natalie va tenter de répondre.

Quant à Natalie c'est une drôle de fille, ultra sensible, elle s'est créée tout un tas de petites armes mentales pour faire face à la vie. Elle vit dans un monde imaginaire très présent, et semble être une sorte de fétichiste du mot. Certains mots peuvent soulever en elle une angoisse insurmontable, quand d'autres l'apaisent instantanément.

J'ai eu beaucoup de difficultés à entrer dans ce roman. Non que l'écriture soit difficile, au contraire, elle est très fluide et le texte se découpe en une multitude de courts chapitres aux titres explicites. Mais c'est Natalie qui me posait un problème. Son goût pour le glauque, la description de ses virées nocturnes qu'elle nomme ces maraudes et son monde imaginaire très envahissant, tout cela m'a porté peine pendant bien la moitié du livre.

Et puis à la seconde partie du livre, le miracle a eu lieu, je suis enfin rentrée avec plaisir dans la lecture.

Si j'ai été longue à apprécier la compagnie de Natalie, j'ai tout de suite aimé l'écriture de l'auteur. Il saisit l'époque actuelle et les modes de fonctionnement qui en découlent avec une grande acuité.
La façon qu'il a de décrire une déambulation tout comme un paysage porte notre époque dans sa formulation même.

«Certains jours, elle ne pouvait s'empêcher de tapoter tous les objets qui lui tombait sous la main comme s'il s'agissait de micros. Sound check général du monde.»

«Qu'ils étaient beaux, ces matins de fin d'automne quand il avait neigé pendant la nuit! On se levait, on déambulait dans les pièces en pyjama, avec cette lumière terrestre éblouissante qui vous parvenait du dehors, comme si une équipe de cinéma avait encerclé votre immeuble, elle éclairait tout ce qui se passait à l'intérieur, et rien ni personne ne restait invisible. le ciel était plus sombre que la terre, ce qui, le reste de l'année aurait enfreint toutes les règles.»

Et puis, il y a les petites formules de Natalie qui restent en tête, comme sa façon de parler des musiques qui ne veulent plus sortir de votre crâne et qu'elle nomme les vers d'oreille.

C'est un livre étrange comme son héroïne, il est brillant mais tire parfois sur des ficelles aussi grosses que lui.

Roman reçu dans le cadre des explorateurs de la rentré littéraire de Lecteurs.com.
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Avant toute chose, j'ai failli lâcher à deux reprises au moins mais un petit quelque chose dans le ton, dans les divagations du personnage et l'ingéniosité absurde de ses "non sequitur" jeu initié par Natalie avec son ex amoureux Markus, ou son ami Franck... m'ont fait m'obstiner et je ne regrette pas.
Qu'elle est attachante cette jeune femme ! de quelle force et en même temps fragilité fait-elle preuve dans sa vie et notamment sa vie professionnelle puisque c'est de cela surtout qu'il s'agit dans sa gestion des relations entre Dorm et Hollberg !
On suit ses pensées qui virevoltent au gré de sa fantaisie, de ses tocs comme regarder des émissions en direct, écouter durant son jogging son iPhone sur lequel elle s'est s'enregistrée en train de mastiquer des céréales, au gré des médicaments pris ou de la gravité des évènements.
Car oui, la légèreté du début, même si les délires de Natalie ne sont pas toujours très politiquement corrects, fait place à des situations de tensions de plus en plus extrêmes. Est-elle paranoïaque ? Rêve-t-elle les filatures, les allusions scabreuses ou les gestes déplacés de Hollberg ou bien est-ce une conséquence de ce haut mal dont elle a souffert enfant ?
Clemens Setz a su créer des images surprenantes enrichissant ses élucubrations ainsi quand Hollberg pousse le fauteuil de Dorm par une chaude journée page 350 "Natalie regarda dans leur direction. On aurait dit que M. Hollberg venait de monter une machine à laver jusqu'au sommet de l'Everest. Trempé de sueur, le visage écarlate, le regard un peu fou, comme s'il était prêt à déchirer des annuaires."
ou bien page 976 "Puis elle se leva. Elle avait chaud. elle avait envie d'enlever ses gants, mais elle n'en portait pas".
Sans oublier, le fil de la souris : la souris invisible qu'elle dépose chaque matin sur son épaule ou sa nuque selon la zone douloureuse afin de faire attention toute la journée de ne pas la faire tomber et ainsi de ménager ses muscles et articulations, la souris morte sous le dôme, la souris blanche qu'elle sauvera...
Je recommande chaleureusement si vous voulez entrer dans la tête un peu folle de cette fille pas si dingue.
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Original, oui. Un univers et un personnage très travaillés et profonds. Une modernité rarement présente de cette façon dans les romans. Mais dieu que ça démarre lentement ! Vais-je aller au bout ?
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critiques presse (1)
LeMonde
27 novembre 2017
Clemens Setz signe un thriller en forme de traité des sensations à l’âge cybernétique dans un monde dérivant vers la démence.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
H correspondait à l'idée qu'on se faisait d'un veuf...un homme en train de jouer les arrêts de jeu du match de sa vie.
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une voiture de police...vide se reposait seulement au soleil.
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Video de Clemens J Setz (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Clemens J Setz
Présenté par Robert Maggiori, philosophe co-fondateur des Rencontres Philosophiques de Monaco et critique littéraire.
« Pourquoi lire (13 bonne raisons au moins) », co-écrit par Annie Ernaux, Philippe Garnier, Jürgen Habermas, Eva Illouz, Frédéric Joly, Esther Kinsky, Sibylle Lewitscharoff, Nicolas Mahler, Oliver Nachtwey, Katja Petrowskaya, Hartmut Rosa, Clemens J. Setz et Joëlle Zask. Publié chez Premier Parallèle, 20€, 240 pp.
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