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Idries Shah (Éditeur scientifique)Lucien Voy (Autre)
EAN : 9782702900871
256 pages
Le Courrier du Livre (03/01/1994)
4.39/5   14 notes
Résumé :
Idries Shah a rassemblé dans Contes Derviches les plus belles histoires de la tradition soufie.

Ce livre nous emmène dans les caravansérails et les chaikhanas (maisons de thé) du Moyen-Orient et d'Asie centrale où les derviches, "chercheurs de vérité", se rencontrent et échangent leurs histoires.

Contes, récits, paraboles, ces textes, qui ont plusieurs niveaux de sens, tour à tour nous émerveillent, nous amusent, nous éveillent.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
En 1967, Idries Shah portait à la connaissance du Royaume-Uni, et par là de l'Europe et de l'Occident les plus beaux contes de sagesse soufis et rend hommage aux maitres soufis de tout l'Orient, de l'Inde à l'Andalousie du Moyen-Age, en passant par l'Egypte, le Sud de la Chine, …

En fait, l'Occident connaissait le soufisme il y a quelques siècles. D'ailleurs, on retrouve l'influence de Rumi dans les contes d'Andersen, dans la « Gesta Romanorum » et même dans l'oeuvre de Shakespeare.
Mais tout cela c'était bien avant qu'on nous bassine les oreilles avec le « choc de civilisation » et le danger des « invasions barbares » et qu'on occulte l'âge d'or des civilisations arabes, persanes, ottomanes … et leurs poètes, leurs savants, leurs sages.
Les sources d'Idries Shah sont autant des classiques de la littérature soufis que des contes issus de la tradition orale, des textes inédits ou des enseignements dispensés dans les différentes écoles soufies. Ces contes préparent les étudiants aux expériences intérieures et spirituelles, mais sont aussi source de « divertissement » poétique ou de réflexion pour le tout-venant.

Beaucoup de ces contes ont été repris par Gougaud, entre autre dans « l'arbre d'amour et de sagesse » et par Jean-Claude Carrière dans ses deux recueils du «Cercle des menteurs ».

On découvre néanmoins dans le premier tiers de ce recueil quelques pépites passées inaperçues. Ensuite les contes, les allégories des deux derniers tiers me sont apparus assez énigmatiques, n'étant pas versée dans la littérature religieuse.
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Né en Inde et descendant d'une noble famille afghane, Idries Shah a grandi principalement en Angleterre. Il se présente comme et assortie d'un court commentaire explicatif le continuateur et le divulgateur de la tradition soufie en particulier par l'édition de petits contes ou paraboles de tradition orale servant de base à l'enseignement des maîtres ( un peu à l'image des maîtres zen) . Ce recueil en propose 81 , marquée par un humour assez particulier ; A noter que le rôle et les thèses d'Idries Shah fut controversé chez les orientalistes.
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Superbe recueil de contes très courts où l'enseignement spirituel est transcrit par parabole.
Un livre pour réfléchir qui nous laisse rêveurs éveillés : à lire, partager,et commenter ...
Je conseille tout particulièrement le conte des sables ...
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Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
Née dans les montagnes lointaines, une rivière s’éloigna de sa source, traversa maintes contrées, pour atteindre enfin les sables du désert. Elle avait franchi tous les obstacles, elle tenta de franchir celui-là. Mais à mesure qu’elle coulait dans le sable, ses eaux disparaissaient. Elle le savait pourtant : traverser le désert était sa destinée. Même si cela semblait impossible. C’est alors qu’une voix inconnue, comme venant du désert, se mit à murmurer :
” Le vent traverse l’océan du sable, la rivière peut en faire autant.”
La rivière objecta qu’elle se précipitait contre le sable, qui l’absorbait aussitôt : le vent, lui, pouvait voler, et traverser le désert.
”En te jetant de toutes tes forces contre l’obstacle, comme c’est ton habitude, tu ne peux traverser. Soit tu disparaîtras toute entière, soit tu deviendras un marais. Le vent te fera passer, laisse-le t’emmener à ta destination.
- Comment était-ce possible ?
- Laisse-toi absorber par le vent.”
La rivière trouvait cela inacceptable : après tout, elle n’avait encore jamais été absorbée, elle ne voulait pas perdre son individualité. Comment être sûre, une fois son individualité perdue, de pouvoir la recouvrer ?
”Le vent, dit le sable, remplit cette fonction, absorbe l’eau, lui fait traverser le désert puis la laisse retomber. L’eau tombe en pluie et redevient rivière.
- Comment en être sûre ?
- C’est ainsi. Tout ce que tu peux devenir, si tu ne l’acceptes pas, c’est un bourbier, et même cela peut prendre très longtemps. Et un bourbier, ce n’est pas la même chose qu’une rivière…
- Est-ce-que je ne peux pas rester la même, rester la rivière que je suis aujourd’hui ?
- De toute façon, tu ne peux rester la même, dit le murmure. Ta part essentielle est emportée et forme à nouveau une rivière. Même aujourd’hui tu portes ce nom parce que tu ne sais pas quelle part de toi-même est la part essentielle.”
Ces paroles éveillèrent en elle des résonances… Elle se rappelait vaguement un état où elle – elle ou une part d’elle-même ? – s’était trouvée prise dans les bras du vent. Elle se rappelait aussi – ou était-ce cette part en elle qui se rappelait ? – que c’était cela qu’il fallait faire, même si la nécessité ne s’en imposait pas.
La rivière se leva, vapeur d’eau, jusque dans les bras accueillants du vent, puis s’éleva légère, sans effort, avec lui. Le vent l’emporta à mille lieues jusqu’au sommet d’une montagne où il la laissa doucement retomber.
La rivière, parce qu’elle avait douté, fut capable de se rappeler et d’enregistrer avec plus d’acuité le déroulement de l’expérience.
”Maintenant, se dit-elle, j’ai appris quelle est ma véritable identité.” La rivière apprenait. Et les sables murmuraient :
”Nous savons, parce que nous voyons cela arriver jour après jour, et parce que nous nous étendons de la rive à la montagne.
C’est pourquoi il est dit que les voies par lesquelles le Courant de la Vie doit poursuivre son voyage, sont écrites dans les Sables”.
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Il était une fois une ville constituée de deux rues parallèles. Un derviche passa de l'une à l'autre. Quand il entra dans la seconde, les passants remarquèrent que ses yeux ruisselaient de larmes. « Quelqu'un est mort dans l'autre rue! » s'écria l'un deux. Tous les enfants du quartier eurent bientôt repris le cri du passant, qui parvint ainsi aux oreilles des habitants de la première rue. Or le derviche pleurait pour la seule raison qu'il avait épluché des oignons.

Les adultes des deux rues étaient si affligés et pleins d'appréhension (car les uns et les autres avaient des parents de l'autre côté) qu'ils n'osaient pas approfondir la cause de ce tumulte.

Un sage tenta de les raisonner. Aux habitants de la première rue, il demanda pourquoi ils n'allaient pas questionner les habitants de l'autre rue sur ce qui s'était passé. Il demanda la même chose à ceux de la seconde. Mais tous étaient trop désorientés pour prendre la moindre décision. Certains dirent au sage: « Nous croyons savoir que les gens d'à côté sont
atteints de la peste. »

La rumeur se répandit comme une traînée de poudre. Chacune des deux communautés fut bientôt persuadée que sa voisine était condamnée.

Quand le calme fut plus ou moins revenu, il apparut aux uns comme aux autres qu'il n'y avait d'autre issue que la fuite. L'ordre fut donné d'évacuer la population.

Les siècles ont passé, dans la ville désertée il n'y a pas âme qui vive. Non loin se trouvent deux villages. Chacun conserve la mémoire de sa fondation : dans l’un comme dans l'autre, on vous racontera comment, en des temps anciens, la population d'une ville menacée par un terrible fléau vint s'établir là, au terme d'un exode qui la sauva de la destruction.
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Imam El-Ghazali rapporte une tradition concernant Isa ibn Maryam.

Isa vit un jour des gens assis sur un mur, au bord de la route.

Ils avaient l'air misérable.

Isa leur demanda :

« Quelle est votre affliction ? »

Ils dirent :

« C'est notre peur de l'enfer qui nous a rendus ainsi. »

Isa se remit en chemin, et vit des gens qui se tenaient tristement sur le talus, dans différentes attitudes.

Il leur dit :

« Quelle est votre affliction ? »

Ils dirent :

« Le désir du paradis nous a rendus ainsi. »

Isa se remit en chemin, et rencontra peu après un troisième groupe. Ces gens avaient l'air d'avoir beaucoup enduré, mais leurs visages rayonnaient de joie.

Isa se tourna vers eux :

« Dites-moi ce qui vous a rendus ainsi. »

Ils répondirent :

« L'Esprit de Vérité. Nous avons vu la Réalité, cela nous a rendus oublieux des objectifs inférieurs. »

Isa dit alors :

« Ceux-ci sont les gens qui atteignent au réel. Le Jour des Comptes, c'est eux qui seront dans la Présence de Dieu. »

[Ceux qui pensent que l'accent exclusif sur le thème de la récompense et du châtiment favorise le progrès spirituel ont souvent été surpris par cette tradition soufie relative à Jésus.

Pour les soufis, une forte insistance sur l'idée de gain ou de perte n'est utile qu'à certains individus, et encore cet aspect des choses ne représente-t-il qu'une composante de l'ensemble des expériences vécues par chacun. Ceux qui ont étudié les méthodes de conditionnement et d'endoctrinement, et leurs effets sur la personne humaine, seront enclins à leur donner raison.

Les dévots formalistes ont du mal à admettre que les alternatives simples (bien-mal, tension-détente, récompense-châtiment) ne sont que des éléments d'un système complexe d'accomplissement de soi.]
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Ceux qui ont acquis certaines qualités intérieures ont un effet bien plus puissant sur la société que ceux dont la conduite se fonde uniquement sur des principes moraux. On appelle les premiers "les vrais hommes d'action", et les seconds "ceux qui ne savent pas mais se donnent l'air de savoir
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Adi, surnommé le Calculateur, parce qu'il avait appris les mathématiques, n'était encore qu'un jeune homme quand il décida de quitter Boukhara et de partir en quête de la connaissance supérieure. Son maître lui conseilla d'aller vers le sud et d'étudier la symbolique du paon et du serpent.

Ce qui donna au jeune Adi matière à réfléchir.

Il traversa le Khorassan et poursuivit son voyage jusqu'en Irak. Au hasard de ses pérégrinations, il tomba sur un paon et un serpent en grande conversation.

« Nous débattons la question de nos mérites respectifs, lui dirent-ils.

– C'est précisément ce que je veux étudier ! s'exclama Adi, qui les pria de bien vouloir continuer.

– J'estime être le plus important, dit le Paon. Je représente l'aspiration, l'envol vers les cieux, la beauté du monde d'en-haut, et par là même la connaissance des choses supérieures. Ma mission est de rappeler à l'homme, en les mimant sous ses yeux, les aspects cachés de son être.

– Moi aussi, dit le Serpent avec un léger sifflement, je renvoie à l'homme sa propre image. Comme lui, je suis attaché à la terre. Ainsi, je lui rappelle ce qu'il est. Comme lui, je suis flexible, je progresse sur le sol en serpentant. Cela aussi, il l'oublie souvent. Enfin, par tradition, je suis le gardien des trésors cachés.

– Mais tu es détestable ! cria le Paon. Tu es sournois, dissimulé, dangereux.

– Tu dresses la liste de mes caractéristiques humaines, dit le Serpent, alors que je préfère énumérer mes autres fonctions, comme je viens de le faire. Et maintenant, regarde-toi ! Tu es vaniteux, trop gras ; tu pousses des cris
discordants ; tu as de grosses pattes, des plumes trop voyantes... »

C'est ici qu'Adi interrompit la conversation.

« Votre désaccord m'a permis de voir qu'aucun de vous n'a tout à fait raison. Et pourtant, il est clair, si on laisse de côté vos préoccupations personnelles, qu'ensemble vous composez un message pour l'homme. »

Adi expliqua alors aux deux adversaires, attentifs, quelles étaient leurs fonctions.

« L'homme rampe sur le sol comme le Serpent. Il pourrait s'élever vers les sommets tel l'oiseau. Mais, avide comme le Serpent, il conserve son égoïsme quand il tente de s'élever, et devient comme le Paon : arrogant. Le Paon nous fait entrevoir ce qui est possible à l'homme, mais c'est un ''possible" qui n'est pas correctement réalisé. Le chatoiement de la peau du Serpent nous fait entrevoir la beauté possible. Chez le Paon, elle prend un tour ostentatoire. »

Alors Adi entendit une Voix au dedans de lui : « Ce n'est pas tout, dit la Voix. Ces deux créatures sont dotées de vie : pour l'une et l'autre, c'est le facteur déterminant. Elles se disputent parce que chacune s'est accommodée de son mode d'existence, pensant qu'il constituait l'accomplissement de sa
véritable condition. L'une garde des trésors mais ne peut s'en servir. L'autre reflète la beauté, qui est en elle-même un trésor, mais ne peut se transformer à travers elle. Bien qu'elles n'aient pas profité de ce qui leur était accessible, elles en sont malgré tout le symbole pour ceux qui savent
voir et entendre. »

[Le culte du Serpent et du Paon en Irak, qui a intrigué de nombreux orientalistes, est fondé sur l'enseignement d'un sheikh soufi, Adi, fils de Musafir (XIIe siècle).

Cette histoire, devenue légende, rappelle comment les maîtres derviches donnaient une forme particulière à leur « école » à partir de certains symboles propres à illustrer leur doctrine.

En arabe, « paon » signifie aussi « parure », et « serpent » est formé à partir de la même racine qu'« organisme » et « vie ». Dans le culte de l'Ange Paon, pratiqué par les Yézides, le serpent et le paon symbolisent « l'intérieur et l'extérieur ».

Le culte de l'Ange Paon a toujours des adeptes au Moyen-Orient.]
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