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EAN : 9782070755301
217 pages
Gallimard (04/05/1999)
5/5   1 notes
Résumé :
«Il ne s'agit pas, au travers de ces quatre chapitres, de se demander si Bataille, Proust, Jouhandeau et Genet sont "croyants" : leur œuvre, c'est clair, n'est pas "religieuse" ; ils ne sont pas des théologiens mais des écrivains. Pourtant, à contre-courant de l'idée bassement reçue selon laquelle "Dieu est mort", ils incarnent l'étrange capacité de la littérature contemporaine à affirmer une résistance subjective qui croise en plusieurs points une très longue tradi... >Voir plus
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Si les propres motivations de Bataille demandent à être à leur tour éclaircies (à l’égard de Genet comme à l’égard de Sartre), il est manifeste qu’il tombe juste, en particulier sur le dernier point, sur le ressort passionnel du livre de Sartre, qui s’annonçait comme un éloge et qui est tout de même, dès les premières pages, un enterrement de première classe comme on en a rarement vus. On connaît les circonstances : Sartre faisant entrer l’œuvre de Genet chez Gallimard par la grande porte moyen­nant le caviardage de quelques passages jugés trop ouvertement sexuels avec l’approbation de Genet, mais sous la forme des Œuvres complètes, ce qui veut bien dire que Genet n’écrira plus, et avec cette condition supplémentaire que l’essai de Sartre constituera le premier tome de ces Œuvres, procédé littéralement sans précédent. Voici donc Genet dans la pénible situation de voir paraître comme premier volume de ses propres œuvres un livre de Sartre expliquant noir sur blanc que Genet est mort et que lui, Sartre, est venu prononcer son éloge funè­bre . Un éloge bien étrange, puisqu’il s’agit fina­lement de montrer que cette œuvre est une œuvre manquée. Un doute évidemment nous prend : si cela était vrai, est-il bien vraisemblable qu’il ait fallu à Sartre près de six cents pages pour s’expliquer avec une œuvre ratée ? C’est donc que cette œuvre n’est pas ce qu’il en dit, qu’elle est vertigineuse et que Sartre le premier est pris dans ce vertige à son corps défendant, pris dans ce mouvement violent d’amour et de haine qu’on appelle une passion... ou un transfert. Aveugle à sa propre passion sans doute, Bataille a vu juste sur celle de Sartre et, le premier, il donne à lire le Saint Genet comme un symptôme : que ce gros livre soit la « passion » de Sartre veut dire à la fois qu’il y trouve son propre chemin de croix et qu’il n’aura jamais été aussi loin, grâce à Genet, dans son explication avec lui-même, dans l’exploration des conditions inconscientes de sa propre pensée.
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Or c’est là le point essentiel dans le débat violent et mortel, le mot n’est pas trop fort, entre Sartre affolé par Genet et Genet enterré vivant par Sartre sous les fleurs, un combat dont il n’est pas certain d’ailleurs que Genet soit en dernière instance le vaincu. La démonstration de Sartre est forte, en effet, et ses intuitions sou­vent tombent juste, mais dès lors que sa singularité sexuelle affichée conduit Genet à une rébellion déclarée face à toute norme et à tout ordre social, il est clair qu’à son tour il met Sartre dans la posi­tion délicate d’avoir à s’expliquer sur sa propre relation à l’ordre et à la norme, à l’ordre social et à la norme sexuelle et morale comme il ne l’avait préci­sément jamais fait. S’il est vrai que Sartre est le philosophe de la liberté radicale définie comme négation de toute finitude, de toute limite factuelle, de toute valeur présupposée, s’il est vrai qu’il est le philosophe de la révolte, comment ne se recon­naît-il pas dans celui qui clame avec une telle force les droits de la révolte face à cet ordre des ordres qu’est l’ordre bourgeois défini par Sartre lui-même comme triomphe des « salauds » ? La révolte de Genet ne serait donc pas la bonne ? Faut-il entendre que Genet serait « trop libre » et que sa liberté elle non plus ne serait pas la bonne ? Répondre à ces ques­tions, ce n’est pas se contenter de dire que Sartre aurait tort ou raison, c’est plutôt prolonger cet impos­sible et passionnant dialogue de sourds, c’est dire comment Sartre dit souvent vrai au-delà de ce qu’il croit dire, c’est préciser ce qu’on doit entendre par révolte et par liberté, montrer ce que l’œuvre de Genet donne à penser d’une liberté identifiée à la réclamation sans conditions d’une singularité sexuelle, érotique, revendiquée comme telle, et c’est lire, dans cette œuvre complexe, les métamorphoses successives de la rébellion, de la sainteté et de l’amour.
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La parution, en 1952, du Saint Genet de Sartre aura décidément représenté un événement de grande ampleur, dont tout indique qu’il est impor­tant d’y revenir aujourd’hui afin d’en prendre l’exacte mesure et de mieux comprendre ce qui a pu se jouer là, à une date finalement assez récente, d’une longue histoire passionnelle entre la philo­sophie et la littérature ou le poème. Livre passion­nant, révélant la violence de la guerre engagée entre philosophie et littérature, en tout cas entre une cer­taine philosophie et ce qui dans la littérature moderne manifeste une proximité énigmatique à la dimension de la sainteté, jusque-là principalement définie dans notre culture par le discours et le dogme de l’Eglise chrétienne. Quelque chose d’essentiel, visiblement, se joue là entre une philo­sophie qui ne veut rien savoir de la religion et de la théologie et cette puissance nouvelle d’une litté­rature prenant en charge cette dimension de la subjectivité, du sujet au destin, jusque-là commandé par le discours chrétien où s’assurait l’entrelacs com­plexe et savant du désir, de la jouissance et de l’amour : autant dire que le débat, toujours actuel, entre la philosophie et la littérature est aussi le débat de la philosophie avec ce qu’elle entend et ce qu’elle ne veut pas entendre de la théologie jusque dans la littérature. Nous avons vu comment cette vérité venait au jour dans l’intervention singu­lière de Bataille, de « saint Bataille » jouant ensemble la philosophie, l’expérience érotique, la fiction et la théologie ou la mystique, dans le moment où Heidegger de son côté déplace l’ensemble du socle philosophique à partir de Nietzsche et du poème de Hölderlin.
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Il se trouve en effet qu’il s’agit finalement d’un règlement de comptes à trois pôles, entre Sartre, Genet et Bataille . En 1952, Bataille est loin d’être inexistant, et même si la gloire de Sartre est alors à son sommet, lui-même est en train de rédiger le manuscrit de L’érotisme et demeure le directeur de la puissante revue Critique. C’est d’ailleurs à ce titre qu’il se saisit de l’occasion inespérée que représente pour lui la publication du livre de Sartre pour s’expliquer à la fois avec la philosophie en la personne de Sartre, et avec une certaine définition de la littérature en la personne de Genet. Intervention polémique mais qui laisse entendre l’importance, à ses yeux, de l’enjeu : « Tout concourt à faire de ce livre un monument : son étendue d’abord et l’exces­sive intelligence que l’auteur y montre, la nouveauté et l’intérêt renversant du sujet, mais aussi l’agres­sivité qui étouffe et le mouvement précipité que le ressassement, accentue, qui parfois en rend pénible l’assurance. A la fin, le livre laisse un sentiment de désastre confus et d’universelle duperie, mais il met en lumière la situation de l’homme actuel, refusant tout, révolté, hors de lui . » Curieux texte, aussi passionnel finalement à l’égard de Sartre qu’à l’égard de Genet : chaque mot porte dans une explication entre deux pensées majeures qui ne fut jamais aussi directe, qui l’est même plus que dans le moment où Sartre dénonçait L’expérience intérieure et où Bataille répliquait en conviant Sartre à sa conférence sur le péché, tout en sachant parfai­tement, non seulement que Sartre n’aurait avec lui aucun point d’accord, mais tout simplement ne le comprendrait pas.
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Ce qui littéralement l’affole, en effet, dans l’œuvre de Genet comme hier dans celle de Bataille, c’est très exactement ce point de nouage, dérobé à toute philosophie de la conscience, entre la vérité sexuelle et la vérité théologique. Sartre bien sûr n’est pas sans le savoir, comme déjà l’étrangeté de son titre le démontre : ce titre renvoie à la fois à l’inscription au cœur du texte de Genet du mot « sainteté » (« saint » Genet) et à la figure tragique du comédien Genest dans la pièce homonyme de Rotrou, tragédie qui s’achève, rappelons-le tout de même pour prendre toute la mesure de l’ambivalence des sentiments de Sartre à l’égard de Genet, par le supplice du comédien sur l’ordre de l’empe­reur. Donc Genet acteur comme son quasi-homo­nyme Genest, Genet vrai faux chrétien (nous avons vu que cette question obsède littéralement Sartre face à Bataille dans « Un nouveau mystique »), Genet jouant à la sainteté (mais qu’est-ce donc qu’un vrai saint ?), à la fois personnage dans le texte et signa­ture au cœur d’un théâtre labyrinthique et baroque. À la condition d’ajouter encore cette dimension que le titre n’indique pas : c’est ouvertement et d’emblée que Genet, tout comme Jouhandeau, place son œuvre sous le signe de la singularité sexuelle, de l’homosexualité.
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