La chanson interdite

Un nouveau titre étonnant chez OSKAR Editeur, dont la couverture et le titre gardent bien secrets les vrais centres d'intérêt de cette histoire qui captiveront les lecteurs ados.

En général, les lecteurs sont plutôt ravis d'être un peu bluffés, surtout agréablement.

En regardant la 1ère de couverture, nous pouvons déja penser avoir tout compris de ce qui nous attend. Des impacts de balles dans une lettre annoncée par le titre comme interdite. La date de 1917 est apposée.



En fait, Éric Simard nous offre surtout un beau personnage, un fort caractère planté dans l'histoire ET une belle écriture en prime, dans le fond et la forme, vous le comprendrez.

Ce jeune homme là, son Jean, est tombé amoureux de la poésie.

Certains jeunes esprits ados plus masculins pourraient faire apparaître discrètement un petit rictus de désappointement. Mais lisez plutôt ce qui va suivre et voyez comme les mots peuvent avoir un charme incomparable et devenir parfois même une arme percutante.



C'est Violette qui revient sur son passé et nous présente son ami cher, son "frère" adopté, son cousin Jean.



En nous confiant d'où lui vient son plaisir naissant des mots et ses inspirations profondes, elle narre aussi l'itinéraire d'un jeune homme à fleur de peau, une âme singulière qui ne transige pas très tôt avec ce qui ne lui semble pas juste.



L'épisode de l'instituteur, Monsieur Monestier, sera déclencheur de fortes aspirations.

Pensant injustement redresser un esprit insolant et menteur, il confirmera la nature dure de ce petit garçon, son regard inflexible face à valeurs qui ne lui correspondent pas.

Monsieur Monestier lui a apporté sans le vouloir, la souffrance un temps certe, mais en s'amendant tristement de sa vie, il sema, dans un épisode qu'on laissera découvrir, la graine des jolis textes, des fables et des fins messages, un manteau protecteur qui lui tiendra chaud toute sa vie, une ardeur pugnace qui le galvanisera dans les temps moins cléments de 1917.

Une force sur sa tête, comme le casque de chevelure de Samson sur la sienne.



Monsieur Monestier, avant de partir, souffla une dernière fois sur les braises de sa nature passionnée avec une compassion nouvelle que Jean n'aurait pas soupçonné.

Jean ne l'oubliera jamais.

Les passages sont touchants, il faudra prévoir les mouchoirs, jusqu'au bout.

Quelle est-elle finalement cette chanson interdite?

Jean parle dans ses lettres à sa Violette de la "Chanson de Craonne". Nous laisserons les lecteurs faire leur propre recherche afin de deviner le sort tragique de Jean et ses circonstances.



Avec le destin de Jean, c'est aussi le monde des fermiers, des ouvriers et des artisans qui est mis à l'honneur en 1908, dans la région de Thiers.

Éric Simard met du coeur à l'ouvrage, nous nous prêtons d'attention pour l'activité des émouleurs peu connue. Jean deviendra un émouleur poète qui forgera le métal et les mots.

On devine Violette très proche de Jean pour nous rapporter tout cela avec une finesse du sentiment, pour nous restituer ce qu'il avait là, tout au fond, au creux de ses colères.



Les lectrices auront leur romance impossible. Jean et Violette s'aiment mais ils sont cousins.

Ce moment délicieux du roman où Jean pose ses distances à sa manière sur une lettre. (A lire à l'envers c'est à dire en partant du bas, de gauche à droite).

Il n'est pas aisé de parler de coup de coeur pour des ouvrages traitant de ces périodes historiques et pourtant.

Un coup de coeur à ne pas rater.

La fin du roman nous invite même à trouver notre propre goût aux jeux des mots.

Jean devenu orphelin est recueilli par un cousin éloigné qui souhaite avoir un garçon pour lui léguer son savoir faire d'émouleur.

Son caractère entier est en partie la conséquence d'un événement tragique de son enfance qui l'amène à ne jamais rien sacrifier de sa liberté.

Il vit un temps heureux, dans une existence dure mais proche de la nature. Alors qu'il pense avoir trouvé une forme de bonheur, la guerre éclate...

Un roman qui inscrit le bonheur entre deux moments terribles qui semblent avoir pour rôle principal d'éclairer l'horreur de la guerre, comme un piège qui se referme sur les hommes.

C'est à la fois l'occasion d'approcher le monde de la coutellerie, avec des hommes et des femmes fiers et indépendants et la menace de l'industrialisation que l'on devine et celui des mutineries de la première guerre mondiale.

C'est enfin une ode à la liberté et aux sacrifices que parfois elle impose avec comme outil de résistance du héros les mots et la poésie.
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