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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
D'origine modeste, P.M a, surtout grace à un beau mariage, atteint une certaine position sociale dans le milieu fermé des propriétaires de ranches en Arizona à la frontière avec le Mexique.
Mais voilà que son frère, évadé en cavale, se réfugie chez lui en attendant de pouvoir traverser la frontière...

"Le fond de la bouteille", roman dur "doublement américain", puisque écrit aux Etats-Unis et se situant dans ce pays est un drame familial comme Simenon savait si bien les écrire.
P.M n'avait vraiment pas envie de voir arriver ce frère encombrant qui pourrait remettre tout ce qu'il a obtenu en question.

Cette histoire de fratrie "honteuse" prend tout son sens quand on sait que le créateur du commissaire Maigret avait lui aussi un frère cadet, Christian, qui lui causa du soucis quand il choisit pendant la seconde guerre mondiale le camp rexiste (les fascistes belges menés par Léon Degrelle)
A la libération, Simenon se vit reprocher ses succès sous l'occupation et préfèra s'expatrier (précisement aux Etats-Unis) et fit sortir son frère De Belgique...
Il est clair que cet épisode, sans doute aussi douloureux qu'embarrassant a inspiré ce roman tragique et poignant.
Du grand Simenon.


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"Le fond de la bouteille" - écrit en 1948 depuis les Etats-Unis par notre écrivain liégeois universel - est un récit pluvieux, un sombre récit-lisière entre Mexique et Arizona. Quand la Santa Cruz est en crue, les ranchers se regroupent et s'alcoolisent les uns chez les autres pour y tromper leur ennui (et pour certaines dames, leurs maris, cela arrive...). L'un d'entre eux, Patrick - Patrick Martin Ashbridge, dit "P.M." - voit, un soir, débarquer dans sa vie son frère Donald, son cadet, un "raté" dont il est sans nouvelles depuis des années : évadé d'un pénitencier, il s'est d'abord réfugié chez leur soeur, beaucoup plus complaisante et moins jugeante que son aîné rancher... Durant toutes ces années où Donald se déclassait et s'enfonçait dans l'irrémédiable, "P.M.", lui - à force d'efforts et du "hasard" d'un mariage gratifiant - réussissait matériellement sa vie... le choc de leurs retrouvailles en est d'autant plus violent - d'autant que l'alcool les happe tour à tour. Abel et Caïn se battent puis s'apaisent... "P.M." promet d'aider Donald à passer la frontière - à savoir les eaux boueuses et dangereuses de la rivière. Car "P.M." est un homme de devoir...

La tragédie d'un homme ordinaire.

Pierre ASSOULINE, en sa monumentale biographie "Simenon", avait montré comment "Le fond de la bouteille" retraçait psychogiquement le sauvetage - par Georges - de Christian, son cadet chouchouté par sa mère étant enfant, bientôt parfait "raté" de sa famille, devenant fier collabo "rexiste" durant l'Occupation de son pays, dûment poursuivi pour collaborationnisme et crimes de guerre à la Libération : l'homme fuyant la Belgique s'évadera de France grâce à l'aide matérielle de son frangin, "écrivain célèbre richement pourvu" et très embêté..., puis disparaîtra dans les sables de la Légion étrangère sous un nom d'emprunt...

Non seulement, le sous-texte du roman est passionnant mais la montée des passions dans ces pages de double enfermement alcoolisé - quand la pluie violente bat au dehors sur les sols détrempés, face au désert embrumé - forme un ensemble inoubliable.
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Les Belges forment un peuple plein d'humour, créatif, talentueux et beaucoup plus subtil que l'imagerie populaire nous le représente. Il suffit de citer Jacques Brel, Hergé et Georges Simenon pour en être convaincu. Bref j'ai beaucoup de sympathie pour les Belges, j'aime leur simplicité et leur modestie qui contraste avec l'arrogance française. Sans faire de bruit ce petit pays parvient à se faire une place honorable dans le concert des grandes nations. Citons par exemple son classement à la 12e place au classement mondial de la liberté de la presse réalisé par reporter sans frontière, à comparer à la 34e place attribuée à la France. Son classement suivant l'indice de développement humain (IDH) est également remarquable, 17e en 2019, alors que la France pointe à la 24e place. Concernant un sujet d'actualité, le salaire des infirmiers à l'hôpital, le constat est encore en faveur de la Belgique, classée 12e parmi l'ensemble des pays de l'OCDE, alors que la France est en queue de peloton 26e sur 29 ! Et pour les frites, bien évidemment, les Belges sont meilleurs que nous. Mais rassurons-nous, compte tenu des décisions récentes de notre gouvernement, la France devrait occuper la première place concernant le nombre de médailles accordées au personnel de santé pour les remercier de leur engagement dans la lutte contre le covid 19.

 Revenons à la littérature. Parmi les grands auteurs Belges on peut citer : Émile Verhaeren, Maurice Maeterlink, Henri Michaux, Françoise Mallet-Joris, Amélie Nothomb et le plus célèbre, et le plus prolifique de tous Georges Simenon (1903-1989), un monument de la littérature mondiale. Sa puissance créatrice est phénoménale, il est très difficile de dresser un catalogue précis de toutes ses oeuvres, on dénombre plus de deux cents romans, ainsi que des dizaines de nouvelles et d'articles parus sous vingt-sept pseudonymes, le tout traduit en 57 langues, et publiés dans 44 pays ! Ses romans se partagent en deux catégories, la série des "Maigret" et les romans "durs" (Ses plus nombreux romans sont ceux ou Maigret n'apparaît pas).

 Ce forçat de l'écriture rédigeait environ trois pages par jour, mais tous les jours sans exception. À cette cadence il pouvait produire quatre livres par an. Faulkner le comparait à Tchekhov, Gide disait de lui : « Simenon est un romancier de génie et le plus vraiment romancier que nous ayons dans notre littérature d'aujourd'hui. ». En considération de l'ampleur et de la qualité de sa production beaucoup l'ont désigné comme le Balzac du XXe siècle. Qu'en est-il ? En effet, la dimension de l'oeuvre De Balzac et de celle Simenon sont comparables, avec toutefois un avantage pour Simenon car il a vécu 86 ans soit 35 ans de plus que Balzac. Balzac l'emporte peut-être concernant le nombre de personnages mis en scène, quelques centaines pour Simenon, plus de deux mille pour Balzac. Tous les deux sont les témoins d'une réalité bien ancrée dans leur société mais il y a plusieurs différences. Balzac a conçu son oeuvre comme un tout cohérent où chaque roman se relie à d'autres, il a inventé le retour des personnages. Simenon n'avait pas d'intention d'ensemble, il a écrit ses romans les uns après les autres sans établir de liens entre eux. Les personnages De Balzac forment des types humains fortement marqués, Rastignac représente l'ambition, Gobsek l'avarice, le baron Nucingen personnifie le monde de la finance, le père Goriot symbolise l'amour paternel.

Balzac avait l'ambition de décrire tous les tempéraments et tous les groupes sociaux de son époque. Il a fait oeuvre non seulement de romancier mais aussi de sociologue et d'historien en décrivant les moeurs de la société de la première moitié du XIXe siècle. Les personnages de Simenon ont parfois moins d'épaisseur, moins d'autonomie et n'appartiennent pas tous à des catégories bien définies. Dans Balzac c'est la puissance et la volonté des personnages qui provoquent et conduisent l'action, dans Simenon c'est la société qui s'impose aux personnages qui doivent composer avec leur passé où se frayer un chemin dans les vicissitudes de la vie. C'est un schéma un peu réducteur mais qui permet de mieux comprendre la différence entre ces deux monstres. Simenon, qui avait une grande admiration pour Balzac, déclarait d'ailleurs « Je ne me crois aucun point commun avec le romancier de la Comédie humaine, sinon, peut-être, l'abondance ».

 "Le fond de la bouteille" est un roman à part dans la production de Simenon. Il y a une grande part autobiographique, non pas dans les détails de l'histoire mais dans l'esprit.

 L'action se passe en Arizona dans les années 1940, à la frontière du Mexique. Ambiance Cow boy du XXe siècle : des chevaux, des shérifs, des bagarres, des poursuites, du Whisky mais pas seulement. Il y a aussi une vraie intrigue et une méditation sur la condition humaine et les relations familiales en particulier entre deux frères. Un soir d'orage, P.M. (Patrick Martin) légèrement alcoolisé, rentre chez lui et a la désagréable surprise d'y trouver Donald son frère en rupture de ban. Ils ne se sont pas vus depuis longtemps et ne s'entendent guère. Donald veut que P.M. l'aide à traverser la rivière Santa Cruz pour qu'il puisse rejoindre sa femme et ses enfants sans ressources qui l'attendent à Nogalès. La région est isolée à cause de pluies torrentielles qui ont gonflé la rivière, les habitants de plusieurs ranchs sont réduits au confinement forcé pour plusieurs jours. Les deux frères vont devoir cohabiter le temps que le niveau d'eau baisse. Auprès de sa femme et de leurs relations, P.M. invente une fausse identité pour ce frère dont il a honte, lui qui a réussi dans la vie en se faisant une place dans la bourgeoisie aisée n'accepte pas cette situation qui lui rappelle un passé médiocre. La tension monte entre les deux hommes au milieu de soirées passées avec la petite communauté de ranchers qui trompent l'ennuie en organisant des soirées alcoolisées. Au fil des chapitres l'intensité dramatique monte et l'on découvre au travers de nombreux dialogues et de quelques flash-back, l'histoire des deux frères que tout oppose. L'avocat d'un côté, le repris de justice de l'autre. C'est l'histoire de Caïen et d'Abel.

 Le récit est d'autant plus poignant qu'il correspond à une réalité vécue par l'auteur. Les parents Simenon ont toujours préféré Christian à son frère Georges, le mal aimé. Mais c'est Georges qui va le mieux réussir dans la vie en devenant l'écrivain que l'on connaît, tandis que Christian, petit fonctionnaire sans envergure, sombrera dans l'alcoolisme et la collaboration. Au début de 1946, Christian rencontre son frère et lui demande de l'aider. Georges lui conseille de s'engager dans la Légion étrangère pour échapper aux représailles de l'épuration et se faire oublier. Christian se résigne à cette perspective. Quelques années plus tard, début 1948, Georges reçoit l'avis de décès de son frère tombé dans une embuscade au Tonkin. Simenon se sent responsable. Il exprimera ses regrets en écrivant "Le fond de la bouteille" quelques mois après ce dramatique évènement. Je précise toutefois que ce livre, dont la fin est également tragique, se termine différemment.

 La mise en scène de l'histoire est envoûtante, Simenon maîtrise parfaitement l'art d'écrire et parvient avec une économie de moyen remarquable à retenir l'attention du lecteur de la première à la dernière page. Comme tous les grands écrivains, il déforme la réalité pour la rendre encore plus intense et plus troublante.

Bibliographie :

- "Le fond de la bouteille", Georges Simenon, Belfond (1997), 184 pages avec une postface de Pierre Assouline.

Adaptation au cinéma :

- "The Bottom of the Bottle", film américain réalisé par Henry Hathaway, sorti en 1956, avec Joseph Cotten et van Johnson.
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J'aime beaucoup ces petits romans écrits par Simenon durant sa période "américaine". L'ambiance qu'il réussit à susciter est surprenante. Dans ce roman-ci, nous nous retrouvons dans le monde des ranchers des années 40. Petite bourgade à la frontière mexicaine, composée des pauvres qui travaillent chez les riches (les propriétaires terriens).

P.M. est un avocat qui est sorti du ruisseau, qui s'est fait tout seul, qui a épousé Nora, riche propriétaire. Il voit surgir dans sa vie son frère Donald, qu'il n'avait plus vu depuis l'enfance, et qui s'est évadé de prison. Donald veut être aidé pour passer la frontière. Mais... il est impossible de passer la frontière qui est délimitée à cet endroit par un ruisseau, devenu, à cause de gros orages qui secouent la région depuis quelques jours, un courant d'eau impossible à traverser... Et, il y a ce whisky, qui apaise et fait du bien mais qui a des effets pervers...

Roman facile à lire, qui m'a mise en appétit, lentement, au fur et à mesure de la lecture, pour arriver à me faire dévorer les 2 derniers chapitres!


Lien : http://jenta3.blogs.dhnet.be..
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Lorsque P-M voit débarquer son frère à l'improviste, il sait que ce n'est pas une bonne nouvelle. Son frère, condamné pour meurtre, s'est évadé et il souhaite traverser la frontière pour se rendre au Mexique et y retrouver sa femme et ses enfants. Seulement, de fortes pluies sont venues grossir le lit de la rivière et la traversée est impossible. P-M va devoir l'héberger.
"Le fond de la bouteille" est ce que Simenon appelait un "roman dur", à savoir un roman plus dense, plus intime qu'un "simple" Maigret. Comme à son habitude, il va à l'essentiel, Simenon a cette capacité géniale de poser une atmosphère, des sentiments en quelques mots bien trouvés, c'est ce qui en fait un grand écrivain.
Dans ce roman, il est surtout question du lien entre frères. L'un ayant réussi et l'autre "faible" ayant raté. Une relation amour-haine, mais peut-on tourner le dos à sa famille? A l'instar de son célèbre commissaire, Simenon, ne juge pas, il essaye de comprendre cet "homme nu", pour encore le citer.
C'est un récit assez sombre et en lisant quelques autres critiques, j'apprends que ce roman est sans doute une métaphore de la relation qui existait entre Simenon et son propre frère, ce qui après coup, ne fait que rendre cette lecture encore plus intéressante.
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Excellent Simenon, comme presque toujours. Une écriture à l'économie mais qui dit tout, accroche le lecteur dès le premier mot. Signe des grands auteurs. Sous décor de cow-boys et farmers de l'Arizona, la frontière US/Mexique, la frontière aussi entre deux frères opposés. Et pourtant...
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