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Iegor Gran (Autre)Sonia Lescot (Traducteur)
EAN : 9782490501298
212 pages
Editions du Typhon (24/08/2023)
3.62/5   12 notes
Résumé :
A la lecture de ces deux contes jumeaux aussi terribles que drolatiques, on se dit que leur titre ne nous a pas menti : c'est déciment bien écrit ! Dans Graphomanie, le lecteur suit les mésaventures d'un génie qui ne l'est qu'à ses yeux. Négligeant sa famille pour être reconnu comme écrivain, entouré de médiocres à qui il cherche à plaire tout en les méprisant, notre antihéros sent qu'à force de tomber, il va rebondir.
Oui, mais quand ? Dans Le Verglas, le na... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Gonflé, cet en-tête à tête.
Ce titre, qui à priori, ne constitue pas un éloge flagrant à la modestie, pourrait nous laissait croire qu'Andreï Siniavski ne s'était pas foulé un lobe pour baptiser son bouquin. Il serait possible aussi d'incriminer l'éditeur qui s'est peut-être imaginé qu'avec un Président sur le point d'interdire les livres de chevet pour que nul ne néglige ses devoirs conjugaux afin de doper une natalité en berne, lire ou jouir, il faut choisir, un titre prémâché comme un plat cuisiné couperait la chique de toute critique.
Eh bien, pas du tout ! Ce titre ironique va comme un moufle (nous sommes en Russie, les gants ne suffisent pas !) aux deux contes savoureusement amoraux de ce très sympathique recueil qui a su échapper aux coups de faucille et de marteau des bricoleurs soviétiques.
De la censure à l'exil, en passant par la clandestinité et le goulag, Andreï Sinieski a suivi le cursus de tout bon dissident soviétique à barbe. Un bon CV Sibérien. Les russes n'ont jamais compris qu'il était contre-productif d'envoyer des écrivains en voyage organisé au Goulag. Cela leur laissait beaucoup trop de temps libre pour écrire des chefs d'oeuvre. Des stakhanovistes de la contestation.
Dans « Graphomanie », un Calimerov, ravi de sa plume, raconte son épopée d'écrivain raté. Il est grotesque, si ridicule qu'il en devient attachant. Ce texte est une belle réflexion par l'absurde sur les doutes d'un écrivain habité par son art. Ecrit-il par besoin, pour exister, pour la reconnaissance, la postérité ou parce qu'il a quelque deux ou trois petites choses à dire au monde ? le narrateur cajole son manuscrit intitulé “ A la recherche du bonheur” mais son génie littéraire échappe à son éditeur, à un poète maudit qui recycle les textes des autres et à sa femme, lassée d'entretenir un plumitif narcissique. Plus écrivant qu'écrivain, il jalouse la réussite des autres, se désespère de l'inflation galopante d'écrivains en toundra (l'herbe russe) qui banalisent le métier et il en vient même à critiquer les grands auteurs classiques qui monopolisent le marché.
"Le verglas”, texte encore plus abouti selon moi, traite de façon très drôle du destin, implacable quand on cherche à le braver, même si j'adore la citation d'Ambrose Bierce : « Destinée. Justification du tyran pour ses crimes, excuse de l'imbécile pour ses échecs. ». Un personnage se découvre des talents de médium et révèle ses pouvoirs lors d'un réveillon chez des inconnus. Capable de dévoiler les petits secrets de n'importe quel invité, il leur annonce aussi l'avenir pour le dessert. Boris, l'ex-mari de la compagne de l'oracle en chapka, le dénonce aux autorités qui vont chercher à utiliser ses talents. Malgré sa connaissance du futur, le présent va s'acharner à contrarier ses plans pour changer le cours des choses.
Vous l'aurez compris, deux récits jeunesse du père d'Iegor Gran, qui ne répondaient pas au cahier des charges du Politburo et de sa raspoutitsa idéologique.
Je vous conseille aussi la lecture d'« André la Poisse », roman déjà billeté du même auteur et publié aux mêmes éditions du Typhon.
C'est bien lu !
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C'est bien écrit.
Un bookstagrammeur un peu flemmard pourrait se contenter du titre pour en faire sa chronique. Parce qu'il n'y a pas à dire, Andreï Siniavski, il écrit bien. Ça donnerait d'ailleurs pas mal de complexes au bookstagrammeur sus-nommé.
Nous avons donc affaire à deux nouvelles.

Graphomanie est juste parfaite (parfois, il faut oser le superlatif). Un écrivain génial, en tout cas il en est intimement convaincu, attend la publication de son manuscrit. Ce retard est de la faute des autres, qu'il méprise avec talent. Son fils est un médiocre, sa femme n'y entend rien, ses amis écrivains ne valent pas grand chose mais il faut bien entretenir son réseau, son éditeur le snobe et la secrétaire est un dragon. Mais il a, chevillé au corps, la foi des convertis. Il est écrivain, maudit, incompris, mais écrivain, mieux, graphomane, puisqu'il ne peut s'empêcher d'écrire. Au point que sa vie même est un roman. Enfin, il en est intimement convaincu.

Le verglas est juste parfaite (parfois, il faut oser le superlatif). le narrateur, au cours d'une soirée de nouvel an qui aurait toute sa place dans un film de Bacri et Jaoui vu le niveau de cynisme, constate qu'il voit l'avenir. Pas besoin de boule de cristal, il sait naturellement le cours des événements futurs. Ce qui de prime abord semble un don du ciel, est un cadeau encombrant, un pouvoir qui intéresse d'un peu trop près le pouvoir en place, quand lui ne veut que sauver son amour du gel.

C'est drôle, intelligent, pertinent et impertinent. C'est une leçon d'écriture qui fait grincer des dents (en publiant ces lignes je ne suis qu'un Simon Galkine s'auto-éditant), c'est russe (et comme je rame en terminant Crime et Châtiment je m'octroie le titre de spécialiste de l'âme slave), c'est fou et loufoque. C'est, je crois, un des rares textes amusants de cette fin d'été. Des anti-héros agaçants et fascinants qu'on aurait pu suivre sur bien des pages encore.
Comme toujours avec les éditions du Typhon, c'est étonnant et différent. Et en pleine rentrée littéraire, comme une bouffée d'air glacé.

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Deux novellas sont assemblées dans ce livre publié aux enthousiasmantes éditions du Typhon. Toutes deux signées Andreï Siniavski, elles sont introduites par Iegor Gran, auteur et fils de Siniavski.

Le lien entre ces deux histoires tient à ses personnages principaux réfléchissant à l'écriture.
L'autre point commun entre-eux est que ce sont des sales types de leur époque.

Dans Graphomanie, Straoustine est persuadé d'être un écrivain de génie. N'en déplaise à son éditeur,sa secrétaire, ses collègues, sa femme, son fils, il est brillant et appelé à la postérité. Pas encore édité mais ce n'est qu'une question de malentendus. Suffisant, arrogant, méprisant, il est incapable de se remettre en cause. le texte est amusant et se lit d'une traite, avec son héros ridicule et méprisable. S'il n'y avait pas ces nombreuses scories sexistes, ce serait même excellent.
Iegor Gran, dans sa préface, se demande si nous ne sommes pas toustes des graphomanes en puissance, si chaque aspirant·e auteurice ne devrait pas se méfier du "Straoustine" qui sommeille en chacun·e.

Dans le Verglas, Vassily se voit subitement doté d'un don de vision, par-delà les époques... et les corps. le texte traîne un peu en longueur, mais n'est pas inintéressant sur cette question maintes fois abordée dans la littérature de genre (fantastique comme science-fictive) des mauvais côtés de la capacité à voir l'avenir. Siniavski va plus loin puisqu'il ajoute une dimension "vie antérieure" à son récit. Moins arrogant que Straoustine, Vassily est tout aussi misogyne.

La préface et les deux textes s'assemblent bien dans leur style et thématique. Graphomanie mérite la lecture, le Verglas un peu moins. Enfin, ce n'est que mon avis.
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À l'heure où l'époque adore s'ériger en juge et craint tant ce qui l'insécurise, C'est bien écrit ! fait un bien fou. Drôle, caustique, piquant, malicieux, on hésite toujours entre rire et pleurer. Si les poses, les faux-semblants et les petitesses vous exaspèrent, ce livre vous emballera !
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critiques presse (1)
Marianne_
08 septembre 2023
Ironie mordante et fantastique assumé : « C'est bien écrit ! », ce roman inédit en français du dissident communiste Andreï Siniavski, disparu en 1997, s'articule en deux contes jumeaux aussi terribles que drolatiques.
Lire la critique sur le site : Marianne_
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Le véritable écrivain est celui qui n’écrit pas. [...] ce qui ne l’empêche pas de penser à son écriture en continu, elle le démange et le rend malade, c’est son espoir et sa malédiction. [...] on ne fait pas plus mauvais lecteur qu’un écrivain.
(Préface par son fils Iegor Gran)
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Jusqu'au moment où il bute au milieu d'une strophe. Tout son corps penche en avant. Il claque des lèvres dans le vide. Comme pour happer les mots envolés de sa mémoire. On dirait un noyé qui happerait l'air avant de couler. (25)
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Le pilote d'essai me rattrapa dans l'entrée et me coinça contre un portemanteau pour me demander conseil. Il voulait connaître, à l'insu de sa femme, la date de sa mort. Devait-il ou non lui faire un enfant ? Valait-il la peine d'acheter un frigidaire ? Voilà ce qui le tourmentait. (125)
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Il ne s’agit pas de savoir comment ils écrivent, mais quelle soif d’écrire les possède !
(Graphomanie)
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Le sort est toujours inéluctable, comprenez-vous, il suffit de le prédire. C'est comme un verdict. Vous le savez vous-même, un tribunal ne révoque jamais la sentence qu'il a prononcée.
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Videos de André Siniavski (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de André Siniavski
À travers l'histoire vraie de son père, l'écrivain Iegor Gran raconte dans son dernier roman "Les Services compétents" (éd. P.O.L, 2020), l'histoire ce qu'il appelle "la colonne vertébrale de la société", le KGB. En effet, Andreï Siniavski, père de l'auteur, publia en 1959 dans la revue "Esprit" un texte pamphlétaire dans lequel il critiquait le réalisme socialiste. Recherché pendant de nombreuses années, il finit par être arrêté, jugé puis emprisonné en 1966 dans un camp durant cinq ans et neuf mois.
La Grande table Culture d'Olivia Gesbert – émission du 5 février 2020 À retrouver ici : https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-1ere-partie/saison-26-08-2019-29-06-2020
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