Ces "Bibliothèques Idéales" sont vraiment et définitivement un régal....
Après nous avoir gratifié de
La Bibliothèque idéale des mets et des mots ;
La Bibliothèque mythologique idéale ;
La Bibliothèque idéale des philosophes antiques ;
La Bibliothèque humaniste idéale ;
La Bibliothèque classique infernale ;
La Bibliothèque classique idéale ;
Voici un petit nouveau, que nous offre les
Belles Lettres, qui vient intégrer cette collection aussi indispensable que remarquable :
La
Bibliothèque idéale des Odyssées (D'Homère à Fortunat), sous sa couverture bleu comme la mer et sa chouette couleur or, on sait d'avance que nous allons au devant de la découverte de trésors de la littérature classique avec pour élément fédérateur l'Odyssée
Claude Sintes nous prévient dès le début citant la belle phrase de
Gide : "Choisir, c'est se priver du reste". Mais là il n'est nullement question de privation tant les choix semblent judicieux, opportuns et adéquats.
À tout seigneur, tout honneur, l'auteur ne pouvait débuter sans
Homère de retour de Troie, poursuivre sans, bien entendu, Jason à la recherche de la Toison d'or et convier Énée fuyant sa patrie pour aller fonder une nouvelle civilisation.
Alors dans ce volume on retrouvera également
Eschyle,
Euripide,
Aristophane. de historiens antiques tels
Hérodote, Strabon ou
Denys d'Halicarnasse qui se lance dans une analyse archéologique du voyage d'Énée.
Mais ces textes sont là également pour démontrer la diversité des destinations, éclairer les raisons du départ, les moyens que le voyageur antique déploie, les craintes et peurs de ses contrées inconnues voire hostiles.
Alors il y a les intrépides, ceux qui prennent leur temps, ceux qui se délectent, ceux qui ne veulent pas partir, ceux qui sont obligés de partir, ceux qui restent, ceux qui son
tristes de rester, ceux qu
i ont peur, ceux qui s'émerveillent. Bref, un instantané des sentiments humains face aux voyages.
Parmi ces textes qui sont tous, avouons-le des redécouvertes ou des découvertes. Il en est qui laissent place à l'émotion, j'en veux pour preuve:
Le préambule sur
Virgile et les voeux d'Horace
"Comme bien d'autres intellectuels de la fin de la République et du début de l'Empire, le génial poète de la navigation au long cours d'Énée, véritable Odyssée de langue latine, ne tenait pas en grande estime les voyages maritimes. Pire, le seul déplacement lointain qu'il ait jamais entrepris a causé sa perte. D'une modeste origine paysanne, timide, un peu gauche et souffreteux,
Virgile (70-19 av. J.-C.) ne va pas, comme ses jeunes contemporains de la haute société, fréquenter les écoles d'Athènes ou de l'Orient, visiter les lieux culturels du Péloponnèse ou de l'Égypte. Ne s'éloignant pas beaucoup de sa province natale, il est formé à Crémone, Milan et Rome, la plupart de ses déplacements se limitent ensuite à la péninsule et à la Sicile. Après onze années passées à l' écriture de son épopée nationale, l'Énéide, il souhaite parfaire son chef-d'oeuvre, en visitant les endroits où ses héros agissent, aiment et meurent. Prenant la mer en 19 av. J.-C., il prévoit de rester trois ans en Grèce et en Asie Mineure pour suivre le périple des Troyens et compléter ses vers par des descriptions de lieux qui soient crédibles, Horace, son ami intime, a gardé dans l'une de ses Odes (I, 3) le souvenir de ce départ en lui adressant des voeux de bon voyage :
[...] veuille le père des vents, les tenant enchaînés tous hors I'lapix, te conduire, vaisseau à qui je confie et qui me doit
Virgile : remets-le sauf, je t'en conjure, à la terre athénienne et conserve la moitié de mon âme.
Si les dieux ont exaucé Horace en permettant une traversée favorable, ils n'ont pas poussé la bienveilance trop loin : quelques mois après son arrivée, le prince desvpoètes est victime d'une insolation (semble-t-il) et rentre, mourant, en Italie. Pris d'un pressentiment avant son départ il avait ordonné à ses amis de détruire ce manuscrit imparfait s'il lui arrivait malheur, ce qu'ils ne firent pas, sauvant des plus grands textes de la littérature classique."
Et ensuite le plus émouvant : le départ en exil d'
Ovide, dans lequel
Ovide délaisse la réalité pour un rappel de la tempête canonique d'
Homère où les vents majeurs se sont échappés de l'outre d'Eole et aussi pour symboliser son âme ballottée en tous sens :
[...] Souvent, dans sa fureur, Neptune voulut perdre le prudent Ulysse et souvent Minerve l'arracha des mains de son oncle paternel. Nous aussi, malgré la distance qui nous sépare de ces héros, qui interdit à une puissance céleste de nous protéger contre un dieu courroucé ?
[...] Malheureux ! mes paroles impuissantes se perdent sans effet. de lourdes vagues, tandis que je parle, inondent même mon visage ; le terrible Notus dissipe mes paroles et empêche mes prières d'atteindre les dieux auxquels je les adresse.
[...] Malheureux que je suis ! Quelles montagnes d'eau roulent autour de nous ! On croirait à l'instant qu'elles vont toucher les astres au plus haut du ciel. Quelles vallées se creusent quand la mer s'entrouvre ! On croirait à l'instant qu'elles vont toucher au noir Tartare. Partout où je regarde, il n'y a rien que la mer et le ciel, l'une grosse de vagues, l'autre menaçant de nuages
[...] Cependant mon épouse dévouée ne s'afflige que de mon exil; c'est de mes maux le seul qu'elle connaisse et pleure. Elle ignore que mon corps est le jouet de la mer immense, elle ignore qu'il est poussé par les vents, elle ignore que la mort est là. Il est bien que je ne lui aie pas permis de s'embarquer avec moi. Malheureux ! il m'eût fallu souffrir deux fois la mort ! Mais, si je meurs aujourd 'hui, puisqu'elle est à l'abri du danger, je survivrai du moins dans la moitié de mon être.
[...] Quand vous voudriez tous sauver ma misérable vu, un être frappé par la mort-né saurait plus existe. Quand la mer s'apaiserait, quand les vents me seraient favorables, quand vous m'épargneriez, je n'en serai pas moins exilé [...]
Alors embarquez sans attendre...
Appareillez sans craintes....
Ce livre vous emportera pour plus les plus belles des Odyssées....