La voix d'Orphée aura été célébrée par bien des poètes, de la Pléiade à Hugo, de
Rilke à Mallarmé... le poète Thrace aurait vécu au 6ème siècle avant J.C., à côté du mont Olympe, né d'un dieu fluvial et d'une muse. Il épousa une nymphe, Eurydice, qui mourut, tuée par un serpent, le jour de leurs noces. Ses chants subjuguaient toute la nature, faisant se mouvoir les rochers, apaisant les monstres et les bêtes sauvages. Il a parfois été représenté, avec sa lyre, debout sur la nef Argo, invité par Jason parti à la conquête de la toison d'or, ramenant les vagues, rythmant la cadence des rames, conjurant le charme des sirènes. Il envoûta jusqu'aux gardiens de l'enfer, dont Cerbère, le chien à trois têtes, et obtint d'Hades et de Perséphone, les maîtres du royaume des ombres, de pouvoir ramener Eurydice à la lumière, empruntant un sentier abrupt, obscur et silencieux, mais à la condition de ne jamais se retourner. Il ne put, cependant, s'empêcher au moment fatidique de la contempler et la perdit aussitôt. Sa douleur fut telle qu'il se retira dans la solitude où il mourut victime de la vindicte de femmes qu'il avait rejetées ou, selon d'autres versions, déchiré par des ménades déchaînées.
Il fut à l'origine d'un culte et de mystères. Les Orphiques croyaient à la divinité et à l'immortalité de l'âme, mais celle-ci, suite au meurtre primordial de Dionysos, transmigre d'un corps à un autre, qu'il soit animal ou humain, un corps perçu comme une prison ou un tombeau dans lequel elle serait comme ensevelie. Elle doit donc se purifier pour se libérer. Les Orphiques refusaient la nourriture carnée et, allant à l'encontre des cultes officiels de la cité, s'abstenaient de participer aux sacrifices sanglants. Ils devaient aussi lors de leurs cérémonies apaiser la douleur de Perséphone, la mère de Dionysos, le dieu mis à mort. Celui-ci, conçu d'une relation incestueuse avec Zeus, avait été tué par les Titans qui le dépecèrent et firent cuire ses membres, parfois pour les manger. Zeus les foudroya et les précipita dans le tartare. La race humaine serait née alors de la suie déposée par leurs corps calcinés, héritant ainsi aussi bien d'une ascendance céleste que d'une souillure qui peut la condamner à une éternelle errance dans les cycles de la génération.