Cet ouvrage est une méditation sur le temps, l'évolution parfois surprenante du monde, le caractère en fait éphémère de ce qui semble éternel, la force mystérieuse et irrationnelle de l'amour, la beauté de l'Italie et la force animale de New-York ou de l'Inde, un long poème dans lequel se plonger et se laisser glisser
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Un superbe récit, à la fois modeste et truculent.
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Moi j’aime les gens qui ne sont pas sûrs d’eux, les perplexes, les modestes, ceux qui essaient de comprendre. J’aime bien les gens qui ont peur.
Amoureux, je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire : que peut-être les plus minimes, les plus imprévisibles parcelles de temps se pétrifient d'un seul coup ? Ou que l'on est fasciné, charmé, engourdi, comme en transe ? Ou que soudain on se sent mal, peut-être parce que l'on a perdu toutes ses certitudes et que l'on sait qu'elles sont chez l'autre, et qu'il faut aller les chercher chez cet autre pour ne pas mourir, cesser de respirer, suffoquer.
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Etrange qu'à cinquante-sept ans on puisse tomber amoureux comme un imbécile. Qu'on puisse rêver les choses les plus fantastiques, souffrir comme jamais on n'a souffert, avoir envie de se suicider, avoir un sexe brûlant et gonflé de sang, se sentir mourir pour des lèvres et des yeux lointains, des bras fluets, des gestes secrets qu'on ne peut même pas dire.
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Si l'on n'y veille, toutes les histoires d'amour finissent à la poubelle.
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(…) toutes les justifications possibles, et la culpabilité, et la colère, les malentendus, et les impossibilités et les explications qui, comme d'habitude, ne servent à rien, car les histoires, les choses qui adviennent sont soi personnelles que personne n'y comprend jamais rien, même quand il s'agit de soi-même. Et c'est ainsi que l'on passe son temps à construire des alibis.
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Le propre de la perfection est de se perdre, l'enchantement est voué à disparaître. C'est comme ces framboises que je cueillais en forêt, au petit matin, souvenir ordinaire, certes - mais j'ai tant de nostalgie pour ces souvenirs personnels, souvenirs d'anciennes perfections perdues. En fait, je suis hanté par les nostalgies privées, et d'ailleurs aussi, d'une certaine façon, par les nostalgies collectives, qui remontent bien loin, à des temps très anciens, parce que je le sais toujours quand une perfection des plus particulières se perd à jamais. On abandonne toujours quelque chose, on n'en finit jamais de dire adieu. Il faudrait peut-être essayer d'inventer de nouvelles perfections, penser à tout instant à une perfection que l'on pourrait perfectionner encore - autrement dit, le problème est permanent : il faut se construire sans cesse des perfections nouvelles, pour sans cesse nourrir en nous la nostalgie qu'elles nous laisseront.
Et très beau, bien sûr. Le fait est, cependant, que je supporte de moins en moins le puritanisme, sous toutes ses formes, même les plus éclairées. Je ne sais pas trop pourquoi, j'ai des poussées soudaines de méfiance, et parfois même de nervosité. Derrière chaque accès de puritanisme, il y a trop de présomptions, trop de certitudes. Et aussi, presque toujours un missionnaire, un crétin présomptueux qui veut montrer commet sont les choses, comment s'organise la réalité, l'en deçà et l'au-delà, le maintenant et l'pairs, le bien et le mal, et tout, et tout.
Les Japonais ont encore cette capacité à ramener chaque événement et chaque signe à un état rituel, comme s'ils les sortaient du temps et de l'espace pour en faire un îlot métaphysique, qui à son tour contient tout le temps et tout l'espace. La robe de Miyake, c'était une sorte de haïku sur la féminité japonaise, jeté dans l'obscurité pour y éveiller des vagues sans fin.
J'ai toujours trouvé qu'il y avait dans la vie une sorte d'hystérie, c'est précisément pour cela que c'est la vie. Je n'ai jamais su, jamais compris comment l'inscrire dans un programme qui permettrait d'envisager l'avenir. Ce voyage solitaire dans les collines toscanes, avec tous ces tournants, et ce crépuscule si froid, noirâtre et hivernal, m'ont amplement suffi - ce genre d'aventure m'a toujours suffi.
Les céramiques d'Ettore Sottsass.