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Lorsqu'on a essayé, comme je l'ai fait, pendant plus de cinquante ans de lire, d'écouter, de voir, d'entendre tout ce que l'on a écrit, radio raconté, filmé et transposé au théâtre,concernant le nazisme et la SHOAH, on est étonné, alors qu'on croyait tout "connaître", de continuer à découvrir... du tout récent ; une pièce de théâtre - Avant la retraite - de Thomas Bernhard, un roman – La carte postale – d'Anne Berest...et ce qui est devenu un classique... à côté duquel on était "étrangement" passé, le chef d'oeuvre sous forme de BD roman qu'est l'oeuvre incontournable d'Art Spiegelman - MAUS - !

Étant "goy", sans parenté juive, je me suis toujours demandé, et le questionnement est encore d'actualité, quelle était la nature de ce lien viscéral que j'éprouve au plus profond de mes tripes pour cette période et pour ce que je qualifie de "marqueur de l'histoire de l'humanité".
D'un point de vue romanesque, il m'est arrivé de flirter avec des explications "karmiques"... sans en trouver aucune trace.
Je suis né huit ans après la fin de la guerre...c'est peu et c'est beaucoup...
Mais je suis né en Allemagne, à Marbourg, et y ai fait un deuxième séjour entre 1959 et 1962 à Baden-Baden...
J'ai eu ma période "kibboutz", en rêve velléitaire, en 70... comme beaucoup de ma génération...
Mais tout cela ne permet pas d'expliquer ce besoin, cet attrait, cette nécessité de me replonger dans le ghetto de Varsovie pour y lire les témoignages de Marek Edelman ou de Janusz Korczak, de pleurer lorsque je lis ou j'écoute Marceline Loridan-Ivens, et qu'ayant pas mal voyagé, je m'étais promis que mon dernier déplacement à l'étranger serait ce qui a pour moi valeur de pèlerinage : Auschwitz...
Malheureusement, ma santé, le Covid et à présent Putin, m'ont empêché et persistent à m'empêcher d'aller "retrouver" ce qui "m'attend" depuis si longtemps...

- Maus -, dessinée et écrite entre 1973 et 1991 par Art Spiegelman, est l'histoire de Vladek Spiegelman, père d'Artie, de sa mère Anja née Zylbergberg, de son frère Richieu, tous Juifs polonais. Et de toute sa "généalogie", si je peux m'autoriser ce terme générique manquant d'affect.

Art retrouve son père, avec lequel la coexistence n'est pas facile, au bout de quelques années de séparation et fait débuter son récit en 1958 par les pleurs de l'enfant de neuf ans qu'il a été, triste de voir que ses amis sont partis sans lui... et sur le commentaire laconique qu'en fait son père :
« Des amis ? Tes amis ? Enfermez-vous tous une semaine dans une seule pièce sans rien à manger... Alors tu verras ce que c'est, les amis... »

Il profite de ces retrouvailles pour demander au vieil homme ; celui-ci a déjà été victime de deux infarctus, a perdu un oeil, est diabétique, de lui raconter son histoire, celle de sa famille et celle du génocide des Juifs par les nazis.

Vladek dont la femme s'est suicidée en mai 68 et qui s'est remarié avec Mala, une Juive polonaise elle aussi rescapée des camps et avec laquelle il ne s'entend pas, accepte de raconter son histoire à son fils et accepte qu'il la publie.

Commence alors le récit d'une histoire qui court de l'enfance de Vladek au début du XXe siècle,"s'attarde" sur les années 30, détaille longuement et avec force précision et réalisme les années 40, les ghettos, les déplacements, les pogroms, les menaces, les privations, la délation, la violence, les humiliations, et la déportation en 1944 à Auschwitz Birkenau.
Vladek et Artie nous font entrer dans le camp d'extermination et nous font revivre ce à quoi a pu ressembler la SHOAH, l'extermination "industrielle" d'êtres humains... « Les Juifs sont indubitablement une race, mais ils ne sont pas humains. » ( Adolf Hitler ), planifiée, organisée et exécutée méthodiquement, froidement, "industriellement" par ce qu'Hannah Arendt a appelé "la banalité du mal".
Pour se poursuivre par la libération des camps, l'après-guerre, vivre avec le "traumatisme" et ce, pour Vladek, jusqu'à la fin de sa vie en août 1982.

Cette BD est fascinante et géniale à bien des égards.

D'abord le parti pris "animalier" de l'artiste.
En effet, pour Art Spiegelman, les Juifs sont des souris ( MAUS en allemand ) que guettent les nazis, de gros chats, entourés de Polonais pour beaucoup d'entre eux antisémites et incarnés par des porcs, avant de tomber dans la "souricière", et d'en être délivrés par les Américains sous l'apparence de chiens.
Les chats n'aiment pas les souris et les tuent, comme les nazis avec les Juifs.
Les chiens n'aiment pas les chats et les font détaler, comme les Américains avec les nazis allemands.
« Oubliez vos préjugés : ces souris-là ont plus à voir avec Kafka ou Orwell qu'avec Tom et Jerry. Ceci est de la vraie littérature. »
Pour l'anecdote, Art va jusqu'à représenter une Française sous l'apparence d'une grenouille.

Deuxième point que je trouve extraordinaire, c'est que ces planches en noir et blanc, anthropomorphiques, ont un écho terriblement réaliste, terriblement parlant, une réelle résonnance de vécu, de témoignage, de pan d'histoire.
Lorsque Art adulte, consulte son psy, l'artiste transforme son personnage en "enfant", minusculise son personnage, le faisant "régresser" ; les deux portant un masque.
Pourquoi cette alchimie et cette auto-identification du lecteur avec des souris, des chats, des porcs et des chiens ?
Je me suis demandé si L Histoire nous avait à ce point pénétrés qu'elle était désormais "imprimée" en nous et si, cela le démontrerait, les jeunes générations ont le même ressenti en lisant - MAUS -

Enfin, un point qui m'a interpellé, c'est le renoncement à héroïser, à embellir, à édulcorer les personnages réels de cette BD. le choix d'Art Spiegelman de ne pas avoir fait que du noir et blanc, mais aussi du gris et du rayé.
De ne pas s'être montré sous le jour d'un fils aimant, plein de qualités d'empathie, de compassion, de compréhension, de patience.
De ne pas avoir cherché à faire de Vladek un "Batman" ou un "Spider-Man", un "élu", mais comme aurait dit Tristan Bernard plutôt un personnage en "ballotage défavorable" : avare, égoïste, monomaniaque, raciste.

Je ne saurais dire pourquoi cette oeuvre est exceptionnelle. Ce que je sais, c'est qu'elle l'est.
Lorsque vous lisez - MAUS -, ce ne sont pas que des dessins avec des bulles, ce sont des êtres de chair et de sang qui vous gueulent aux tripes et au coeur.
C'est un monde vivant qui continue de vivre sous vos yeux.
Car, ne vous méprenez pas... ILS VIVENT !
Magie de la grâce qui a inspiré le talent.

Ces animaux darwiniens qui peuplent ingénieusement les albums de cette intégrale sont peut-être une des traductions de ce delirium tremens qu'est l'histoire de l'homme.
En tout cas, ils sont constitutifs de ce que nous sommes et nous nous évertuerions en vain à essayer de démontrer que nous ne leur sommes pas indissociables.

Une oeuvre majeure qu'il faut nous employer à faire vivre afin qu'elle puisse continuer à transmettre.

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Je me suis replongé avec beaucoup d'émotions dans ce récit, me suis laissé porter par les aller-retours entre les dialogues conflictuels père-fils et les souvenirs de la guerre et des camps.
Je ne pense pas que face à un tel récit, je puis me permettre de lancer une discussion politico-sociale comme d'autres critiques ont pu le faire ni même de jugement sur la valeur esthétique du graphisme ou encore sur le fait de mériter ou non le Pulitzer.
Je ne peux que reconnaître à Spiegelman le mérite de parler de survivants en chair et en os, avec leurs défauts et qualités, leurs croyances et même leur petitesse d'esprit.
Raconter non pas la Shoah mais les survivants avec des propos humains ne peut que nous émouvoir, nous qui parfois avons pu côtoyer un de ceux-là qui est revenu.

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Que dire de cette oeuvre? Il faudrait la mettre entre les mains de tous ces gens, de plus en plus nombreux, qui promeuvent des thèses d'exclusion de tous ceux qui ne leur ressemblent pas. Bouleversant d'humanité. Un monument au devoir de mémoire, où les victimes sont dépeintes de façon réaliste; ce ne sont pas des anges, parmi eux, il y avait des traitres, des salauds, mais ce qui leur est arrivé est ignoble et personne, personne, jamais ne devrait avoir vécu cela.
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Vladek, juif Polonais rescapé de la Seconde Guerre Mondiale, raconte son histoire à son fils, auteur de bandes dessinées, Artie. Artie a dû beaucoup insister pour que son père lui dévoile enfin les épreuves les plus terribles de sa vie, durant la période la plus sombre de l'Histoire...

Voici un classique du genre : Prix Pulitzer 1992 tout de même ! Les illustrations sont en noir et blanc, dans l'esprit des bandes dessinées publiées dans les quotidiens des années 1970 -1980, et il y a beaucoup d'aspects journalistiques dans la narration. Cependant, ce n'est pas dans les dessins que résident l'originalité et la charge émotionnelle de cet intégrale, mais bien dans le témoignage historique. Et dans la personnification des animaux et l'utilisation des masques. Que l'auteur raconte les années de guerre ou les années 1980, les races d'animaux et les masques portés par les humains ont leur signification et leur importance.

Art Spiegelman a tenu à conserver les erreurs de langage de son père et la traduction y est fidèle. Cela gène un peu la lecture au début, mais rend les dialogues beaucoup plus réalistes et on gagne en authenticité. L'auteur se raconte aussi, en narrant ses moment de recherche autour de son livre en cours. Il raconte les échanges avec son père, ses doutes, ses travaux et réflexions durant la préparation de ses planches. Il raconte aussi la commercialisation et le succès du premier tome de "Maus Un survivant raconte : Mon père saigne l'histoire". J'ai beaucoup aimé cette mise en abyme qui reflète bien toute l'intelligence de cette bande dessinée historique.
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Après 13 ans de travail, Art Spiegelman, nous livre Maus, le récit de son père sur sa vie et celle de sa femme Anja entre 1939 et 1945. Juifs polonais, ils ont été déporté mais ont survécu aux camps. En plus de l'Holocauste, Art, aborde les relations familiales notamment celle avec son père qui est assez conflictuelle.
Art Spiegelman a fait le choix de présenter ses personnages sous forme d'animaux et son dessin en noir et blanc. Un choix réfléchi qui permet de rendre son histoire accessible au plus grand nombre.
Une BD incontournable !
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Beaucoup de critiques déjà, je n'ai plus grand chose à dire.
Mais j'ai lu ce roman graphique sur le tard ( à l'aube de mes 29 ans) et j'ai fortement apprécié ma lecture.
Le style minimaliste permet de prendre un peu de distance avec le sujet cependant je trouve que l'utilisation des couleurs noire et blanche viennent ajouter de l'horreur à l'horreur qui est racontée.
Je recommande ce roman graphique.
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Les livres relatant l'holocauste, il faut les lire et les relire et encore pour se rappeler à jamais et ne pas reproduire. J'ai lu de nombreux livres sur l'holocauste et l'idée, suggérée par mon club de lecture, de m'y replonger au moyen d'un roman graphique m'a séduite.

Cette forme visuelle, a rendu l'histoire encore plus poignante, plus percutante, plus touchante. Mon coeur a saigné à la lecture de cette histoire racontée de façon à comprendre non seulement les années de guerre mais aussi l'impact indélébile laissé sur les gens qui ont survécu.
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Maousse.
Maus [souris] est un monument du 9e art alors qu'à première vue, il peut dérouter et rebuter par ses partis pris (multiplicité des cases, noir & blanc, zoomorphisme), son sujet et son manque de lisibilité. Roman graphique à large spectre nouant plusieurs thématiques insécables, ouvrant sur des interrogations abyssales qu'elles soient exposées ou suggérées ainsi du frère d'Art Spiegelman, Richieu (1937-1943), disparu dans le ghetto polonais de Zawiercie qui hante les esprits et à qui Maus est dédicacé en partie ou encore du suicide silencieux d'Anja Spiegelman (1912-1968), mère de Richieu et d'Art, survivante des camps de la mort, le grand oeuvre dessiné d'Art Spiegelman a une dimension littéraire que le prix Pulitzer attribué en 1992 soulignera. L'auteur va tenter d'extraire de la mémoire de son père Vladek, rescapé d'Auschwitz, un récit des camps d'extermination. Les entretiens enregistrés sont ensuite traduits en bande dessinée nourrie d'une documentation substantielle même si elle demeure discrète. L'histoire entrelace le présent de l'auteur, en 1978, à New York et le passé de son père, au mitan des années 1930, à Czestochowa, en Pologne jusqu'en 1945, à la Libération. le ghetto, la traque des Juifs de Pologne et la Shoah constituent l'ossature historique sur laquelle les destins individuels se fracassent. Vladek est un survivant. Il a su saisir les moindres interstices pour s'accrocher à la vie malgré la violence, le sadisme et la mort omniprésents. Maus est aussi la transcription d'une filiation conflictuelle, le fils ne comprenant qu'après-coup son père, en décalage, presque à regret. le parti pris de l'auteur à transposer ses personnages dans un univers animalier est pertinent pour les chats (les Allemands) et les souris (les Juifs) parce que le zoomorphisme crée une distanciation qui amène le lecteur à ne pas s'identifier aux personnages afin de conserver une attitude critique comme au théâtre. le procédé est moins convaincant quand l'auteur transforme les Polonais en porcs ou les Français en grenouilles. L'édition polonaise sera d'ailleurs houleuse. Quoi qu'il en soit, la lecture de Maus est immersive et ne laisse pas indifférent. En faisant un travail de mémoire, Art Spiegelman marque celle du lecteur pour longtemps.
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De la fin des années 70 jusqu'au années 90, Art Spiegelman va raconter en BD l'histoire de ses parents et de leurs familles, juifs polonais à travers la guerre et les camps.
Le peuple juif est représenté par des souris et les nazis par des chats.
Un oeuvre très belle et un graphisme qui l'est tout autant.
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Les illustrations tirées de Maus ont toujours illustrées nos livres d'histoire d'enfant et d'adolescent. J'ai enfin franchi le pas lorsque j'ai déniché l'intégral en occasion, j'étais prête à lire cette bande dessinée. Quelle claque... L'oeuvre de toute une vie. C'est avec justesse et sobriété que Art Spiegelman nous invite à retracer son histoire familiale, marquée à jamais par le génocide du peuple juif. C'est une lecture marquante mais nécessaire, une lecture dont on ne ressortira pas indemne mais qu'on ne regrettera jamais d'avoir lu.
Un classique, à lire au moins une fois dans sa vie.
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