Est-ce à cause de Salvör? a demandé le gamin depuis le silence où il s’était retiré ; Jens a alors sursauté, comme s’il avait reçu un coup de couteau. Ça ne te regarde pas, a-t-il rétorqué, sec et abrupt. Deux ou trois jours plus tôt, cette réponse aurait été parfaitement suffisante, mais pas maintenant, ces quelques derniers jours, il y a eu entre eux trop de neige, trop de vent, de montagnes, de mort, d’incertitude et trop d’existence fragile. Voilà pourquoi le gamin s’est entêté, oui, peut être bien, mais je vous pose quand même la question. Et il avait raison, il avait parfaitement raison de la poser. Lorsque personne ne nous interroge, nous nous enfermons dans le silence avec l’ensemble de notre souffrance qui, au fils des ans, se transforme en amertume, en solitude et s’achève sur une mort terrible.
que signifie se trahir soit-même? interroge Gísli […]
Le gamin : Vivre. Ne pas oser parler. Ne pas oser avoir peur. Ne pas oser se battre et triompher des… des tempêtes qui nous agitent. Si on reste les bras croisés, on trahit tous ceux qui nous sont chers. Pour peu qu’on ait des êtres qui comptent pour nous, je veux dire, des êtres qui soient en vie. D’ailleurs, ça ne change peut-être rien, je veux dire, le fait qu’ils soient vivants ou pas. On doit également se garder de tenir les défunts, on doit aussi vivre pour eux, ils ne doivent pas rester prisonniers des ténèbres et du froid, ils ne doivent pas être oubliés au fond de l’océan.
Je croyais que ma vie était finie, observe Snorri, mais je me dis que peut-être elle n’a jamais commencé.
Le gamin : Je ne sais pas grand-chose de la vie.
Snorri : On n’a sans doute pas besoin de savoir grand-chose de la vie, il suffit d’y entrer. Et de savoir l’accueillir lorsqu’elle vient à nous.
Un jour, j’ai reçu une lettre où il était écrit que je devais vivre. Mais voilà, je ne voyais pas dans quel but. Il est important de le savoir, on ne saurait vivre pour la seule raison qu’on est pas mort, ce serait une trahison. Il faut vivre comme une étoile qui scintille. Maintenant, je le sais.
L’histoire affirme qu’ici, autrefois, presque au commencement des temps, la différence entre le mot et son sens était à peine mesurable, mais les mots se sont usés au cours du voyage de l’homme et la distance qui les sépare de leur sens s’est tellement allongée qu’aucune vie, aucune mort ne semble plus pouvoir la réduire jusqu’à la combler.
Mais voilà, les mots sont la seule chose que nous ayons.
Jón Kalman Stefánsson vous présente son ouvrage "Mon sous-marin jaune" aux éditions Bourgois. Rentrée littéraire janvier 2024.
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Note de musique : © mollat
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