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Jeanne Fournier-Pargoire (Autre)John Brunner (Autre)Rémi Maure (Autre)
EAN : 9782221002704
339 pages
Robert Laffont (21/02/1992)
3.91/5   95 notes
Résumé :
Folio : 20 novembre 2022.

« L'allumette vivait non pas quand elle était enfermée dans la boîte, mais seulement quand elle brûlait. et elle ne pouvait brûler toujours. »

Ish, un biologiste américain, s'isole quelques semaines dans les montagnes pour ses recherches. Lorsqu'il retourne à la civilisation, il constate qu'une pandémie a décimé l'humanité. Mû par un instinct de survie, il sillonne les États-Unis à la recherche d'autres surviva... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (24) Voir plus Ajouter une critique
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Classique de la science-fiction, il partage avec « 1984 », en plus d'être publiés en 1949, le fait d'avoir une actualité éditoriale récente, avec une nouvelle traduction dans une petite maison « provinciale » ; comme pour la version Agone du chef-d'oeuvre d'Orwell, le texte publié chez les lyonnais des éditions Fage vient corriger quelques erreurs présentes dans la précédente version chez Robert Laffont ( bizarrement reprise dans cette sortie Folio, la plus récente, comme « 1984 », encore… ) ; on y gagne également une préface étonnamment concise de Juan Ascensio : seulement 11 pages… vaste « que lire après » ( comme chez Babelio… ) qu'il serait dommage de lire avant… bref, tout ceci sent le déjà-vu…

L'oeuvre en elle-même souffre d'une certaine sécheresse narrative, sans que cela nuise réellement à sa lecture.
Ce roman sonne en fait singulièrement juste, tant l'auteur le peuple de gens simplement médiocres, loin des dystopies survivalistes ou des utopies exaltées qui encombrent ce genre à présent si usité.
C'est sans doute un modèle du genre, surtout dans le sens qu'il envisageait un futur où la technique s'effacerait peu à peu, hypothèse à présent plus que crédible, alors que l'époque prévoyait plutôt un avenir tout-technologique.

L'auteur, tout comme le narrateur, use finalement de bien peu de moyens pour arriver à ses fins.
Un marteau leur sert, dès le début du roman, d'objet-totem, évident symbole de l'homo faber.
Il règne sur les rapports humains — et la manière dont ils sont décrits — une forme de pudeur, sans que l'on sache si elle est « volontaire » ou « forcée ».
Ces interrogations résument bien les réserves émises par d'autres lecteurs, tant il est difficile d'évaluer la part consciente face à d'éventuelles maladresses littéraires.

Peu spectaculaire, donc ; mais un certain charme opère et perdure bien après sa lecture.
Il ne tombe absolument pas dans le piège typiquement américain du « racialisme », l'héroïne étant noire, sans que cela ne revête plus d'importance que de discrètes mentions, notamment quand il est question de la résistance au soleil de leur progéniture métissée.
( inutile de rappeler quelle était généralement leur condition dans les années 50, ni avec quels moyens paradoxaux l'ont-ils difficilement faite évoluer )

Un conseil de lecture donné par Philippe Bihouix, grand spécialiste des « low-tech », lors d'un de ses passages chez Thinkerview, lui-même auteur de plusieurs ouvrages passionnants ( ex: « Le bonheur était pour demain » ), permettant aussi d'ouvrir sa collection des éditions Fage, jolie reliure qui nous a notamment rendu disponible les oeuvres complètes de Leonora Carrington, ce qui coule de source pour un éditeur spécialiste en peinture.
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Dans ce roman post-apocalyptique, un étudiant plutôt solitaire, Isherwood, en randonnée et isolé depuis des semaines, découvre après avoir été mordu par un serpent qu'une épidémie virulente a décimé presque toute la population des États-Unis et probablement de la Terre entière – il suppose qu'il doit sa survie au poison qui aurait lutté en lui avec le virus, et il présume, pour expliquer ce cataclysme, que l'humanité avait connu un stade de développement excessif où la nature, comme pour n'importe quelle espèce, provoque une extinction massive.
Il se réveille pesamment. Marche. Se nourrit. Se déplace. Il se demande ce qui va arriver dans l'Histoire. Il atermoie beaucoup, sans courage particulier, mu par une espèce de bon sens commun traversé, quoiqu'en sourdine, d'émotions ordinaires, rarement vives. Il ne sait pas ce qu'il doit faire et il n'a, par ailleurs, guère envie le plus souvent de faire quelque chose, n'ayant besoin de rien – le principal, eau et électricité comprises, restant accessible pour des années dans les magasins abandonnés – et n'étant par ailleurs pas d'un naturel fort décisif ni sociable. Il est juste plus ou moins curieux ou apathique, selon les moments ; il rêvasse généralement, sans s'avouer sa condition négative, son absence de vertu, son manque d'effort. Il n'est pas si mécontent de son état imposé de solitude, tout compte fait. Il n'est guidé que par la volonté plutôt passive, objectiviste, de savoir ce que l'Amérique va devenir après la catastrophe, alors il se promène pour voir, près ou loin. le monde lui est assez extérieur, en somme ; il n'y prête guère d'affects – tôt dans le récit, il détermine que sa propre mort le désintéresse. Il ne croit pas en Dieu mais garde une poignée de superstitions dont il n'ose pas se débarrasser – un marteau notamment qu'il conserve comme un symbole sans savoir pourquoi. Ish est environ une inertie. Il rencontre peu de gens – on ignore au juste ce qu'il leur dit et on s'en fiche assez puisqu'il n'a pas de projet déterminé en allant les trouver – : tous ces gens, quand ils ne sont pas mentalement dévastés par l'effondrement de leur univers, vivent toujours, perturbés, dans une sorte de bulle d'inconscience peu plausible et s'accommodant de vivre sans perspective de ce qu'ils ramassent dans les boutiques, mais ils ne conviennent pas trop à Ish qui voudrait toujours une compagnie exemplaire, même si, exemplaire, il ne l'est pas fort lui-même – c'est juste que comme c'est lui qui va à leur rencontre, comme il est en substance le protagoniste de l'histoire et que l'auteur ne l'entoure que de seconds rôles falots et sans caractère, il semble au lecteur qu'il a raison de ne pas les inviter à former une communauté ni à les inviter chez lui. Ish ne voit rien non plus qu'il soit apparemment nécessaire de décrire avec force détails, il n'a jamais de grands sujets d'étonnement, il ne considère que des avis mitigés, il n'a pas de pensées bouleversantes : c'est un homme qui manque d'implication, mais qui se figure important (parce qu'après tout, c'est sa vie que l'on suit). Il s'occupe, mais on ne sait à quoi, le plus souvent : il vaque, d'observations en observations très espacées, toujours assez meubles et insignifiantes, une sorte de philosophie bouddhique de la fatalité, mais sans Dieu ni conviction. C'est à peine un homme, il n'a pas de virilité : c'est un être qui ne sait pas, et qui fait peu pour provoquer un savoir. Enfin, tout ce que j'écris là, bien entendu, ne donne jamais l'impression d'avoir été vigoureusement décidé par Stewart qui paraît plutôt apprécier un protagoniste réservé et mutique qui lui ressemble.
On rencontre toutes les caractéristiques bonnes et mauvaise de la contemplation et de la pâleur dans ce roman écrit par un auteur que n'anime manifestement pas le goût du pittoresque ni le sens de l'intrigue.
On peut affirmer sans exagérer que c'est un récit sans événement, un récit sans action, un récit où la narration est rédigée à gros traits, presque toujours décevante – les rencontres en particulier, qui devraient être logiquement des moments d'intensité, sont floues, mal ébauchées, garnies de sentiments peu crédibles ou convenus, et comme bâclées du désir omniprésent de ne s'attarder sur presque rien, de rendre une synthèse plutôt qu'un déroulement –, sans grands détails pittoresques, sans inattendu émoustillant, où rien ne survient, où l'attention du lecteur n'est relevée par rien, où l'auteur ne profite pas de son postulat terrible pour se livrer à quelque entreprise proprement littéraire, par exemple stylistique, philosophique ou prophétique : c'est assez plat partout parce que le protagoniste, probablement semblable à son créateur, n'est qu'un homme de constat, de réflexion théorique, un observateur dépassionné ne voulant vivre que par curiosité, sans génie ambitieux, consensuel et timoré, représentatif à l'exclusion de l'initiative qui lui fait anormalement défaut, et dont toute intervention efficace susceptible de modifier le cours des événements est manifestement jugé indésirable par l'écrivain qui estime préférable, dans sa thèse même, qu'ils ne soient jamais infléchis par l'homme : il n'est prompt ni à innover, ni à construire, ni à commander, ni à créer ; il n'est ni poète, ni un être d'action, ni un inventeur ; il visite et végète longtemps, sans beaucoup d'émotions, transporté par l'irrépressible plaisir de se torturer d'idées frustrantes comme une impuissance qui rumine ; il réfléchit vaguement et sans virilité, nourrit en loin un désir toujours inaccompli de pionnier ou du moins un souvenir de la grandeur d'un État, mais c'est fort lointain et idéal, il n'oeuvre pas en ce sens ou bien de façon dérisoire. Les inconvénients de ce choix narratologique se situent d'abord dans le fait qu'un livre qui raconte sans force beauté ni souci d'exactitude des déplacements infructueux et des patiences meublées de cogitations imprécises, même sur fond de déclin et de ruines d'une civilisation, n'étant ni très original ni fort difficile à produire, a de quoi incommoder un lecteur désireux d'ingéniosités foncières ou formelles ; ensuite, en matière de vraisemblance, en ce parti pris que, parmi les divers survivants qu'on découvre ou qui vont naître, pas un ne s'efforcera de refonder une nation, pas un n'aura l'imagination de tenter une aventure véritable, pas un ne se posera seulement la question d'une « organisation » de façon que le passé ne soit pas sacrifié – des tribus primitives finiront par éclore et se côtoyer avec des lances ou bien des arcs, et c'est tout : tout est à recommencer du temps de l'âge de pierre sans même la mémoire plus que mystique de la société de la génération précédente. Des hommes jeunes marchent par tribus sur des ponts qui s'effritent sous la rouille, fuyant quelque incendie et chassant le lion, sans s'interroger sur l'origine de cet édifice de métal qu'ils foulent. Moi, je n'y crois pas.
Ce roman n'est qu'une relation de la lente reprise par la nature de ses droits élémentaires – des passages rédigés en italique et intercalés par une voix de surplomb qui, étonnamment, traduit enfin quelque poésie en prose proche de Steinbeck, sur un mode transcendant et biblique, renseignent sur l'évolution, rapide ou graduelle, des divers éléments de l'ancien monde, privés ou libérés des domination et discipline humaines ; et l'homme, effacé et comme démoralisé, oublieux de sa gloire, plongé dans une variété inavouée de déréliction et de fatalité crue, regarde sans acte son environnement altéré, réorganisé, régulé par les lois de la vie, lui-même, l'homme, étant redevenu relativement végétatif et naïf en ce jardin d'Eden : plantes foisonnantes, animaux rendus à la sauvagerie, désagrégation des structures artificielles, et empreinte progressive sur la mentalité des hommes. Car que pensent-ils justement, ces hommes ? La plupart ne pensent rien : certains perpétuent absurdement les vieux usages obsolètes, nombre périclitent non moins absurdement sous le choc – un certain manque de psychologie réaliste dans ces rôles bizarres qui sont censés souffrir d'un traumatisme : des variétés d'oubli imprègnent les gens pourtant globalement contents de s'être réduits, dans le confort où ils se retrouvent de pouvoir facilement disposer de tout, à un ennui des plus bêtes – : c'est le roman d'une régression décidée par Dieu-Stewart plutôt qu'induite par la cohérence de la situation, récit d'une déchéance et d'un abandon de toute volonté au point de négliger le sentiment de sa puissance, et où le narrateur, au statut illégitime et incompréhensible de chef, ne vaut guère mieux qu'un exécutant, où les exécutants se sont abaissés au niveau d'imbéciles satisfaits, où les imbéciles meurent en une nuit d'excès de boisson ou deviennent à jamais de lourds handicapés mentaux. Une hiérarchie, certes, dans la variété des êtres, mais reculée, d'autorité, d'un échelon pour tous.
On ignore bien sûr si ce schéma d'ensemble est volontaire, mais je doute que le roman ait été élaboré suivant un plan précis : il y a apparemment de l'abandon – un abandon similaire à celui du personnage principal, ce qui me donne lieu de croire à une identification – jusque dans l'intrigue où les faits me semblent survenir sans avoir été beaucoup prémédités : l'auteur improvise sur ce qu'il serait logique qu'il arrivât, il mène ainsi une expérimentation romanesque comparable au principe du naturalisme, et lorsque la circonstance plausible, c'est-à-dire la plus prévisible en l'occurrence, se réalise, personne, pas même le lecteur, n'est tellement surpris ni ému… et les personnages non plus d'ailleurs, sombrés dans une obscurité mentale d'hallucinés d'arrière-monde. On sait bien pourtant que je ne suis pas un amateur d'actions effrénées et de retournements racoleurs – la quantité des actions ni leur imprévisibilité ne fera jamais la qualité d'un récit –, mais je ne vois pas ici beaucoup de quoi satisfaire un amateur de littérature : les figures sont rares, les personnages sans profondeur et plutôt des types que des psychologies ; il ne s'agit pas d'un récit « de survie » instructif indiquant par exemple des astuces pour se sortir d'embarras en cas de crise, ni vraiment d'un roman de science-fiction augurant avec précision des évolutions à l'origine d'une possible extinction de l'humanité ; et on ne s'interroge jamais vraiment sur le degré de faisabilité d'une telle déchéance, on ne s'identifie pas, on ne visualise qu'en gros parce qu'aucun indice laissé par l'auteur ne permet de se sentir encouragé à une représentation minutieuse de la vraisemblance. le tout est assemblé sans souci d'enchaînement, sans qu'on apprenne même quelque chose de sûr ou de documenté sur ce qu'il adviendrait probablement du monde ou des hommes après une extinction… C'est au point que, sans mentir, j'ai parfois reçu l'impression, en l'espèce de Stewart, d'un jeune adulte appliqué et tenace qui, par défi, allait méthodiquement au bout de son entreprise d'écriture mais sans force passion ni conviction, manquant évidemment de maints ressorts, y compris ceux plus que complaisants, plus que divertissants, permettant d'alimenter utilement une scène – c'est même rarement que Stewart réussit à rédiger une scène complète et sans défaut patent, il n'est pas apte ou désireux à rendre rigoureusement compte d'une représentation mentale ou à s'en figurer de fines ; tous les moments d'importance sont à peine plus détaillés que des résumés.
Ce n'est pourtant mal écrit – c'est, comme je l'ai fait comprendre, soigneux et scolaire – ; j'ai même goûté un certain intérêt dans l'explicitation des effets de la vieillesse sur Ish – seulement Ish n'est-il pas vieux dès le départ, enferré dans cette image éculée et délavée de la sagesse ? auquel cas c'est une facilité que de paraître le dépeindre à la fin tel qu'il a toujours été depuis le début. Je veux dire : dès le commencement il ne fait rien, n'a pas de volonté ferme, ses pensées sont précises au passé, vagues au présent, et pleines de perplexité et d'incertitude au futur ; c'est même un personnage souvent incohérent, notamment dans ses résolutions qu'il n'exécute jamais comme il les a décidées – : cette vieillesse résignée, battue d'avance, où je devine un écho incarné de la déchéance de l'ancienne civilisation – un parallèle en somme, et même une allégorie – est un portrait que je n'avais pas lu ailleurs, bien que l'idée évidemment ne soit tout de même pas novatrice. Tout dépasse et surmène Ish, au fond, tout le contraint à des décisions qu'il paraît supposer exécutées dès lors qu'il en a caressé la pensée : ces décisions le fuient comme responsabilités trop lourdes et trop conséquentes pour lui qui refuse l'autorité et la puissance, et il faut des années à ce perpétuel témoin pour former un projet que cependant il ne réalisera jamais – mais c'est peut-être parce que l'auteur lui-même, à ce point du récit, ignore encore ce qu'il va se produire et préfère se réserver une multiplicité de possibilités sous la forme de réflexions diverses au cas où son personnage déciderait soudain de se ressaisir et d'appliquer enfin une des résolutions qu'il a envisagées : cette « mise en réserve » de potentiels d'actions où l'on soupçonne de nouveau l'auteur de n'avoir pas assez programmé une intrigue, explique la présence dans l'histoire de la bibliothèque universitaire, dont la mention plus que symbolique est récurrente, et que Stewart se réserve, contre toute vraisemblance, de conserver intacte jusqu'à la fin, mais qui ne servira jamais à rien : elle est là, pratique et en attente, dans l'hypothèse où un personnage désirerait, on ne sait jamais, acquérir une connaissance ou une compétence utile au reste de l'intrigue, il n'aurait alors qu'à ouvrir un livre… Oui, c'est assez lâche, de la sorte, et, en tant que naturalisme, c'est même manqué, non pas faute de thèse initiale et déformante qui constitue toujours le lieu par lequel une théorie est viciée, mais faute de la moindre idée de direction, de la plus petite suggestion d'influence et d'initiative et, en réalité, faute de l'introduction d'un homme dans ce contexte : il me paraît évident que Stewart avait ambitionné de plonger son personnage dans un décor chargé, par résistance ou par abandon, de le conditionner, et que cette vision était à la fois son projet fondateur et son guide tout au long de l'écriture, seulement il a oublié de prêter une humanité à cet être pâle et « exemplaire » qui n'a rien d'un individu, qui n'ose jamais, qui n'interfère pas avec ce décor, qui, comme acteur de l'histoire, vaut autant que l'auteur lui-même derrière son stylo, et voilà pourquoi l'expérience ne conduit à rien : dès lors, on peut penser qu'il eût été littérairement plus audacieux de présenter uniquement ce décor, voire en y incluant les survivants humains mais à l'exclusion d'un personnage en particulier, dans une forme plus inédite et plus franche, dépersonnalisée et artiste – sans nécessité pourtant d'une touche « conceptuelle » ou « expérimentale ». Stewart a oublié que, dans une simulation comme celle-ci, c'est bien un être humain qu'on doit introduire dans un lieu, et il faut admettre qu'à peu près aucun de ces personnages, dont les secondaires sont à peine des ombres stupides, n'a de caractère humain : c'est ce qui fait qu'on ne distingue que l'évolution d'un monde, et nullement de personnes qui, au départ, étant étouffées par une intention d'auteur attentif surtout à la scrupuleuse permanence de ce monde, sont empêchées d'exister ; La Terre demeure est un roman d'humains si piètres qu'on leur a retiré la substance et jusqu'à la vie – des humains, en somme, sans un individu. Reste bien la Terre, en effet, mais c'est, dans cette thèse que l'auteur a livrée, tout ce qu'il eût fallu principiellement conserver, tout ce qui était nécessaire à démontrer que la nature peut aisément se passer de l'humanité, tout ce qui eût clarifié et sublimé dans l'art la mentalité originale d'un homme qui a préféré s'en tenir – et c'est un malheur perpétuel en art – à ce qu'il savait déjà faire ou, à peu de nuances près, à ce qui avait déjà été fait.
Lien : http://henrywar.canalblog.com
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Ish prépare une thèse d'écologie sur sa région natale. Ce travail l'amène à se rendre seul en pleine montagne. C'est là qu'il se trouve au début du roman et qu'il est mordu par un serpent à sonnette.
Ayant réussi à survivre au venin, il redescend vers la civilisation. Il met un certain temps à réaliser que la quasi-totalité des humains est morte.
Après un aller-retour de la côte Ouest à la côte Est des Etats-Unis qui confirme que seuls quelques êtres humains, indignes de son intérêt, ont survécu, il s'installe dans sa maison natale, à proximité de San Francisco dont il aperçoit le pont.
Le roman raconte sa vie, à partir de ce « grand désastre ».
Petit à petit, l'intellectuel va aborder beaucoup de thèmes idéologiques.
Lui qui est plutôt introverti et contemplatif va devoir prendre une place dans la reconstruction de la civilisation dont il se sent investi. Les épreuves traversées l'amèneront à se demander ce qu'il devra léguer à sa tribu.
Il remettra notamment en question son aversion pour les chiens, lorsqu'il sera adopté par une jeune chienne. Celle-ci déclenchera d'ailleurs sa rencontre avec une survivante, Em. Il estimera Em digne de l'aider à créer une communauté bien qu'il la juge d'une intelligence inférieure à la sienne.Il va comprendre que des personnes qu'il jugeait simples car non diplômées se révèleront bien plus utiles que lui lorsqu'il faudra faire face à l'adversité.

A quoi sert l'intellect sans civilisation ?
Quelle est l'utilité d'une bibliothèque lorsque personne ne sait lire ?
Ces questions me paraissent le fil conducteur de cette aventure. George R. Stewart aborde la différence des classes, le racisme, l'eugénisme, la religion, la superstition, le patriotisme. La tribu aspirera-t-elle à recréer une civilisation ?

Si je devais apporter un regard terre à terre, je dirais que la confiance de l'auteur dans la pérennité de la civilisation, électricité, eau, durée de vie des aliments en conserve, me parait très exagérée. Elle révèle, outres les thèmes décrits plus haut, une confiance aveugle en la suprématie de la civilisation américaine qui prévalait en 1949.
Il lui faut imaginer la disparition quasi totale de l'humanité pour qu'elle soit enfin remise en question.

Ce livre est à ranger avec ceux qui posent plus de questions qu'ils n'apportent de réponses, il nous incite, parallèlement au héros, à procéder à une introspection et à redéfinir l'essentiel.

Bravo et merci pour cette réédition qui m'a fait découvrir ce roman post-apocalyptique qui s'avère très, très intéressant ! À lire et à méditer...
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Roman SF post-apocalyptique paru en 1949 et considéré comme un classique aux Etats-Unis. On a loupé quelque chose des américains depuis leur suprématie? Eh bien oui, ce roman est méconnu dans notre pays, incroyable!
Une histoire d'une actualité troublante, avec une pandémie qui décime les Etats-Unis (mais sans doute celle de la planète), un scientifique, Ish encore jeune étudiant isolé dans la montagne pour ses recherches découvre le grand désastre à son retour. Comment un homme seul va-t-il s'adapter à ce changement brutal, sa recherche d'autres survivants, ses choix avenirs pour affronter ce nouveau monde.
Ish fonde une tribu avec quelques survivants, dont Em qui deviendra sa compagne, Ezra le polygame heureux et Georges, Molly. Les années passent avec leurs tributs de fléaux ou de sérénité, et la communauté s'agrandit, enfants et petits-enfants. Peu à peu les ressources de l'ancien monde disparaissent, l'électricité, l'eau des barrages qui arrivent dans les maisons etc . Ish est le seul à redouter l'avenir , car il fait parti de l'ancien monde, il possède les connaissances qu'aucun de cette communauté n'imagine. Mais sa lutte contre la nature est vouée à l'échec, il comprends à la fin de sa vie qu'il doit lâcher prise, l'humanité repartira sur de nouvelles bases, une nouvelle civilisation est née.
Un roman passionnant, écrit admirablement, qui développe avec une justesse scientifique et psychologique la fin d'une civilisation et le début d'une autre.
a lire absolument;
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Le Malevil américain, en moins flamboyant.

Et si vous vous réveillez un matin seul ? Que feriez vous ?
Ish, lui, est un savant, "l'homme qui, un peu à l'écart, observait les événements et ne se perdait jamais en faisant lui-même des expériences." Il est le dernier de son espèce, et il va tenter de ressusciter l'humanité.
Dans les autres livres du même genre, la société revit somme tout assez facilement, malgré quelques événements pour dramatiser l'ensemble. Ici les gens se laissent aller à la facilité, ne prennent pas leur destin en main. On voit que tout cela n'est guère simple, d'autant avec des citadins habitués aux facilités de la vie moderne.
Les causes de la pandémie restent obscures, et le peu d'hypothèses données n'est clairement pas très scientifiques, mais reflètent bien les peurs d'une époque, entre la guerre froide, le développement des voyages internationaux. Mais là n'est pas le propos.

Le roman se découpe en différentes parties, plus ou moins séparées dans le temps, sur quelques générations. La première, celle de l'après catastrophe, est assez lente, reflétant l'état d'esprit du narrateur, entre isolement, tentative de découverte et envie de faire renaitre la civilisation.

Le livre fait son âge, et malgré la tentative de l'auteur de prôner le progrès dans les moeurs et normes sociales, difficile de dépasser les conventions de son époque, surtout lors d'une lecture 70 ans plus tard. Au final, les idiotes, les moins intellectuels restent les femmes, le savoir, comme chacun le sait étant la panacée du mâle ! Pas très heureux, mais à lire avec les yeux de l'époque pour comprendre que ce livre est en avance sur son temps, notamment sur le racisme.

Non, ce qui m'a le plus dérangé, c'est la légère condescendance, cette supériorité du narrateur, le savant, envers les autres métiers plus manuels. Lui seul sait qu'il ne faut pas vivre insouciant en pillant les ressources du passé, mais recréé une sorte de société nouvelle.

"Toi et moi, Joey, disait-il, nous sommes de la même race, nous pouvons comprendre ! Ezra, George et tous les autres, ce sont de braves gens. Ils appartiennent à l'humanité moyenne et le monde a besoin de beaucoup d'hommes comme eux, mais il leur manque l'étincelle. C'est à nous à fournir l'étincelle ! "

Par contre, j'ai beaucoup aimé l'approche de l'auteur, pas d"effets pyrotechniques, nous sommes plus dans l'introspection. En outre, il aborde un point souvent laissé de côté dans les oeuvres similaires que j'ai lus : comment affronter le traumatisme et continuer à avancer. La question du recommencement ou du commencement est au coeur du récit.
Un roman très nuancé, l'auteur aimant souffler le chaud et le froid. Il nous laisse croire à des préjugés et prend leur exact opposé quelques chapitres plus loin
Cependant, le personnage principal est assez agaçant dans son rôle de savant qui sait mieux que les autres, mais n'est ce pas ce que l'auteur voulait ? le rythme a rendu aussi ma lecture pénible.

Des défauts certes, mais un texte riche, beaucoup plus profond qu'il ne laisse entrevoir. A découvrir .

Publié pour la première fois en France en 1951 sous le titre le Pont sur l'abîme, puis dans les années 1980 dans la collection Ailleurs et demain, les éditions Fage ont sorti de l'oubli ce texte l'année dernière.
Le titre évoque un passage de l'ecclésiaste :

"Une génération s'en va et une génération vient, mais la terre demeure toujours"

Lu dans sa version Ailleurs et demain, le roman est préfacé par un John Brunner très enthousiaste.Un petit essai clôture le tout : Après les cendres, quel phénix ? Un aspect des recommencements post-catastrophiques par Rémi Maure, à lire pour les fans de post apo, car il comporte de nombreuses références sur ce genre, certes ancienne, mais c'est qui en fait tout l'attrait.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
À son réveil, Ish remarqua que les lampes n’éclairaient presque plus. Dans les ampoules, les filaments étaient d’un rouge orangé. Il pouvait les fixer sans avoir mal aux yeux. Bien qu’il n’eût tourné aucun commutateur, la pièce était plongée dans la pénombre.
« Les lumières s’éteignent ! Les lumières s’éteignent ! » Que de fois au cours des siècles, ces mots avaient été prononcés, d’un ton indifférent ou avec un accent de panique, au sens propre ou au sens figuré. Quel rôle avait joué la lumière dans l’histoire de l’homme ! La lumière du monde ! La lumière de la vie ! La lumière de la connaissance !
Un grand frisson le secoua, mais il lutta contre sa peur. Après tout, se dit-il, l’électricité a survécu longtemps à l’homme grâce à son système automatique. Sa pensée le ramena au jour où il était descendu de la montagne, sans soupçonner ce qui s’était passé. Il était passé devant la centrale électrique et avait conclu que tout était normal parce que l’eau se déversait par-dessus les biefs et que les générateurs ronronnaient régulièrement. Et de nouveau il fut fier de son pays. Aucun système, peut-être, n’avait tenu aussi longtemps. Qui sait si ces lampes électriques n’étaient pas les dernières à s’éteindre et, après elles, de longtemps le monde serait privé de lumière.
Il n’avait plus envie de dormir ; il fallait qu’il reste éveillé ; il espérait que le dernier acte du drame serait bref et ne traînerait pas en longueur. La clarté pâlit encore. « C’est la fin », se dit-il ; mais la lumière s’attardait, les filaments étaient maintenant d’un rouge cerise.
Et de nouveau ils s’assombrirent. L’œuvre de destruction s’accélérait, comme un traineau qui dévale une colline, lentement d’abord, puis emporté par son élan. Un instant – mais peut-être était-ce un effet de son imagination – leur éclat redoubla, puis tout fut fini.
Princesse s’agita dans son sommeil et aboya vaguement du fond de son rêve. Était-ce un glas de mort ?
Il sortit. « Ce n’est peut-être qu’une panne de secteur », songeait-il sans conviction. Ses yeux cherchèrent à percer les ténèbres, épaissies encore par la fumée derrière laquelle la lune avait l’air d’une grosse orange. Aucun réverbère n’éclairait plus ni les rues ni le pont. C’était donc la fin. « Que la lumière ne soit plus, et la lumière s’éteignit ! »
« Pas de mélodrame ! » pensa-t-il. À tâtons, il rentra et fourragea dans le tiroir où sa mère rangeait les bougies. Il en trouva une qu’il introduisit dans un chandelier. La flamme était petite, mais droite et claire. Il s’assit dans son fauteuil, terrassé par l’émotion.
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Ish, dans son enfance, avait fréquenté le catéchisme, mais, lorsque Maurine lui demanda quelle était sa religion, il répondit qu’il était sceptique. Maurine, qui ne connaissait pas ce mot, le comprit de travers et en conclut qu’Ish était membre de l’Eglise sceptique.
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Le rideau s’était baissé sur l’homme, soit ; devant ses yeux de savant se déroulait le premier acte d’un drame inouï. Depuis des milliers d’années, l’homme était le maître du monde. Et voilà qu’il disparaissait pour longtemps, sinon pour toujours. Même si la race humaine n’était pas complètement éteinte, les survivants mettraient des siècles à retrouver leur suprématie. Que deviendraient le monde et ses créatures sans l’homme ? Eh bien, lui, Ish, allait le savoir.
Un chat gisait sur le comptoir ; Ish le crut mort, mais, sous ses yeux, il revint à la vie, et le jeune homme se rendit compte que l’animal avait simplement emprunté une attitude chère à ceux de sa race. Le chat le toisa avec la froide insolence d’une duchesse qui dévisage sa chambrière. Gêné par ce regard, Ish se rappela que c’était là les façons de la gent chatte. L’animal paraissait heureux et bien nourri.
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« Les malheurs attendus n’arrivent jamais ; c’est du côté où l’on ne regarde pas que tombe la tuile. » L’humanité tremblait d’effroi à l’idée d’une destruction totale par la guerre, elle vivait dans un cauchemar d’explosions, de villes qui sautaient avec leurs habitants, d’hécatombes d’animaux, tandis que toute végétation disparaissait de la surface du globe. Mais en réalité, semblait-il, c’était l’humanité seule qui avait été supprimée catégoriquement, sans trop de remous.
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L'allumette vivait non pas quand elle était enfermée dans la boîte, mais seulement quand elle brûlait… et elle ne pouvait brûler toujours. Il en est ainsi pour les hommes et les femmes. On ne peut vivre en niant la vie.
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