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EAN : 9782917751923
296 pages
Isabelle Sauvage (01/02/2018)
4.33/5   3 notes
Résumé :
Avec Je rêve que je vis ?, Nous vivons cachés (de nouveau traduit par Sabine Macher) permet au public francophone de découvrir l’ensemble des écrits de témoignage de Ceija Stojka publiés de son vivant. Paru en Autriche en 2013, pour les quatre-vingts ans de son auteure, ce volume rassemble les récits écrits par Ceija Stojka et originellement publiés en 1988 et 1992, revus et enrichis par Karin Berger (réalisatrice et documentariste autrichienne qui a accompagné Ceij... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Mais on peut aussi porter le deuil sans une robe noire

« A pied ou, de rares fois, en train, Ceija Stojka rentre avec sa mère au printemps 1945 du camp de Bergen-Belsen à Vienne ». Dans sa préface Karin Berger présente l'autrice et son parcours, sa volonté d'apprendre à lire et à écrire, « Etre en classe avec des enfants de sept ans alors qu'elle en a treize n'est pas facile pour elle, mais elle tient le coup jusqu'à de qu'elle sache lire et écrire », ses rencontres-dialogues avec elle, les effets de la publication de son premier livre, « Pour la première fois en Autriche, l'horreur que les Roms et Sinté ont vécue sous le régime nazi est plus largement sue et perçue, et Ceija elle-même devient un témoin historique important dans l'espace public »

Le témoignage de l'autrice est sans haine, elle ne réclame rien. Son écriture est une nouveauté en regard de sa culture de tradition orale, « Elle est issue d'une culture qui transmet l'histoire et les témoignages par le récit, le conte et le chant, qui sont de la même importance pour les Roms que pour nous les archives et les livres ».

Une parole importante, comblant le vide, l'invisibilité historique construite des populations Roms et Sinté en Europe et de leur destruction par les nazis. « Ici une femme témoigne de l'expérience de la persécution sous le régime nazi, de sa survie à trois camps de concentration dont la structure et le but visaient l'humiliation, l'exploitation et le meurtre ».

« Auschwitz est mon manteau,

Bergen-Belsen ma robe

et Ravensbrück mon maillot de corps »

C'est ça le monde ? le grillage mis par la Gestapo autour d'une petite maison en bois, « je revis tout maintenant comme si c'était hier », la déportation, la tonte, « quand la pièce a été tellement remplie que même une souris n'y rentrait plus, le transport à Auschwitz a été organisé », numéro Z 6399, le camp, les clôtures, « il ne fallait pas qu'il y ait le moindre signe que les gens souffrent. Il ne fallait pas non plus qu'on sache qu'il y avait des crématoires », les cris venant de la forêt, « Mais nous on entendait et on savait tout », les habits, les chaussures, les cheveux, les SS, « Les SS étaient si cruels qu'aucun animal ne peut être aussi méchant, car même l'animal le plus sauvage s'épuise un jour et renonce », la nourriture, les sélectionnées, le block spécial, Birkenau et les gazages, la rampe et un train de voyageurs, une voie ferrée…

« Tout à coup, le camp de concentration avait entièrement disparu », une journée splendide, le vert à perte de vue, un camp de femmes, Ravensbrück, toutes marquées, « le rebut du genre humain », les femmes SS avec les chiens, « Les femmes SS étaient pire que tous les satans », la baraque, les jours et l'angoisse, la Gestapo, un camion…

Dans le camp de Bergen-Belsen, « Tout autour du camp il y avait une très belle forêt de sapins, les arbres debout comme des policiers », la faim comme compagne quotidienne, la rue des poux, les miradors, « Soudain, il y eu un bruit énorme et un monstre de char d'assaut a défoncé le grillage du camp »…

Des charrettes, des camions, des trains de charbon, « Très doucement nous sommes arrivés, à Linz », une petite maison en bois, « A présent, je voulais mieux apprendre à lire et à écrire », sa décision d'aller à l'école, l'obligation de reprendre la route, « Maman avait un nouveau compagnon de vie, il avait deux chevaux et une petite roulotte ouverte qu'il fallait couvrir avec une bâche. A trois, nous sommes repartis en voyage »…

« …
où personne ne nous menace
et désire nous assassiner »

Voyage vers une nouvelle vie. Des minutes de liberté, « J'aimais plus que tout lire quand j'étais seule et quand personne ne m'observait », la vie reprend, « Entre les pensées et la réalité, je me perdais pas mal », la famille, les voyages, les chevaux et les roulottes, les cartes d'identité et l'absence de carte-I, la fierté, le vide après la guerre, « Tant de gens de notre petit peuple ont été acheminés dans les camps à partir de différents pays, et tant des nôtres ont été exterminés », les histoires, les lois d'autrefois, les fêtes, les bokoli, les enfants, la route, « A présent j'avais dix-huit ans et deux bébés et pas de mari. Il fallait que je nourrisse deux petits enfants. Heureusement j'avais pas de complexes, sinon, j'aurais été mal »…

Les tapis, les marchés, « Colportage et mendicité interdits sous peine de poursuite », un enfant en prison, « C'était l'hiver 1968 et je sentais le froid d'Auschwitz », le quotidien, le monde des Gagjé, le soleil chaud et lumineux, la mort, « Les années passaient pour moi dans un sevrage constant et incessant de mon enfant chéri », le chemin et la vie…

« Souvent j'ai peur que mes enfants et leurs enfants aient à vivre des temps de persécution comme nous les avons vécus. de toute façon, ils souffrent des crimes nazis de l'époque. Souvent, ils ont grandi sans grand-mère ou grand-père, souvent aussi sans père ou mère. Et leurs oncles et tantes, ils sont où ? »

Les deux conversations avec Karin Berger « Il ne faut pas être une autre » et « Tant qu'il y aura des Roms, ils chanteront » sont précédées d'un cahier de photographies.

De ces conversations, je souligne la femme battante, restée ferme, « Pour qu'Auschwitz ne puisse rien contre moi », les larmes des morts et des âmes, ce film resté dans la tête, les rêves, le « Pourquoi tu es là » émis par tant de survivant·es, l'enfance et les voyages, le romani, la haine, la famille, les foires aux chevaux, l'exclusion de l'école, la commémoration en Autriche si tardive, la dénazification et le retour des nazis, la carte professionnelle, le permis de conduire, les Roms et Sinté, les Gadjé, la vie, « Mais on avait des yeux, on voyait au loin et le vol des oiseaux et les arbres quand ils dansaient », le négationnisme en Autriche, la musique et le chant…

Le livre se termine par un essai de Karin Berger : « Voyages dans la Kaiserstrasse. Rencontre entre les mondes », Ceija Stojka, ses manuscrits, les conversations, la lecture à haute voix, « Soudain les phrases s'ouvrent et les lettres assemblées font sens. Je lis un texte fin et louchant, l'histoire d'une vie, écrit sans reproche et sans pathos », un monde scintillant a disparu pour toujours. « Mais peut-être qu'ils sont juste allés un peu plus loin ».

A notre/votre tour de lire. le télescopage du passé et du présent. « Je n'ai pas mis ma vie au cachot ». Un livre contre l'oubli ou le silence. Des conversations pour la mémoire, la musique et la liberté.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
J'ai la liberté


Et bien des années après,
une fois libérés,
c'était très difficile
de revenir dans le monde,
dans le beau monde,
où le vert pousse,
où personne ne nous menace
et désire nous assassiner.

La peur est toujours en nous.

Je ne réussirai jamais
à oublier cela.
Jamais.
Tant que je vivrai
je penserai à
ce qu'ils ont fait de nous,
ce Hitler et ses gens.

Ce que je désire du monde
est que les gens fassent attention
et qu'ils gardent les yeux ouverts
sur le monde qu'ils traversent et qu'ils veillent
à ce que cela
ne se reproduise jamais.

Chacun doit penser en soi :
j'ai la liberté
de tuer quelqu'un d'autre
et de lui prendre sa vie.
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Pour la première fois en Autriche, l’horreur que les Roms et Sinté ont vécue sous le régime nazi est plus largement sue et perçue, et Ceija elle-même devient un témoin historique important dans l’espace public
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Auschwitz est mon manteau


Tu as peur de l'obscurité ?
Je te dis: là où le chemin est sans hommes,
Tu n'as rien à craindre.

Je n'ai pas peur.
Ma peur est restée à Auschwitz
Et dans les camps.

Auschwitz est mon manteau,
Bergen-Belsen ma robe
Et Ravensbrück mon maillot de corps.

De quoi devrais-je avoir peur ?
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Souvent j’ai peur que mes enfants et leurs enfants aient à vivre des temps de persécution comme nous les avons vécus. De toute façon, ils souffrent des crimes nazis de l’époque. Souvent, ils ont grandi sans grand-mère ou grand-père, souvent aussi sans père ou mère. Et leurs oncles et tantes, ils sont où ?
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Les SS étaient si cruels qu’aucun animal ne peut être aussi méchant, car même l’animal le plus sauvage s’épuise un jour et renonce
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Videos de Ceija Stojka (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ceija Stojka
Pour ce dernier épisode du Printemps des enfants, Murielle Szac lit des poèmes de Ceija Stojka, traduits par François Mathieu et accompagnés par des gravures d'Olivia Paroldi dans le recueil "Le tournesol est la fleur du Rom" !
/ le tournesol est la fleur du Rom, Ceija Stojka & Olivia Paroldi, Éditions Bruno Doucey, coll. Poés'histoires, 2020.
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