Chroniques du proche étranger en Tchétchénie

Un sujet grave et une situation géopolitique complexe, mais cette BD est empreinte d'une grande et salutaire humanité.

Je partage pleinement le sentiment de reconnaissance envers les auteurs de cette BD qu'exprime Anne Nivat dans sa préface : « Je salue l'avènement de cette bande dessinée avec ses dessins si réalistes (et peut-être plus “parlants” que n'importe quel livre) qui dépeignent bien la complexité de la situation, et la difficulté à aider ceux qui sont en détresse. N'ayons pas peur de l'histoire des Tchétchènes ».

Je signale, pour mémoire :

– l'avertissement du début : « Hors faits historiques, toute ressemblance dans la présente fiction avec des personnages existants ou ayant existé serait fortuite et indépendante de la volonté des auteurs. La fiction narrée ici entraîne la seule responsabilité de ses auteurs ».
– une carte, page 8
– la très utile chronologie des pages 229 à 236 qui couvre la période de 1785 à 2007
– l'« en savoir plus » de la page 237 qui propose des livres, photographies et analyses, ainsi qu'une longue liste de sites internet utiles

Rien que la caricature de Vladimir Poutine (notamment pages 122-123) vaut le détour, en plus de l'histoire émouvante des clowns dont je ne dirais pas plus.

Je commence vraiment à charger mon étagère de BD documentaires, et celle-ci est une de mes dernières acquisitions. Même si pour le coup je ne m'attendais pas à monts et merveilles et que j'ai exactement trouvé ce à quoi je m'attendais.

Pour moi, cette bande dessinée est tout à fait acceptable et dans les clous d'une bande-dessinée documentaire, censée nous renseigner sur quelque chose ou quelqu'un, nous ouvrir à des domaines inconnus et nous faire réfléchir. de ce côté là, le contrat est entièrement rempli et j'apprécie ce qui est offert.
Seulement voilà, j'ai trop été habitué à de l'excellente qualité et je dois maintenant relever deux gros défauts. le premier est le dessin. Je ne suis normalement pas un adepte de l'accord parfait entre le dessin et le propos, mais avec les différentes lectures des BD docu, je dois bien reconnaître maintenant qu'avec certains styles de dessin, ça passe plus mal, et c'est le cas ici. Il manque la sobriété et le dépouillement qu'on peut trouver dans les BD de Guy Delisle ou dans celles de Nicolas Wild, qui concentrent alors toute l'attention sur le propos. Ici, le dessin est trop envahissant, et ne convient pas trop au propos, qu'il finit presque par desservir, notamment dans certaines cases où les personnages sont un peu trop déformés à mon goût. Cela passe mieux quand les auteurs posent plus de textes et peu de dessins.
L'autre gros défaut est, pour moi, le fait que la BD est un peu courte au final. Elle en dit déjà pas mal sur le conflit en Tchétchénie, conflit que je ne connaissais absolument pas, et nous pose une histoire simple qu'on suit d'un bout à l'autre sans problème. le souci, c'est que lorsque j'ai reposé la BD, je me sentais frustré, il me manquait un bout. Peut-être plus de vues du voyage, peut-être un rapport plus poussé m'aurait aussi satisfait.

Le problème, c'est que j'ai l'impression que la BD effleure seulement le sujet de la Tchétchénie et qu'on ne voit en fin de compte pas grand chose de ce que l'auteur y a vu. C'est frustrant sur les deux tableaux, et à la fin de ma lecture, cette sensation d'un manque m'est restée. Même si de nombreuses propositions sont faites à la fin de l'ouvrage pour ceux qui veulent en savoir plus, je suis resté sur ma faim, et c'est ça qui m'a donné envie de ne mettre qu'un 2/5.

Ca reste une BD documentaire très potable, mais qui m'a laissé un peu sur ma faim. A vous d'en juger, mais en même temps, s'intéresser un peu à ce conflit qui décime un peuple n'est pas forcément mauvais.