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EAN : 9782070760114
304 pages
Gallimard (05/01/2001)
3.5/5   6 notes
Résumé :

Qui est cet homme qui raconte ? Quel âge a-t-il ? Comment s'appelle-t-il ? Nous savons seulement que son nom pose problème, comme sa peau. Nous savons quand même beaucoup d'autres choses sur lui !Par exemple que ses parents, Noirs, sont nés là-bas avant d'arriver en France pour brouter comme les gnous. Que lui-même est né en France, comme ses deux petites sœurs actuellement putes en Hollande et comme sa cousine, qui... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Place des fêtes, c'est un long réquisitoire contre… contre quoi? Eh bien, tout et rien. La vie en France pour un fils d'immigrants africains? Non, pas vraiment. Enfin, peut-être un peu. Contre l'idéal du retour au pays d'origine? Et encore. C'est la diatribe d'un type qui se raconte, qui s'exprime. Qui parle avec ses tripes. En effet, il en a beaucoup à dire et tout sort comme ça vient, à grands coups de « putain ». C'est que ce mot est partout. D'ailleurs, on le retrouve en tête de chacun des quelques septante chapitres qui composent son bouquin. Mais aussi dans le corps du texte, le ponctuant.

Depuis tantôt, j'écris « il » et « son bouquin ». de qui s'agit-il? Difficile à dire, l'identité du narrateur demeure un mystère. Est-ce l'auteur Sami Tchak lui-même? Peut-être. Dans tous les cas, il nous titille à ce sujet. « Je vous ai déjà dit mon nom? Très bien. Quel vilain nom! » (p. 11). Fils d'immigrants togolais, dans tous les cas.

Ainsi, il commence son histoire avec sa « putain » de vie en France. Sa famille, le clan au complet avec les cousins et cousines, leur situation, le racisme, les Blancs, etc. Bref, le genre de propos qu'on a déjà lu chez Mabanckou, Monénembo et tant d'autres, les grossièretés en plus. Ceci dit, ce langage cru et vulgaire qui ne m'interpelle pas en temps normal, eh bien, ici, dans Place des fêtes, non seulement il ne me dérangeait pas mais je le trouvais étrangement approprié. Mieux, il donnait un rythme à la lecture. Ça et tous ces chapitres brefs (de deux à six pages environ, rarement plus).

Ceci dit, n'allez pas croire qu'il s'agit d'un réquisitoire contre la France et la pauvre condition des Noirs. Tout n'est pas mal. Et heureusement parce que, ça aurait été assez lourd. Je veux bien croire que la vie des immigrés n'est pas facile et qu'il est important de le faire savoir. Peut-être pas s'éterniser en longueur, toutefois. le narrateur aborde des sujets aussi variés que la banlieue, les promenades au bois, les ruptures, les relations avec les Arabes et les Juifs, etc. de plus, les siens ne font pas figure de martyrs : ils sont en partie responsable de leur sort (en particulier ses cousines), ils fuguent ou tombent enceinte, prennent des mauvaises décisions, empirent leur cas.

Aussi, la vie au Togo (ou dans d'autres pays d'Afrique) en prend un coup et n'est pas montré sous un jour meilleur. le narrateur est assez lucide pour s'en rendre compte. Il dénigre son père attaché à des traditions dépassées qui ne signifient rien aux yeux du narrateur qui a grandi en France. « Pauvre papa! Maintenant loin de l'Afrique, il prétend que l'Afrique, c'est le paradis, c'est l'éden et tout le charabia idiot […] » (p. 17). Ce père, il voudrait que ses enfants retournent au Togo, dans leur pays natal, celui de leurs ancêtres. Mais ce n'est plus leur pays : la France joue ce rôle maintenant. Ce n'est peut-être pas mieux, mais il est trop tard pour revenir en arrière. « Tu nous as largué dans cette impasse d'où nous n'avons pas les moyens de nous tirer même quand la gueule de l'agonie fonce sur nous un char en Tchétchénie. » (p. 21)

Cette comparaison est claire. Aussi, elle donne le ton. C'est un exemple parmi tant d autres de ce style si vif, si incisif et percutant qui a su capter mon attention et la garder pendant cette lecture. Je suis maintenant curieux du reste de l'oeuvre de Tchak.
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Une farce paillarde et rageuse, passant en revue les clichés racistes mis en scène et en excès...

Publié en 2001, le premier roman sous son pseudonyme de Sami Tchak du Franco-Togolais Sadamba Tcha-Koura, après deux romans sous son vrai nom, marquait une rupture risquée, brutale, farceuse, et au final bien jouissive.

Un narrateur énervé, Noir "né ici" (en France), est lancé à fond de train dans un récit autobiographique non chronologique, en forme de diatribe affectant une réelle violence (chaque court chapitre, au long des presque 300 pages, invective son sujet, son destinataire ou son protagoniste : " P... de nés là-bas !", "P... de clan !", "P... de diplômés !", "P... de villageoises !",...). Naviguant au gré des souvenirs, des anecdotes et des explications de ce combinard de génie évoluant entre Paris et sa banlieue, c'est l'occasion pour Sami Tchak de se lancer dans une aventure périlleuse, magnifique et désopilante si l'on parvient à régler sa lecture sur le "bon" degré de distance, d'humour et d'ironie extrêmement grinçante... En effet, le narrateur défend tour à tour, avec une verve et une phrase proprement terrifiantes d'efficacité, à peu près tous les clichés racistes à l'égard des Africains, en France ou au pays, les mettant en scène avec une extraordinaire conviction apparente et une intense mauvaise foi, pour des morceaux de bravoure sur la famille, les études, le sexe, la prostitution, les combines, la cuisine, la religion, la vie dans la cité, l'attachement au pays, ...

Passé un moment d'incrédulité, il faut se laisser emporter par ce flot rageur, et chevaucher cette tumultueuse farce rabelaisienne pour établir, entre les rires étouffés, la facilité avec laquelle on peut faire prendre vie et vérité à tant de lieux communs, en usant sans vergogne (et avec une maîtrise langagière impressionnante) de la déformation d'un éventuel fait réel pour, à chaque fois, en faire une immense caractéristique générale se précipitant au-devant des attentes d'un public malintentionné.

Un livre dont on sort en riant, impressionné, mais sans pouvoir écarter, malgré tout, un certain malaise, tant la dénonciation "sous faux pavillon" est exécutée avec brio...
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
« Jamais ! Je vous dis que jamais, la France n'aura mon cadavre. Je lui ai laissé ma vie, elle doit s'en contenter, oui, elle n'aura que ma vie. » Mais, pauvre papa, de ta vie et de ton cadavre, la France n'en a jamais voulu. Même de la vache folle anglaise qui est proche cousine, la France n'en veut pas. Que veux-tu qu'elle fasse d'un cadavre de Nègre, alors qu'elle n'est même pas cannibale ? Tu t'es imposé à elle, elle n'a pas pu t'éjecter parce qu'elle est humaine. C'est comme, vois-tu un peu, un saumon qui passe au travers de la gorge d'une baleine et atterrit dans l'infini estomac. Que faire de lui maintenant qu'il est là ? Le laisser moisir, papa. Dans l'estomac de la France, tu as atterri et la France t'a laissé moisir dedans malgré elle. Elle n'a jamais quémandé ta vie et elle ne se rabaissera jamais jusqu'à convoiter ton cadavre.

PUTAIN DE NÉS LÀ-BAS !
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La mort naturelle, elle aussi, elle veille au grain. Parce que la mort naturelle, c'est le plus terrible prédateur de tous les temps et de tous les êtres.
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C'est fou comme la mémoire oublie vite.
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Vidéo de Sami Tchak
Dans cette 3ème partie de notre entretien avec l'écrivain Sami Tchak, nous avons posé des questions essentielles autour de l'enracinement et de l'universalité. A partir de la citation de Miguel Torga, "L'universel c'est le local moins les murs", l'auteur nous expose sa vision de la littérature nationale, de l'altérité, de l'ouverture vers le monde, et de la question centrale : qu'est-ce-que l'Universalité.
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