Dans sa volonté de reproposer dans une belle édition les oeuvres de
Tezuka, après L'Histoire des 3 Adolf, Ayako, Barbara, Kirihito ou encore MW, Delcourt-Tonkam nous a fait le plaisir de rééditer dans une intégrale en 2 tomes : Dororo. Cette courte série originellement en 4 tomes a eu son petit succès et a même eu droit à son remake en dessin animé ces dernières années avec le grand
Hiroyuki Asada (I'll, Letter Bee) au chara-design.
Il n'en fallait pas plus pour m'intéresser.
Publiée pour la première fois au Japon entre 1967 et 1968 dans le Weekly Shônen Sunday de l'éditeur Shôgakukan, ce titre n'est arrivé que tardivement chez nous en 2006. Série à destination des plus jeunes, suivant les épreuves de Hyakkimaru, un jeune homme dont 48 parties du corps ont été offertes à 48 démons au moment de sa naissance parce que son père avait conclu un pacte avec eux afin d'acquérir des pouvoirs. Devenu adulte,
il doit vaincre le même nombre de démons pour récupérer les différentes parties de son corps.
D'emblée, j'ai été frappée par le format très épisodique de la série. J'ai clairement senti un scénario pensé pour une adaptation en dessin animé ou une publication hebdomadaire/mensuelle. A chaque chapitre ou presque, son démon à vaincre ou le récit du passé d'un personnage. Ce n'est pas mal mis en scène, ni mal raconté, mais pour un lecteur actuel, cela a un peu vie
illi dans sa forme.
De la même façon, malgré un cadre historique intéressant : l'époque Sengoku (m
ilieu du XVe siècle – fin du XVIe siècle) avec sa population misérable en proie à de nombreuses guerres intestine, l'auteur peine à exploiter ce qui aurait pu faire la richesse de son récit.
Il se contente de nous faire suivre une sorte de road-trip avec un duo improbable de jeune orphelin-voleur à la langue bien pendue, Dororo, le héros éponyme du livre, et d'un jeune ronin sourd et aveugle mais très fort pour se battre avec les armes cachés dans ses faux membres. Ensemble,
ils s
illonnent les routes, croises des pauvres gens, des malandrins, des soudards ou encore des nobles véreux. Mais la finalité reste la même à chaque fois : combattre le méchant démon qui est face à eux. C'est un peu limité et répétitif.
Pourtant,
il avait de quoi faire une histoire sombre et charismatique avec Hyakkimaru. Celui-ci dispose en effet d'une caractérisation fascinante.
Il est le f
ils d'un riche notable.
Il a été recue
illi par un docteur, qui comme Black Jack, est très doué avec un scalpel puisqu'
il a réussi à lui greffer des membres artificiels et autres surprises (par exemple, ses faux bras cachent des sabres). Comme
il lui manque de nombreuses parties de son corps,
il ne peut ni voir, ni entendre, ni sentir, mais
il a développé des sens surnaturels qu
i lui permettent de se défendre face aux démons. Sauf que on en reste là au final. L'auteur n'exploite pas assez le concept, voire même le rend assez ridicule quand on voit la façon dont Hyakkimaru interagit avec les autres et dans le cadre de l'histoire. On dirait qu'
il n'a aucun handicap alors qu'
il est sourd et aveugle au début... C'est donc assez maladroit.
Tezuka semble avoir voulu faire, du moins dans cette première moitié de l'oeuvre, si j'ai bien compris, quelque chose de vraiment divertissant pour le jeune public.
Il y réussit par son sens du rythme et de la narration, par le duo improbable qu'
il invente, par la rencontre d'un bestiaire digne de
Shigeru Mizuki. C'est drôle, cocasse et un tantinet effrayant, avec quelques petites leçons de vie sur la pauvreté et l'injustice subies par le peuple alors. Les chapitres s'enchainent avec fluidité, les pages se tournant rapidement.
Il y a toujours la patte graphique toute en rondeur dont l'auteur fait preuve dans ses titres jeunesses comme Princess Saphir ou le Ro
i Leo (pour ceux que j'a
i lu). Cela donne une saveur certaine au récit avec ce petit côté "cartoon". Mais
il n'y a pas vraiment de trouva
ille graphique comme dans ses grands oeuvres, ici c'est assez classique pour du
Tezuka, ce qui n'enlève rien à la beauté de certaines planches ou de leur composition, comme avec cette représentation tranchante du vent ou le tendre macabre de ce bébé sans yeux, nez ou ore
ille...
Ainsi, même si ce fut une lecture agréable,
il m'a manqué quelque chose dans ce début de Dororo. J'ai eu du mal avec le schéma répétitif de l'intrigue, avec le manque d'exploitation du cadre historique et surtout avec les particularités du héros trop prises à la légère, alors qu'on aurait pu avoir une oeuvre plus sombre et trava
illée. J'avoue qu'à part suivre un nouvel Hercule et ses 12 travaux, mais version japonaise avec des yokai, je vois peu l'intérêt de cette oeuvre pour le moment, qui fait juste office de divertissement alors que l'auteur m'avait habituée à des récits plus profonds.
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