Que voulait Brioussov avec sa « famille de poètes » ? On est tellement ami que ce n’est pas la peine de se saluer ? Voulait-il m’épargner vingt mains étrangères dans l’unique mienne ? Épargner à lui-même cinq minutes d’inactivité ? Ménageait-il la timidité supposée de la débutante ?
Peut-être une des raisons citées est-elle la bonne, peut être toutes à la fois, mais c’était plus probablement le refus inconscient de connaître quelqu’un intimement, humainement, paume contre-paume (et donc de s’engager). Le bond en arrière du loup à la vue d’une autre espèce. Le flair qui détecte l’étranger. L’instinct.
Depuis lors nous nous saluâmes ainsi, par un signe de tête. À chaque rencontre, la possibilité d’une poignée de main s’éloignait un peu plus. Convenez qu’après avoir passé dix ans à se saluer de loin, c’est un peu gênant, un peu déplacé de tout à coup, sans crier gare, se serrer la main.
Ainsi n’ai-je jamais su comment était la paume de Brioussov.
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Encore une chose : si je m’étais bornée à réfuter le mensonge, c’est-à-dire à le dénoncer, je me serais retrouvée dans le rôle qui m’est le plus odieux : celui de procureur. En opposant, au mensonge, la vie vivante (et n’est-il pas plein de charme mon Mandelstam, malgré sa peur des morts et sa passion du chocolat, et peut-être même grâce à eux ?), en affirmant la vie (qui est elle-même affirmation), je ne sors pas de la condition innée du poète : celle de défenseur.
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