Voici un bien curieux manuel de management, curieux au sens de sa rareté, de son substrat et de son auteur.
En effet ce livre a été écrit par le ci nommé colonel d'artillerie
Jean Baptiste Vachée, professeur à l'école de guerre de Paris, au profit de ses jeunes officiers élèves,futurs "chefs". Il utilise pour cela l'expérience napoléonienne , et aborde dans son ouvrage une vraie analyse socio-psychologique du cabinet de
Napoléon Ier, et par voie de fait de la personnalité et du style de l'Empereur.
Qu'on ne s'y méprenne pas, si l'ouvrage repose évidemment sur de nombreux exemples historiques et militaires tirés de l'épopée impériale, Vachée en tire surtout des conclusions sur la façon efficace de diriger les hommes.
Par exemple "La première qualité d'un chef est d'avoir une tête froide, qui reçoive des impressions justes des objets, qui ne s'échauffe jamais, ne se laisse pas éblouir, enivrer par les bonnes ou les mauvaises nouvelles, que les sensations successives ou simultanées qu'il reçoit dans le cours d'une journée s'y classent et n'occupent que la place juste qu'elles méritent d'occuper, car le bon sens, la raison sont le résultat de la comparaison de plusieurs sensations prises en égale considération." etc (p 137).
O n le voit, le propos est ici de dégager ces qualités rares qui ont fait de Napoléon ce chef charismatique, électrisant ses grenadiers, tout autant que le généralissime sachant mobiliser l'ardeur de ses maréchaux les plus proches.
Le livre expose abondamment l'intimité de Napoléon dans ses modes de pensée, ses principes (force, activité, intrépidité) et les leviers qu'il a utilisé pour "manager" ses hommes (sanctions, récompenses, présence auprès d'eux, etc..)
Le chapitre sur le choix des hommes (mieux des dévoués que des brillants) est savoureux. Les passages sur les relations entre le pouvoir et les femmes, tout autant.
Les conclusions sont très claires et bien exposées, et l'auteur ne cache pas les nombreux périls d'un système tel que le système napoléonien reposant sur un seul homme, s'effondrant avec lui. Il montre très honnêtement (nos sommes en 1914) les vertus comparées du système allemand du général Moltke reposant sur la conférence et le consensus décisionnel. Nous dirions aujourd'hui, la délégation et la subsidiarité.
J'ai trouvé, bien qu'il fasse l'impasse totale sur Napoléon "civil" grand organisateur de l'administration de l'état, ce livre fort passionnant, en tous cas bien moins ennuyeux que tous ces traités fastidieux traitant de management. Ici les exemples sont simples, réels, sanctionnés par le regard critique et juste de l'auteur. Une lecture que je recommande vraiment.