L'esprit du loup

L'Âge d'argent désigne le formidable essor de la vie culturelle russe au début du XXème siècle. C'est une Renaissance moderne qui touche tous les Arts. De nouvelles doctrines s'imposent et s'opposent. Des débats intense s'ouvrent illustrés dans ce roman par la confrontation de deux amis : Vassili Komissarov, un ingénieur féru de sciences et de technologie, se passionne pour les idéaux révolutionnaires ; Pavel Legkobytov , un écrivain amoureux de la nature, fréquente les cercles religieux et nationalistes. Komissarov se rend chaque été dans le village perdu de Vyssokie Gorbounki où l'écrivain s'est retiré. Il y passe ses congé accompagné de sa fille Oulia, une sauvageonne vive et curieuse et de son épouse Vera, un personnage tchekhovien qui rêve de participer aux salons d'avant-garde mais qui s'ennuie dans cette campagne isolée.

L'été 1914, les Gorbounki sont frappés par une canicule terrible. Les sols sont secs, la menace de l'incendie est oppressante. Les villageois semblent animés d'une folie contagieuse. Les esprits sont gangrenés par des idées démoniaques qui se manifestent sous différentes formes. La fièvre gagne la capitale qui vient d'être rebaptisée Pétrograd. Alexeï Varlamov y déplace son intrigue pour livrer une fresque de la Russie prérévolutionnaire. La guerre est déclarée et une ferveur patriotique gagne les coeurs. Mais la société pétersbourgeoise est en pleine décadence. La ville et la cour du tsar sont sous l'influence de Raspoutine qui défraie la chronique par ses nuits de débauche. Oulia traverse la capitale aux côtés d'un écrivain fantasque. Elle est prise dans la tempête, tout comme Legkobytov, Komissarov et Vera. La Russie se dirige à grands pas vers la catastrophe mais personne ne semble en mesure de corriger sa trajectoire.

« L'esprit du loup » est un roman dans la plus pure tradition russe : fantasque et débordant d'idées. Les personnages aiment à confronter leurs vues dans de longs dialogues. Pris dans la tourmente, leurs idéologies connaitront des revirements radicaux. J'ai peiné à discerner une idée dominante, propre à l'auteur, mais son projet est surtout de dépeindre le bouillonnement russe des années 1914-1917. La postface livre quelques clefs pour une meilleure compréhension du roman et nomme ceux qui ont servi de modèles aux personnages. Alexeï Varlamov use du registre du fantastique. Rêves, délires, et fièvres brouillent une réalité complexe, le récit historique et la fiction se mêlent et se confondent.

Le roman est un pavé, au sens propre comme au sens figuré : c'est un livre magistral et… imposant, à la couverture épaisse. Cette Masse Critique m'a permis de découvrir un auteur, Alexeï Varlamov, mais aussi une maison, Louison éditions, qui s'est fixée pour noble mission de : « de publier des auteurs libres, des ouvrages disruptifs de grande qualité littéraire, qui chacun traduisent une vision du monde. » Bravo !

Au tout début nous suivons un jeune personnage, Oulia, et peu à peu l'histoire dévie sur d'autres personnes qui lui sont proches.
Ce sont des tranches de vie de personnes, de familles, d'amis, de connaissances. On y découvre des anecdotes parfois tristes, des rêves, des regrets mais aussi de la colère et de la violence.
L'auteur nous parle de l'importance des partis politiques, des groupes religieux mais aussi des croyances de cette époque et de leur impact sur les conditions de vie.

L'histoire est basée sur des faits réels et historiques mais il y a une part de mystère qui plane sur le récit.
En tant que lecteur on se pose beaucoup de questions concernant cet aspect : est-ce le reflet des croyances, la folie des personnages ou bien un brin de fantastique ?

Malgré un début prometteur, j'ai trouvé la lecture fastidieuse, que ce soit au niveau du style que du contenu. L'auteur part dans des digressions à n'en plus finir. On se perd entre le moment présent et le passé avec ces digressions qui ne sont pas clairement indiquées et en plus, elles-mêmes en intègrent parfois d'autres .
La plume de l'auteur n'est pas à la portée de tous et il faut ajouter à cela plusieurs coquilles, des mots en double ou des expressions bancales, qui ne facilitent pas la lecture.

Par contre je voudrais indiquer qu'il s'agit d'un joli pavé résistant et agréable à tenir en main. C'est un très beau livre objet avec une couverture rigide et une tranche teintée de rouge.

Je ressors quand même mitigée de cette lecture, je me suis ennuyée malgré une quatrième de couverture très prometteuse.