Eussiez-vous entendu parler du "mégophias", le terrib
le serpent de mer, que vous auriez souri ... Incrédule "terrestris*" que vous êtes !
Et pourtant,
Claude Farrère, qui n'était pas homme à plaisanter, lui fit, entre deux fumées d'opium, la chasse en mer de Chine lorsqu'il fut aperçu, en 1898, par la canonnière "l'Avalanche" ...
Et,
Jules Verne, en 1901, n'envoya-t-il pas à sa poursuite Jean-Marie Cabidoulin sur le baleinier "Saint Enoch" ?
En 1956, dans le port de Seattle, une coque blanche est amarrée depuis plus d'un an.
C'est un fameux navire qui appartient au professeur Frost, le célèbre paléontologiste millionnaire qui a consacré son existence à la recherche du fabuleux serpent de mer.
Aloïus Lensky vient d'apporter au professeur une dent fraîche de mosasaure, mais d'un spécimen qui serait trois ou quatre fois plus grand que les plus grands fossiles connus à ce jour.
Et, devinez qui est à Seattle, si ce n'est le commandant Morane en personne ...
"La croisière du Mégophias", parue en 1956, est la treizième aventure de Bob Morane.
C'est un court récit, assez captivant, à la lisière entre la littérature jeunesse et le roman populaire.
Une fois de plus,
Henri Vernes, avec bonheur, s'est inspiré d'une légende.
Peut-être était-ce là le génie de l'écrivain-baroudeur belge, d'avoir su s'emparer de vieux mythes et de personnages légendaires pour les remodeler à sa façon.
Sans faire de manières, abordant tous les genres, il a pimenté les aventures de Bob Morane de tous les mystères de notre imaginaire collectif : la machine à remonter le temps, le mystère du colonel Fawcett, le continent Mu et l'Atlantide ...
Des premières expéditions dans la jungle de la vallée infernale, des premières plongée vers la galère engloutie aux découvertes des temps futurs d'un New-York apocalyptique et des tours de cristal de l'Atlantide retrouvée,
Henri Vernes a traversé tous les paysages, les genres et les époques.
Science-fiction, policier et espionnage, histoire médiévale, expéditions dans la jungle, Bob Morane, inoxydable, a été de toutes les aventures.
Ce qui, à mon sens, fait aussi la qualité des récits d'
Henri Vernes, c'est le "méchant".
Car le portrait du "méchant" est ici toujours soigné, approfondi et ambigu.
Leur chef de file, l'Ombre Jaune, sorte de Fu-Manchu mâtiné de capitaine Nemo, est une réussite du genre, une sommité dans les rangs des affreux.
Mais qui, malgré ses crimes, conserve dans ses actes et ses motivations sa part d'humanité.
Bref, "la croisière du Mégophias", même s'il n'est pas un des meilleurs titres des aventures de Bob Morane, est un petit roman d'aventure agréable à lire.
La croisière s'amorce par trois morts, peut-être empoisonnés par des conserves avariées, les trois derniers hommes honnêtes qui entouraient le professeur Frost.
Elle promet de n'être pas de tout repos !
Aloïus Lensky est une de ces crapules dont la physionomie donne à penser qu'il vient de transporter un mort au cimetière ...
Et, la jonque "Montagne de Fortune" du forban chinois Li-Chui-Shan guette le "Mégophias" dans le brouillard ...
L'aventure se corse ...
*"
le marin" de
Maurice Larrouy (1927)