Un livre témoignage qui peut déranger mais qui relate des faits et des anecdotes du point de vue de l'intérieur. Celui qui s'intéresse un minimum à l'actualité n'apprendra rien de vraiment nouveau, si ce n'est avec quelques précisions supplémentaires.
Paul Louis Voger, un pseudonyme qu'il utilise pour se protéger lui ainsi que ses proches, est un espion aujourd'hui à la retraite.
Passionné par son métier, on ressent à travers la lecture de ce livre, une grande frustration. Frustration liée aux méandres de l'administration trop complexe et bridée pour le suivi des affaires. C'est sûrement ce qui l'a poussé à écrire, à raconter.
L'auteur révèle également le manque considérable de communication entre les différents services, ce qui nuit à l'efficacité de leur travail et surtout aux résultats qui pourraient en découler. Au-delà de l'absence de communication, on peut également déplorer des "guerres de territoire entre les différentes services" : chacun devrait se cantonner à son travail d'investigation et ne il faut surtout pas empiéter sur le terrain d'un autre service au risque de toucher l'orgueil de certains. Quel dommage car les résultats seraient sûrement plus fructueux qu'ils ne le sont aujourd'hui.
L'auteur a choisi de relater les faits qu'il a vécu de manière chronologique. Ainsi, on constate l'évolution des méthodes d'enquêtes utilisant les moyens les plus traditionnels et ancestraux (décollage de l'enveloppe, pose classique de micros...) aux plus modernes. Et surprise ou non, ce sont les procédés les plus modernes qui échappent souvent aux services de renseignement. Non pas dans la maîtrise de la technique mais sur le fait qu'ils se concentrent sur ce procédé uniquement au détriment de l'humain qui est au coeur de l'enquête selon
Paul Louis Voger. Aujourd'hui, les enquêteurs ne prennent plus et/ou n'ont plus le temps de vérifier les données, de trouver les ressources humaines qui leur fourniront ou confirmeront les informations essentielles.
Au-delà des méthodes, ce que l'auteur regrette aussi, c'est le manque cruel de formation et de transmission d'informations des anciens à la "bleusaille', terme désignant les débutants dans le métier.
A ma grande surprise, j'ai préféré la partie consacrée au KGB et à la surveillance de l'URSS, des communistes à celle du terrorisme, qui constitue une large partie du livre.
Concernant la montée du terrorisme, ce phénomène avait été remonté au gouvernement par les services du renseignement dès 1994. A l'époque, il a été choisi de se concentrer sur d'autres affaires et les notes reçues n'étaient pas considérées à la hauteur de leur dangerosité.
En conclusion, ce témoignage est une plongée intéressante au coeur des services de renseignement français.
Paul Louis Voger dresse un constat amer et alarmiste de la situation actuelle qui montre l'urgence de mettre en place des actions correctives au vu du contexte international.
Selon moi, ce livre a été écrit pour évoquer un métier formidable et indispensable à la sécurité du pays mais qui est aujourd'hui en péril. Un retard immense a été accumulé sur les méthodes et le fonctionnement, dû aux fusions et réformes de ces dernières années.
Surtout, ce que je retiens de ce métier, c'est que l'humain est un élément central et essentiel.
Je tiens à remercier les éditions L'Archipel ainsi que l'opération Masse critique de Babelio pour la découverte de ce livre.