Il convient tout d'abord de préciser que le Professeur Vullierme n'est paz un historien professionnel. Ce n'est lui faire injure que de le constater. Normalien, possédant une double formation de philosophe et de juriste, il a été titulaire de la chaire de philosophie du droit à La Sorbonne Paris I, c'est sans contexte un grand intellectuel. L'essai qu'il nous a livré il y a un peu moins de dix ans sous le titre "
Miroir de l'occident : le Nazisme et la civilisation occidentale " en témoigne par ses qualités d'analyse et son érudition, mises malheureusement au service d'une thèse contestable, et au prix de quelques erreurs de raisonnement.
L'auteur révoque en effet en doute les explications du nazisme généralement admises, fondées sur des spécificités diverses, qu'il s'agisse de la culture allemande et du mouvement volkisch, de la situation politique et économique de l'Allemagne après la Grande Guerre, de la personnalité exceptionnelle et pathologique d'
Adolf Hitler, ou d'explications plus générales telles que la banalité du mal théorisée par
Hannah Arendt, au profit d'une thèse déjà développée au demeurant sous une forme un peu différente dans divers ouvrages de
Zeev Sternhell, que le titre de l'ouvrage résume parfaitement: le nazisme dans ses diverses composantes serait une résultante d'une idéologie que l'on pourrait qualifier d'occidentale, portées évidemment à un Degré extrème.
Cette idéologie serait basée sur un racisme "systémique" pour employer un terme à la mode, une volonté d'exclusion de l'autre, de replie sur soi, aboutissant à ce que l'auteur n'hésite pas à appeler "idéologie de l'extermination"; dans un passage surprenant dans un ouvrage à caractère scientifique,mais révélateur des intentions de l'auteur, il s'adresse directement au lecteur, à la deuxième personne , pour lui dire substance que, s'il est prêt à adhérer à certaines idées, à accepter certaines politiques zr pratiques de la part de son gouvernement, il est un nazi potentiel.
L'ennui, pour qui n'est pas prêt à le suivre, est que certaines de ces idées sont partagées par ceux que l'on qualifie péjorativement de populistes ou nationalistes, qui sont attachés à la défense de la culture occidentale, et se refusent à la vouloir dénaturée et détruite, qui par exemple ne sont pas prêts à accepter une immigration incontrôlée et ses conséquence sur l'identité nationale et européenne,, sans pour autant être prêts à participer à un Einsatzgruppe ou à approuver son action, contrairement à ce que ledit l'auteur.
En d'autres termes, et avec beaucoup de subtilité, il en arrive néanmoins au point Godwin, dans une intention éminemment politique.
Et on est un peu surpris de la voir s'efforcer dans ce but de constituer le nazisme en un corps de pensée cohérent, et à prêter à Hitler des qualités rationnelles et conceptuelles qu'on lui refuse généralement à un tel degré.
Il ne s'agit bien évidemment pas, et à aucun degré, d'une tentative de réhabiliter le nazisme ni de lui donner des lettres de noblesse, mais de l' englobée dans une réprobation commune avec des idées parfaitement honorables, et de culpabiliser ceux qui pourraient les partager.
Par ailleurs l'auteur discerne un certain nombre de phénomènes présents en Allemagne dans les années vingt, dont certains reposent d'ailleurs sur des concepts qui lui sont propres (acivilisme, anempathie) ce qui implique qu'il suffirait de créer et de définir le mot pour créer la chose et donc sur l'idee que le langage est performatif, et affirme ensuite, ce qui est une pure hypothèse d'école que la coexistence de ces mêmes phénomènes dans n'importe quel pays aurait pu provoquer un phénomène comparable au nazisme sans se demander justement si cette coexistence aurait été possible dans n'importe quel pays qui n'aurait pas possédé les spécificités culturelles de l'Allemagne de l'époque. Il est permis d'en douter
de même cette théorie minimisé à l'excès les conséquences de la personnalité pathologique exceptionnelle d'Hitler, condition sans doute non suffisante mais nécessaire à l'apparition du nazisme.
Tout cela traduit une conception mécaniste de l'histoire, reflétant probablement les présupposés philosophiques de l'auteur, ce qui n'est pas de bonne pratique
Pour autant , le livre n'en est pas moins intéressant; il contient malgré tout certaines analyses pertinentes, et se fonde sur un travail de recherche considérable des résultats desquels on peut toujours espérer tirer quelque chose
C'est pourquoi sa lecture peut être profitable, en gardant bien à l'esprit l'endroit où l'auteur entend mener son lecteur et par quels moyens?