Même si ce tome porte le numéro 1, il s'agit bel et bien de la suite des épisodes écrits par
Mark Waid, c'est-à-dire la suite de Marvel saga HS 2 : Daredevil (épisodes 31 à 36). Ce tome contient les épisodes 1 à 5, ainsi que le numéro 0.1, initialement parus en 2014, écrits par
Mark Waid (le scénariste de la série précédente) et dessinés par
Chris Samnee (le dessinateur principal de la série précédente). Seul l'épisode 0.1 est dessiné et encré par
Peter Krause.
Suite aux événements du tome précédent, Matt Murdock a décidé de changer d'air et de s'installer à San Francisco avec Kirsten McDuffie. Première mission : sauver une enfant kidnappée. Deuxième mission : Daredevil n'a pas à aller la chercher très loin, car Shroud (Maximillian Coolridge) vient frapper à sa fenêtre. Dans un premier temps, Shroud tente de convaincre Daredevil de repartir chez lui (car San Francisco c'est sa ville). Puis Daredevil ayant pris le dessus, il lui propose de l'aider contre le criminel qui a mainmise sur la pègre : Leland Owsley, aussi connu sous le nom d'Owl.
Épisode 5 – Matt Murdock revient sur ce qu'il est advenu à Foggy Nelson depuis le départ de New York. Épisode 0.1 – Daredevil doit faire face à un individu qui peut changer d'apparence. Après quelques échanges musclés, Daredevil se retrouve face au créateur de cet individu.
Dans le tome précédent,
Mark Waid avait fait en sorte de modifier de manière significative le statu quo de Matt Murdock, avec des personnages secondaires attachants (la Légion des Monstres) qui faisaient de la figuration pas très intelligente, le tout accompagné de dessins un peu trop rugueux. le lecteur ouvre donc ce premier tome de la nouvelle avec un peu d'appréhension. le premier épisode est sympathique : il prend le lecteur par la main pour lui rappeler qui est Daredevil, quels sont ses pouvoirs, et qui est Kirsten McDuffie. Il évoque également les difficultés que ce superhéros doit surmonter pour s'adapter dans cette nouvelle ville, en particulier l'absence de gargouilles pour accrocher sa canne-grappin.
Chris Samnee semble avoir disposé de plus de temps pour peaufiner ses dessins. En particulier l'encrage rugueux a laissé la place à un encrage un peu plus doux et plus précis qui donne une apparence plus finie et plus maîtrisée aux images. Il a effectué un travail de recherche de références assez sérieux pour pouvoir représenter des lieux réels de la ville qui dépassent la collection de sites pour carte postale. Les décors sont présents dans un pourcentage élevé de cases. le lecteur retrouve avec plaisir ses dessins censés représenter la vision radar du superhéros, tout en rose et violet, avec des lignes parallèles.
C'est un fait établi que la majeure partie des superhéros Marvel (c'est vrai aussi pour DC) est concentrée sur New York, ou dans ses environs. Il semble donc assez naturel que l'arrivée de Daredevil à San Francisco perturbe les habitudes du principal superhéros de San Francisco : Shroud. Qui ça ? Mais si, il a même fait partie de la branche de la Côte Ouest des Avengers (enfin, de manière officieuse). Non seulement
Mark Waid connaît l'histoire de ce superhéros anecdotique et la respecte, mais en plus il en fait un usage intéressant et intrigant (en particulier Shroud est également aveugle).
En outre,
Waid réussit à redorer le blason de Leland Owsley et lui donner une certaine légitimité en tant que criminel de grande envergure (encore que l'idée de la propriété privée gardée par les chiens constitue un beau cliché). L'épisode consacré au devenir de Franklin Nelson prouve à nouveau que
Waid est excellent dès qu'il s'agit de mettre en scène l'amitié qui le lie à Matt Murdock. le dernier épisode est plus anecdotique et sert surtout à présenter Daredevil à d'éventuels nouveaux lecteurs.
Chris Samnee revient donc en pleine forme pour ces 5 épisodes. le lecteur retrouve l'apparence un peu rétro de ses dessins, avec un usage de l'encrage sans traits fins pour marquer les textures, avec les poses de Daredevil parfois un peu figées, et une canne-grappin à l'apparence assez ancienne (avec angles droits pour la poignée). Il retrouve également une gamme d'expressions du visage assez étendue, allant même jusqu'au franc sourire entre adultes consentants.
Samnee utilise avec parcimonie la vision du sens radar en violet et rose, pour une grande efficacité. Ces quelques cases permettent de venir appuyer et donner à voir les limites des capacités de ce sens, limites rappelées par l'exemple dans le scénario (dire ce que représente une photographie). Samnee est complémentaire de
Waid, et sa narration visuelle est en phase avec chaque séquence de l'histoire. Au travers de cette apparence un peu surannée, le lecteur accepte avec facilité que Matt Murdock ne soit plus dans sa phase dépressive, mais dans un état d'esprit où il apprécie plus la vie.
Quelle que soit la nature de la séquence, Samnee réussit à la rendre vivante et plausible. Les séquences d'action sont très fluides, avec un découpage accompagnant le mouvement. Les séquences de dialogues ne se contentent pas de montrer des têtes en train de parler, elles montrent bien la position relative des individus. Les variations de cadrage des interlocuteurs font apparaître qui a le dessus dans la conversation à chaque moment.
Le lecteur prend toute la mesure des qualités narratives des pages de Samnee au début de l'épisode 3. le scénario de
Waid prévoit qu'un homme de main s'adresse à Leland Owsley, alors que celui-ci est perché dans les branches d'arbre d'un espace vert. A priori, il s'agit d'une position et d'un comportement idiots pour un adulte normalement constitué. Samnee réussit à rendre ce comportement acceptable et même logique pour ce personnage, en le juxtaposant à celui d'un véritable hibou observant une souris passer en contrebas de son perchoir. Les dessins et le découpage de la séquence rendent tout cela parfaitement naturel.
Par comparaison, les dessins de
Peter Krause dans l'épisode 0.1 sont plus fades. Les décors présentent moins de détails et de particularités. Krause essaye de dessiner de manière plus réaliste que Samnee, ce qui fait surtout plus ressortir les invraisemblances.
Pour ce redémarrage de la série Daredevil,
Mark Waid &
Chris Samnee reviennent au meilleur de leur forme narrative et inventive. Ils réussissent imposer leur version du personnage, plus enjoué et plus souriant, grâce à une savante narration au parfum rétro qui embrasse pleinement les aspects les plus infantiles des superhéros, pour mieux mettre en valeur les relations interpersonnelles.