Le titre à lui seul donne envie de le lire.
C'est une extraordinaire et fantasque correspondance de Lady Wortley durant ses tribulations de l'Angleterre à Istanbul pour y suivre son mari nommé ambassadeur.
C'est drôle, enlevé, avec quelques clichés et une pointe de snobisme mais il y a définitivement une touche très personnelle dans ses lettres. Outre le tableau intéressant pour l'époque et qui plus est par une femme, c'est un témoignage intéressant malgré les biais, notamment son regard sur la liberté de la femme en Turquie, mais c'est aussi très drôle.
Les derniers paragraphes ont le goût des regrets du voyage même si elle se fend de remarques assez philosophes sur les esprits tourmentés qui errent autour du globe
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Vienne , 1 Janvier 1717 .
Hier au soir, j'allai voir un spectacle italien à la Cour;quelques scènes m'ont paru jolies, mais en total la pièce était une farce du genre le plus bas, sans esprit, sans véritable gaieté, et j'ai été surprise de voir toute une cour y donner son attention pendant quatre heures entières.
Les femmes ne jouent point dans les pièces italiennes; leurs rôles sont remplis par des hommes habillés en femmes, mais leurs figures sont si rebutantes sous ce déguisement que cela ajoute beaucoup au ridicule du spectacle.
Après avoir vu une partie de l’Asie et de l’Afrique, après avoir fait presque le tour de l’Europe, je me crois moins heureuse qu’un honnête Anglais qui, fixé dans les champs dont il est propriétaire, préfère sa bière de mars aux vins les plus délicieux de la Grèce ; qui trouve dans ses pommes plus de beauté, plus de goût que dans tous les fruits de l’Afrique ; qui regarde une pièce de bœuf comme bien plus succulente que les becfigues de l’Italie ; et qui enfin est très convaincu que hors de la vieille Angleterre il n’est pas possible de jouir parfaitement de la vie. Je prie Dieu de me faire penser ainsi tout le reste de la mienne, et puisqu'il faut nous contenter de la faible portion de lumière qu'il nous a départie, de me faire la grâce d'oublier le beau soleil de Constantinople.
[Douvres, 1718]
Je ne resterai peut-être pas ici assez longtemps pour me former une idée juste des mœurs et du caractère des Français, quoique en vérité je sois convaincue qu'il ne faut pas creuser longtemps ce qui n'a point de profondeur.
[Paris, octobre 1718]