Les cathares chantaient la gloire de la vie et de l'amour du prochain. Qu'on soit croyant, ou pas, on ne peut qu'être sensible à leur quête immortelle. Enéa, la jeune héroïne de ce roman a grandi protégée comme dans une coquille de noix pendant des années, mais le monde se révèle un jour pour elle « comme une terre où la méchante herbe aurait repris ses droits ».
Le « monde » des cathares a séduit le pays d'oc par sa volonté farouche de garder vivante leur foi et leur culture, avec leur mode de vie épuré opposé aux fastes de certains catholiques d'alors. Accusés d'hérésie, déclarés hérétiques au IVe concile de Latran en 1215 (pour des raisons de doctrine jugées incompatibles avec la foi chrétienne dont pourtant ils se revendiquaient) ils seront combattus, pourchassés et vaincus malgré une influence très importante dans le midi de la France. C'est que le pouvoir de l'Église officielle s'en trouvait alors grandement compromis. Ces hommes et femmes ont défié les deux plus grandes puissances d'alors, l'Eglise romaine et le roi de France.
Mais en 1244, la dernière forteresse Montségur est tombée… c'est la débandade. Tout est-il vraiment fini ?
Appréciant ce sujet historique depuis mon plus jeune âge, je suis tombée par hasard sur ce livre pour ados écrit par une auteure à suivre assurément.
Dans ce récit qui se déroule en fin de chasse aux cathares, il y est surtout question de perte de liberté, de terres volées par les plus puissants, mais on y observe avant tout les dégâts générés par une religion unique. Sujet intemporel qui m'émeut où qu'on se situe dans le temps ou géographiquement.
Le récit d'Enea la cathare s'appuie sur une trame solide et s'adresse autant aux adultes qu'aux adolescentes grâce à une langue soutenue, poétique parfois, qui retranscrit parfaitement l'ambiance en campagne comme en cité, en refuge comme en forteresse. On s'y croit, je me suis régalée.
Avancer dans l'ombre, en rusant, en cachant sa foi, en jouant double jeu, tel était réduit le quotidien des derniers cathares pourchassés avec une violence inouïe : « le monde ressemblait tout d'un coup à un vêtement qu'on retourne. On lui avait appris l'endroit tout en lui enseignant l'envers, et voilà que la doublure qu'il fallait tenir cachée aux yeux du monde prenait d'un coup toute la place. Pourquoi cette vie à deux faces ? ».
C'est là l'autre bonne surprise de ce roman qui m'a conquise, comment un texte délicat à souhait peut mettre en lumière ces vies difficiles faites de mensonge pour ne pas renier leur foi, le tout dans une région gangrenée par l'intolérance et la délation.
“Le plus intolérable serait un Dieu tel qu'on le souhaite.” de Oscar Wilde.
On y revient toujours…
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