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Denise Laroutis (Traducteur)
EAN : 9782267052411
380 pages
Christian Bourgois Editeur (19/01/2023)
4.38/5   17 notes
Résumé :
Lorsque Gonzalo retrouve par hasard son grand amour de jeunesse dans une boîte de nuit de Santiago, il s’aperçoit que leur attirance réciproque est demeurée intacte ; mais beaucoup de choses ont changé – entre autres, le fait que Carla est désormais la mère d’un garçon de six ans, Vicente.
Dix ans plus tard, ce dernier a hérité de son beau-père la passion de la poésie. Et il fait, lui aussi, une rencontre décisive en croisant le chemin de Pru, une journalist... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
« Poète Chilien » de l'écrivain chilien Alejandro Zambra, traduit par Denise Laroustis (2023, Christian Bourgois Editeur, 380 p.) de l'original « Poeta Chileno » (2020) est une façon toujours agréable d'aborder la vie littéraire intense de ce pays fascinant.
Né à Santiago de Chile, et études universitaires en littérature hispanique, il part compléter une maitrise en philologie à Madrid. Il est docteur en littérature de la « Pontificia Universidad Católica de Chile », que l'on appelle plus fréquemment « la Catolica ». C'est l'une des six universités catholiques du Chili. C'est en plein centre de la ville, à deux pas de la « Plaza de Armas » et du « Mercado Central » où se trouve l'inévitable « Donde Augusto » et ses fruits de mer.
Un premier roman « La Vie privée des arbres », traduit par Denise Laroutis (2009, Éditions Payot & Rivages, 128 p.), puis « Bonsai » traduit par Denise Laroutis (2011, Éditions Payot & Rivages, 96 p.), et enfin « Personnages Secondaires » également traduit par Denise Laroutis (2012, Éditions de l'Olivier, 166 p.).
Entre temps, des critiques littéraires « No Leer » (2018, Editorial Anagrama, 320 p.) non traduites, sauf en anglais « Not to Read » (2018, Fitzcarraldo Editions, 240 p.). Il y expose sa propre théorie de la lecture et propose une sorte d'autoportrait ou d'autobiographie floue. On retrouve Natalia Ginzburg et Paul Léautaud, des machines à écrire et des ordinateurs. Un essai intéressant sur « comment se taire en allemand ». Zambra préfère parler de Nicanor Parra que de Pablo Neruda, de Mario Levrero que de Gabriel García Márquez. C'est l'un des écrivains chiliens les plus attachants de notre époque.
« C'est un miracle que nous ayons survécu à ces professeurs, qui ont tout fait pour nous montrer que lire était la chose la plus ennuyeuse du monde ». C'est quelqu'un qui parle d'un livre ou d'un auteur qui l'intéresse, comment il lit et pourquoi il écrit. Et il en rajoute une couche. « Mais l'écriture et la lecture sont des expériences totalement différentes. le plaisir de passer l'après-midi à lire était, pour moi, bien avant le désir d'écrire. Et il continue d'être plus complet, plus stable ».

Avec « Poète Chilien », on se replonge dans le Chili d'après Pinochet, dans les années 90. « C'était le temps des mères méfiantes, des pères taciturnes, et des solides grands frères, mais c'était aussi le temps des couvertures, des plaids et des ponchos », prévient l‘incipit.
Dans la première partie du livre, Gonzalo Rojas, adolescent d'une quinzaine d'années, de Santiago est amoureux de la belle Carla. Il est, comme Zambra, originaire de Maipu, dans la banlieue de Santiago. Il souhaite devenir poète dans un pays qui en compte déjà un certain nombre, et de grande valeur. Ils se rencontrent dans un bar gay, drôle d'endroit pour une rencontre. Et c'est là qu'elle tombe enceinte.
Bien plus tard, Gonzalo retrouve par hasard son grand amour de jeunesse dans une boîte de nuit de Santiago. Leur attirance réciproque est demeurée intacte ; mais beaucoup de choses ont changé autour d'eux. Vicente, le garçon de Carla, a maintenant 6 ans. Il a hérité de son beau-père la passion de la poésie. « Au Chili, nous avons des supers paysages et du bon vin, mais, pour moi, personnellement, le meilleur, c'est la poésie, dit Pato. C'est le seul truc vraiment bon. C'est le seul truc pour lequel on a gagné le mondial. Deux fois le mondial, deux fois le championnat du monde. On est deux fois champion du monde de poésie, c'est le seul truc pour lequel on a la preuve qu'on est bon ».
Gonzalo écrit en secret. Comme les autres chiliens de l'époque, il est romantique, passionné de poésie, et lit à l'infini les désespoirs des autres poètes chiliens. Il se plonge dans les surréalistes, avec beaucoup de mélancolie. « Et il pensa qu'il était à seize ans la même personne qu'elle était à seize ans. Il continuait à écrire tous les jours, avec une passion disciplinée, mais il n'aimait rien de ce qu'il écrivait, ce qui aurait été la réponse courte ». Mais le courant ne passe plus entre Clara et Gonzalo.
Après une formation universitaire, Gonzalo retourne au Chili. Il n'a pas gardé le contact avec Vicente. C'est alors un jeune homme de 18 ans, qui ne veut pas suivre des études universitaires mais devenir poète. Gonzalo et Vicente vont se croiser dans une librairie à Santiago et renouer une relation comme s'il n'y avait pas eu de rupture. « Vicente a lu quelques autres poèmes de Jorge Teillier, que Carla appréciait également, même si elle était distraite par l'idée que la poésie était comme une maladie que son fils avait contractée, une maladie liée à la petite chambre, une maladie qu'elle préférait bien sûr à la sienne. Une maladie de tristesse antérieure, mais qui en tout cas l'inquiétait ».
De même Gonzalo revoit fortuitement Carla à Santiago. Vicente rencontre Pru, une journaliste américaine perdue dans Santiago. Il l'encourage à effectuer un vaste reportage sur les poètes chiliens. Et il y en a en nombre dans le pays. Ce n'est pas les noms qui manquent, entre Pablo Neruda, Luis Sépulvéda, Francisco Coloane ou encore, Isabel Allende. Sauf, que dans la société chilienne actuelle, ils luttent plus pour survivre que pour produire et se faire entendre. C'est que la société et le régime ont changé. « C'était le temps des mères méfiantes, des pères taciturnes, et des solides grands frères, mais c'était aussi le temps des couvertures, des plaids et des ponchos ».
La relation père-fils va s'envenimer en une relation père_poète – fils_poète sur laquelle se greffe un conflit de générations.
Pour Gonzalo le père, la poésie est essentiellement une pratique solitaire, à prédominance masculine, romancée, apolitique et individualiste. C'est en quelque sorte la caractéristique d'une personne qui a grandi dans une époque autoritaire. de même, ses relations avec Carla sont à sens unique, en particulier, dans la gestion de leur famille. A l'opposé, pour Vicente, la poésie est plus complexe, enracinée dans la passion, la dissidence et la discussion. C'est quelque chose qui englobe des voix diverses, le tout face à une « génération d'enfants médicamentés ».
« Je suis plus jeune que mon père / Je suis plus âgé que mon fils / Et sur ma poitrine une chemise / est lavée sous la pluie ».
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Les romans du Chilien Alejandro Zambra ont tous une tonalité singulière où affleurent désenchantement, ironie et mélancolie, pas nécessairement dans cet ordre, et où s'intègrent aussi moments de tendresse, d'humour et d'absurde. Souvent, également, l'auteur vient mettre son grain de sel auprès de ses personnages et les laisse finalement libres de s'évader du carcan de ses pages et de mener leur vie comme bon leur semble. On retrouve dans Poète chilien les caractéristiques habituelles d'un auteur qui nous attache d'abord aux pas de Gonzalo, adolescent de Santiago amoureux de la belle Carla et qui la retrouve plusieurs années plus tard, après une première séparation, mère d'un garçon prénommé Vicente. Apprenti poète, Gonzalo va pourtant prendre une décision qui va l'éloigner de sa dulcinée et de celui qui est devenu plus qu'un beau-fils. Cette première partie du roman est exquise, souvent drôle et touchante. La suivante l'est un peu moins, avec un nouveau personnage, une journaliste américaine qui rencontre nombre de poètes chiliens pour un futur article. Certains passages sont pittoresques mais Gonzalo a provisoirement disparu et l'on a hâte qu'il soit confronté à Vicente, devenu adulte et ... poète à ses heures. le dernier tiers du livre renoue le fil narratif central avec bonheur, tout en douceur, avec cette idée de la transmission dans l'amour de la littérature. Vibrant hommage, parfois gentiment railleur, à la galaxie hétéroclite des poètes chiliens (une sorte de hobby national que cette passion rimée), le roman d'Alejandro Zambra, plus étoffé que ses oeuvres antérieures, ne décevra pas ses admirateurs et pourrait bien en séduire de nouveaux, de par l'élégance de son style et son apparente mais trompeuse nonchalance.
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« C'était le temps des mères méfiantes, des pères taciturnes, et des solides grands frères, mais c'était aussi le temps des couvertures, des plaids et des ponchos ».
Quel incipit !
Le Chili et ses hôtes, bien au-delà, le portrait extraordinaire de Gonzalo, dont ne lâche pas le regard un seul instant.
Ce récit lumineux est une jachère fleurie qui frémit sous le vent. On s'attache d'emblée à la formidable histoire menée d'une main de maître par Alejandro Zambra. Initiatique, d'apprentissage, rebelle et douce, sentimentale, dans cette orée où s'élèvent les habitus, l'idiosyncrasie chilienne et les protagonistes qui déambulent sur les voies de traverse. Parfois à l'aveugle, ou déterminés et immensément libres.
Gonzalo revoit fortuitement à Santiago, Carla. La jeune femme aimée sur la passerelle des expériences entre l'adolescence et l'âge adulte. Rien n'a changé. Il ressent pour elle l'expression-même de l'écriture d'Alejandro Zambra. C'est à dire l'inoubliable et l'inconditionnel. Gonzalo est attachant, beau et sensible. Il est romantique, passionné de poésie, et lit à l'infini les langueurs et les désespoirs des poètes chiliens. Les résistances et les souffles d'un Chili opprimé, il n'y a pas si longtemps encore. Il écrit en secret, dans cette mélancolie exutoire. Gonzalo est une belle personne. « Et il pensa qu'il était à seize ans la même personne qu'elle était à seize ans. Il continuait à écrire tous les jours, avec une passion disciplinée, mais il n'aimait rien de ce qu'il écrivait, ce qui aurait été la réponse courte ». Gonzalo lance des galets dans la rivière. Résurgence, les souvenirs comme des étoiles. « Chez toi, il y avait toujours de la confiture de mûres ou de cheveux d'ange dit-il ».
Comment renouer le passé et le présent ? « Un échange de détails de ces années-là ».
Carla et Gonzalo vont s'apprivoiser. Subrepticement, dans cette magnificence d'une pudeur fébrile qui retient tout, encore un peu, pour ne pas briser ce qui advient : le lien.
« Au cours des semaines suivantes, à force de promenades au parc et de glaces à la pistache commença à s'écrire le brouillon d'une famille, mais aucun des deux n'avaient conscience que le brouillon pourrait devenir un livre ».
On aime ce temps où rayonne la quiétude des choses simples. L'affection qui gravite jusqu'au coeur de Vicente. Lui, le padrastro et l'enfant hijastro. le charme d'une trame surdouée, formidable. La littérature plus forte que la vie. Gonzalo se rêve romancier, écrit un peu mais maladroitement, avec le doute qui ravage tout.
Plume passerelle, retranscrire l'aura des poètes chiliens, tous. Gonzalo est intègre et loyal et lucide. Entre son rôle et l'enjeu d'être un padrastro aimant, investi, il trouve sa place dans cet antre où Carla est source d'inspiration. Écrire le quotidien, paraboles chiliennes. Les entrelaces qui sont fonte de glace et bruit de roche. Et puis, il y a le style qui dévore ce livre, « jamais je ne vous abandonnerai, dit-il cependant, et il connut le vertige des paroles définitives ». « Si tu ne connais pas le nom des arbres, invente-les ».
Dix ans se sont écoulés. Gonzalo retrouve Vicente, passionné de poésie lui aussi et plus encore. La transmission annoncée, spéculative et révélatrice.
Ne rien dire de plus. Juste laissez venir à vous ce chef-d'oeuvre grandiose et éloquent. le génie !
Traduit à la perfection de l'espagnol (Chili) par Denise Laroutis. Publié par les majeures Éditions Christian Bourgeois.
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J'ai beaucoup aimé le ton de ce roman (très bien présenté dans la 4e de couverture) qui fait découvrir un Chili contemporain avec une histoire d'apprentissages autour du couple, de la paternité, et du "être poète" (apparemment au Chili c'est un statut convoité, sans pour autant être une activité lucrative - faut pas rêver). Un ton drôle, parfois cru (sexe) mais pas de manière injustifiée, touchant par sa finesse d'observation de l'âme humaine et ses contradictions émotionnelles, avec des références littéraires (surtout regroupées sur quelques pages à la fin) à découvrir ou redécouvrir et un auteur qui signale sa présence de temps en temps, à bon escient. Une très belle découverte grâce à la Masse critique.
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Tout d'abord un grand merci aux @ Editions Christian Bourgois et la Masse Critique @Babelio pour m'avoir permis de découvrir ce livre, à la présentation soignée (papier et qualité de l'impression) et sans aucune coquille, c'est tellement rare !
Lorsque l'on parle d'auteurs chiliens, Pablo Neruda, Isabel Allende, Luis Sépulvéda ou Francisco Coloane, sont les premiers noms qui viennent à l'esprit pour le lecteur lambda, amateur d'écrivains latino-américains dont je fais partie ! Alejandro Zambra sera désormais, pour moi, un auteur de référence ! il a écrit cinq livres, je compte bien lire les autres !
Le récit, se situe dans le Chili d'après Pinochet, il s'agit d'une partie de la vie de Gonzalo, qui se voudrait poète et qui partage sa passion à travers les cours qu'il dispense à l'Université ! les hasards de la vie font que le garçon dont il a été, pendant un temps, le « padrastro » a lui aussi la fibre poétique comme le confirme leurs retrouvailles dix ans plus tard.
Le style est fluide, agréable, empreint de tendresse, d'humour, de sensualité, mais parfois cru à la limite de la vulgarité, sans tabous, et, étrangement, ce n'est pas rébarbatif, c'est un tout…
Au détour de ce livre, j'ai découvert, un nombre incalculable de poètes chiliens (qui écrivent principalement de la poésie moderne) ! et j'ai eu la surprise de constater que ces personnes ne sortaient pas de l'imagination de l'auteur… ils existent ou ont existé ! J'ai adoré ce livre, une parenthèse rafraîchissante, dépaysement garanti ! de belles rencontres avec des personnages atypiques…
La quatrième de couverture résume parfaitement ce livre.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
[...] il l'avait suppliée de lui donner au moins les six premiers chiffres, ce qu'elle avait trouvé si marrant qu'elle avait fini par lui donner les cinq premiers.
Le lendemain, Gonzalo se posta devant le téléphone jaune au coin de la rue, la poche pleine de pièces de 100 pesos, et procéda par ordre ascendant (du 00 au 04), tout de suite après il décida de changer pour l'ordre descendant (de 99 à 97), puis se laissa porter par ses impulsions (0ç, 67, 75) et s'embrouilla tant et si bien qu'il lui fallut noter les numéros sur le bloc où il ébauchait ses poèmes. L'opération commençait à prendre des allures éternelles, sans compter le gaspillage - le téléphone du coin était devenu une sorte de machine à sous et Gonzalo un ludopathe déchaîné, et un voleur, en plus, car son argent de poche du mois et la monnaie du pain n'y suffisant pas, il devait visiter chaque jour le portefeuille de ses parents. [...]
Alors que pointait la certitude que son entreprise était condamnée à l'échec, Gonzalo tomba juste avec le 59. Lors du premier appel, Carla se montra plutôt réticente, elle avait du mal à comprendre une si grande persévérance, mais ils se parlaient tous les soirs quelques minutes, presque toujours le temps que duraient 200 ou 300 pesos [...]
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- Au Chili, nous avons des supers paysages et du bon vin, mais, pour moi, personnellement, le meilleur, c'est la poésie, dit Pato. C'est le seul truc vraiment bon. C'est le seul truc pour lequel on a gagné le mondial. Deux fois le mondial, deux fois le championnat du monde. On est deux fois champion du monde de poésie, c'est le seul truc pour lequel on a la preuve qu'on est bon.
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