Au-delà des décombres

Quelle claque ! Toujours terriblement ancré dans le réel, Zerocalcare nous propose une plongée dans ses démons intérieurs sur fond de crise de sa mère patrie l'Italie.
Cette auto-fiction lui permet de s'analyser de façon intime grâce à la personnification des sentiments et des émotions qui l'habitent dans des séquences angoissantes. Paradoxalement, ces séquences expriment des peurs qui sont celles de Zero et celles d'une génération ; l'intime devient universel. L'auteur s'emploie à dépeindre les problématiques des millenials trentenaires, cette tranche d'âge en crise, avec en toile de fond un pays qui va mal. le côté onirique des créatures mentales de Zero ne peuvent contrer le réalisme percutant du récit qui vient tout droit de ses tripes et dont l'impact n'en est que plus fort.
Étant presque trentenaire, je me suis retrouvée dans les questionnements et les inquiétudes des proches de l'auteur. Mais ce que j'ai préféré, c'est découvrir l'autre côté du miroir. Il est plutôt rare qu'un auteur se dévoile de manière aussi frontale et honnête, d'autant plus sur un thème sensible comme le succès et la popularité. Ici, à la rançon de la gloire s'ajoutent l'impact du succès sur un artiste non préparé, modeste, et sur son cercle d'amis tout aussi pauvres.
Seules quelques références bien fichues à la pop culture (mon petit coeur a apprécié le passage sur Barad-Dûr) allègent l'humeur de temps en temps.

Il est aujourd'hui l'auteur italien le plus populaire de bande dessinée. Il faut dire que un certain Kobane Calling a été un véritable succès en 2014. Depuis, ce sont les affres de la célébrité qui assaillent littéralement l'auteur. On le plaindrait presque pour cette situation malheureuse.

Il avait besoin de réaliser cette bd pour laver son sentiment de culpabilité vis à vis de ses amis qu'il a délaissé au profit de son travail d'auteur militant pour toutes les causes perdues. du coup, il dresse un portrait de lui sans concession avec une grosse part d'autodérision. On aura droit également à la crise de la trentaine.

Honnêtement, les doutes de cet auteur m'ont laissé dans l'indifférence car il y a d'autres combats certainement plus méritant. Et puis, l'ambiance un peu punk ne suscite guère mon intérêt. Que dire également de l'abondance de dialogues ? Cela étouffe toute l'oeuvre aussi sympathique soit-elle sur le fond et la forme.

Zerocalcare a 33 ans. Il peut finalement vivre de ses dessins, a son propre appartement... mais ce n'est pas le cas de tous ses amis de jeunesse. A l'occasion du mariage de l'un d'eux, la bande se retrouve et ouvre une réflexion sur ce qu'ils sont tous devenus.
Macerie prime aborde les désillusions de toute une partie de cette génération, qui rêvait d'avoir un travail motivant et une famille, mais qui en est bien loin. Katja et Deprecabile ne vivent toujours pas ensemble, Sarah n'est toujours pas prof, Secco... Secco a décroché un poste d'enseignant, lui, on ne sait pas trop comment puisqu'il n'a jamais étudié. le héros, quant à lui, se sent irrémédiablement seul.
Voilà un volume terrible sur la situation de ceux qui devraient être de jeunes actifs, heureusement avec un sens de l'humour toujours très présent.

Zerocalcare nous offre encore une fois une bande dessinée très personnelle ici, sur fond d'auto-fiction. Il nous présente ses amis sans gant et dépeint un portrait sans concession d'une génération face à des problématiques existentielles et financières dans une société en crise, qui juge quoi que l'on fasse.

« Il a 40 ans et sa vie est strictement organisée. Presque militairement. Chaque journée se divise selon la loi sacrée du 3×8.. 8 heures de travail. 8 heures de THC. 8 heures de sommeil. »

« Ha 40 anni e la sua vita è rigidamente organizzata. In modo quasi militare. Ogni giornata si divide secondo la sacra legge del 3×8. 8 ore di lavoro. 8 ore di THC. 8 ore di sonno. »

IMAGE cf. BLOG

« Je vais me marier ici, devant tout le monde. Pour que vous sachiez tous que je suis devenu un vrai adulte avant vous. Straight in your face! Les invités déjà mariés peuvent s'asseoir à table avec nous et prendre part à nos conversations d'adultes. »

« Mi sposo qua, davanti a tutti. Cosicché tutti sappiate che sono diventato un adulto vero prima di voi. Straight in your face ! Gli invitati già sposati possono sedersi al tavolo con noi, dove intratterremo discussioni da grandi. «
P.19 (le Sanglier)

IMAGES cf. blog

Comment l'Arnaque les a tous fait évoluer autrefois, les ayant pris sous son aile, étant un peu le grand frère de la bande par son âge et aussi son expérience de la vie. Des échanges conversationnels humoristiques mais surtout sensés sur la dignité humaine et le respect de la femme, condamnant le machisme et l'homophobie et incitant à raisonner au lieu d'insulter bêtement. Zero en prenant le biais de son ami pousse à la réflexion tous ceux qui utilisent les mots qui rabaissent les femmes pour les insulter et à réfléchir davantage sur les situations de celles, qui sont obligées effectivement de se prostituer. L'empathie plutôt que le mépris.

IMAGES, PHOTOS...

Zero raconte les revers du succès, l'impossibilité de rester anonyme, serein et de maîtriser sa vie. Ses démons prennent forme sous nos yeux. Personnifiés par des créatures aussi fantasques qu'oniriques. Zero échange avec un tatou imaginaire, stresse quand il ne le voit pas. Sa tête et son appartement sont parasités de démons et de monstres aussi effrayants qu'évocateurs (l'Arnath, le Rageusibuth, le Sangsillum, etc.).

PHOTOS cf. BLOG

Submergé par les demandes et les sollicitations , il a du mal à gérer sa notoriété et se sent redevable. Lui a réussi alors que ses proches galèrent toujours. Certains hôtes aux formes diverses l'accablent tandis que d'autres tentent de le débarrasser de sa culpabilité. Zero nous raconte son quotidien, la rançon de la gloire, ses pensées intimes, comment ses amis le parasitent, avec beaucoup d'humour. Et il dépeint sa génération, trentenaires nés dans les années 80, dans la société italienne, sur fond de crise sociale. le lecteur né dans les années 80 retrouvera plusieurs références communes à nos deux pays avec plaisir.


« Au-delà des décombres » détaille aussi chaque émotion, chaque sentiment, chaque peur de l'auteur et en parallèle parle de celles d'une génération, qui va mal et ne trouve pas de sens à sa vie.

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Son ami qui se marie angoisse à l'idée de devenir père. L'anxiété face à l'irréversible qui revient souvent dans le livre sous la forme de l'Arnath notamment, le démon du sentiment de l'irréversible. Zero parle du poids de la famille et des proches sur les trentenaires, qui ne sont pas encore mariés, qui n'ont encore rien construit.

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Les attentes qu'ils déçoivent année après année socialement ou professionnellement. Des valeurs traditionnelles, auxquelles lui et ses amis ne répondent pas et qui sont souvent source [.... SUITE sur https://blogapostrophe.wordpress.com/2021/11/03/au-dela-des-decombres-de-zerocalcare/]

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