Deuxième biographie de
Stefan Zweig que je lis après l'enthousiasmante
Marie-Antoinette, fouché qui m'a tenu en haleine, se lit comme un page-turner.
Joseph Fouché, un peu moins connu, tout du moins à mes yeux, que les grandes figures de la Révolution, comme Danton,
Robespierre ou Desmoulins, est sans conteste, de par sa carrière politique et sa personnalité, un personnage extraordinaire qui présentait toutes les caractéristiques pour attirer l'attention de
Stefan Zweig.
Issu d'un milieu commerçant nantais assez modeste, professeur de mathématiques chez les Oratoriens, il devient rapidement député à la Convention lorsque la Révolution éclate. D'abord Girondin, il bascule chez les Montagnards après avoir voté la mort de Louis XVI. Il est envoyé à Lyon pour anéantir la ville où il est responsable de la mort de plus de 1500 personnes et où il gagne le surnom de "mitrailleur de Lyon".
Après avoir joué un rôle de premier plan dans la chute et l'exécution de
Robespierre, il disparait des radars mais revient très vite et enchaîne les postes de ministre de la Police, sous le Consulat, le Directoire, le premier Empire, et le règne de Louis XVIII. Il connait des périodes de disgrâce mais rebondit toujours, jusqu'à son exil en Autriche pour régicide et sa mort à Trieste.
Le curriculum-vitae est brillant sur le papier, mais ce qui le rend exceptionnel sous la plume de
Stefan Zweig, c'est l'analyse du fonctionnement et des traits de caractère de ce personnage.
fouché est un animal au sang froid. Après dix années dans les rangs de l'Eglise, sans prononcer les voeux, il ne se dévoile pas, n'exprime pas ses émotions et ne se donne jamais à personne et à aucune force politique. Il suit le mouvement et, sans valeurs ni principes, a l'art consommé de choisir au dernier moment le parti du plus fort et de "retourner sa veste".
Adepte de Machiavel, fouché est le prototype de l'opportuniste et du traître. Il n'a ni foi, ni loi et, grâce à son travail acharné, son génie politique et ses manipulations, rebondit systématiquement, en suivant le sillage des puissants. Il sait repérer et sentir les hommes de talent, les accompagne et se met à leur service, mais, pour sauver sa peau, au moment opportun, leur porte un coup fatal.
Il a à son actif, la mort de Louis XVI, celle de
Robespierre, la chute de Napoléon, dont il aura été le très proche ministre de la Police. Son ralliement à la Royauté sous le règne de Louis XVIII, après avoir été un des plus fervents révolutionnaires, lui sera fatal.
Stefan Zweig, par son érudition, ses connaissances historiques et socio-politiques, sa rigueur de biographe, sa finesse psychologique, son écriture moderne, nous offre le magnifique portrait d'un homme qui n'aime que le pouvoir et l'argent, et dont le profil est celui d'un joueur grisé par l'instant décisif de la victoire ou de l'échec.
Remerciant
Freud d'avoir permis à des auteurs comme
Proust ou Joyce d'avoir écrit leurs livres,
Stefan Zweig lui dit que la psychologie est la grande affaire de sa vie. C'est ce qui fait la beauté et la puissance de ses biographies.