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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Quelle jouissive biographie que celle écrite par Stefan Zweig sur « celui qui fut le plus remarquable de tous les hommes politiques », Joseph Fouché, transfuge caméléon à l'habileté légendaire et d'une duplicité à nulle autre pareille. Élevé chez les Oratoriens de Nantes où il recevra les ordres mineurs, fouché n'en deviendra pas moins athée, allant même dans ses plus violentes démonstrations de pouvoir jusqu'à piller des églises et poser la mitre d'évêque sur la tête d'un âne. Ni dieu ni maître, du moins aucun maître définitif… Voici l'homme qui a mené Louis XVI et Robespierre à la guillotine, qui a versé des Girondins aux Jacobins durant la Convention, faisant lui aussi régner la Terreur et gagnant le surnom de « mitrailleur de Lyon », l'homme qui a oeuvré pour la République, le Directoire, le Consulat puis l'Empire, jusqu'à remettre sur le trône Louis XVIII, frère du précédent monarque décapité. Les hommes les plus puissants ont craint ce ministre de la Police élevé au rang de duc d'Otrante par Napoléon en personne. Même lui, l'Aigle, le Grand Général devenu Empereur, qui a fait trembler l'Europe en écrasant des nations sous son talon, craignait ce maître-espion qu'était fouché, l'homme d'aucune conviction, d'aucune doctrine si ce n'est celle du jeu politique.

Stefan Zweig nous promène avec brio durant ce quart de siècle où fouché fit la pluie et le beau temps dans les sphères du pouvoir en France, ourdissant ses plans dans l'ombre et tissant la toile de ses influences à la manière d'une arachnide impitoyable. Il ne serait pas surprenant que George R. R. Martin se soit inspiré de fouché pour imaginer certains personnages de sa saga à succès « Game of Thrones », car à n'en point douter, fouché est un merveilleux hybride entre Petyr Baelish et Lord Varys. Et quelle ironie de voir dans le jeu de certaines de nos figures politiques contemporaines une parodie de l'art consommé de la duperie et de la trahison où fouché excellait. Comme toujours, la fine analyse psychologique que nous offre Zweig dans ses biographies est servie par un style élégant et parfois facétieux, habilement traduit par Alzir Hella dont le travail fait référence.
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Après Marie-Antoinette, Marie Stuart et Magellan, Stefan Zweig m'a raconté fouché.
Quel destin pour cet homme sulfureux, ambivalent, traite et cynique.
Près de 300 pages denses ; une biographie qui s'attarde sur la psychologie d'un homme qui trace son chemin sans ciller et qui aura le dessus sur Robespierre et Bonaparte.
L'opportunisme comme mode de vie.
L'écriture flamboyante, le ton ironique, le style pince-sans-rire et la richesse des faits historiques rendent cette lecture passionnante.
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Je connaissais Stefan Zweig pour ses romans et ses nouvelles ; j'ai découvert très tard qu'il avait également écrit une série de biographies historiques, dont celle-ci, consacrée à l'un des personnages les plus étranges de la Révolution française et de l'époque napoléonienne : Joseph Fouché.

Si vous ne vous êtes jamais réellement penché·e sur cette période, il se peut que le nom de fouché ne vous dise rien, éclipsé par les frasques plus célèbres d'un Robespierre ou d'un Napoléon. Ce personnage plus obscur a toutefois réussi l'exploit de participer à tous les régimes politiques depuis la Révolution jusqu'à la Restauration en passant par l'Empire. Après avoir massacré des centaines d'insurgés à Lyon, il parvient à se brouiller avec Robespierre pendant la Terreur sans y laisser sa tête ; invente la police (rien que ça) et parachève la chute de Napoléon, pour finir par mourir exilé et oublié de tout le monde. Autant dire que son parcours politique a été pour le moins mouvementé et imprévisible. Côté intrigues et manipulations, il n'y a guère que Talleyrand, sa némésis, pour lui tenir le haut du pavé (l'excellente pièce le Souper, de Jean-Claude Brisville, imagine d'ailleurs leur concertation/confrontation post-Waterloo, dans un jeu politique de haute volée).

Zweig s'attache tout particulièrement à dresser un portrait psychologique de fouché, à discerner la logique et ses évolutions derrière ses innombrables revirements : là-dessus, c'est très réussi. On sent d'ailleurs toute la passion de Zweig pour l'analyse psychologique. Quant à savoir si cette biographie nous présente le "vrai" fouché ou l'interprétation de Zweig, le débat reste ouvert. Là où ça aurait pu être un peu plus creusé, c'est en ce qui concerne l'apparition des mécanismes politiques qui ont plus ou moins perduré par la suite (notamment le déplacement de l'arène politique de la scène aux coulisses et les fondements de la police moderne). Toutefois, c'est peut-être un peu trop demander à une biographie historique qui n'en reste pas moins remarquable. Je n'exclus pas d'en lire d'autres de Zweig un jour.
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Stéphane Zweig a autant de facilités à écrire des romans qu'à nous emmener sur les traces de personnages historiques ayant existés. Il nous révèle la vie incroyable de ce personnage simple et fort discret, manipulateur de génie et adroit collaborateur. le style fluide et enlevé ajoute au plaisir de la lecture.
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fouché
Stefan Zweig (1881-1942)
Il demeure vrai encore aujourd'hui que Joseph Fouché a trouvé peu d'amour auprès de ses contemporains et encore moins de justice auprès de la postérité. Toutefois d'un caractère égal et à toute épreuve, il ne se souciait guère de l'amour et de la justice et encore moins de la fidélité. Il a réussi à se glisser dans tous les partis tout au long de sa longue carrière politique, de la République au Directoire, du Consulat à l'Empire et la Monarchie. Plutôt que de les servir, il s'en est beaucoup servi. Travailleur de l'ombre acharné, très fin psychologue, pouvant être cruel, contrôlant le moindre de ses nerfs, dissimulateur maniant le reniement aisément tout comme la trahison, ce demi prêtre passa sans problème des Oratoriens à la Révolution et de la Révolution au pillage d'églises. Conventionnel modéré, il vota la mort du Roi le lendemain même du jour où il s'était prononcé pour sa grâce. Il alla même jusqu'à cambrioler l'ambassade de Saxe que le Directoire lui avait confiée à Dresde.
Sous Bonaparte, il est ministre de la Police et agit à son aise. Sachant parfaitement mêler ses affaires à celle de l'État, il devient un grand propriétaire foncier.
fouché n'ignore pas que la politique est très rarement le domaine du bien, mais plutôt celui de la trahison et du crime orchestré. Machiavel est son guide et il n'est point besoin de morale pour agir. Il faut bien voir que fouché fut un des hommes les plus puissants de son époque et l'un des plus remarquables de tous les temps. Et pourtant et peut-être à cause de cela, il fut considéré comme un traitre né, un intrigant, un transfuge professionnel et un pitoyable immoraliste. Seul Balzac a vu de la grandeur et de la puissance dans cette figure hors norme dont il évoque la personnalité dans « Une ténébreuse affaire ». Devenu plus tard duc d'Otrante, il continua d'agir en disciple parfait de Machiavel.

Né en 1759 à Nantes, il montre rapidement un zèle constant dans les études. Devenu très tôt professeur de mathématiques et de physique, il porte l'habit ecclésiastique et la tonsure. Malgré tout il conserve sa liberté vis à vis de l'Église comme il le fera ultérieurement pour la Révolution, le Directoire, le Consulat, l'Empire et la Royauté. Il mène une existence claustrale dénuée de tout désir et s'inflige une discipline de fer quasi spartiate en tout. Il n'a aucun goût pour le luxe et l'ostentation et cache sa vie privée. Il adhère à la technique du silence diplomatique et manie avec brio le grand art de la dissimulation. Il sait rester maître de ses émotions et possède une technique infaillible d'observation pour connaître les âmes. Il ne montre jamais un signe de colère, d'irritation, d'émotion ou de dépit. Rappelons que de la même école de l'Église sont sortis Talleyrand et Sieyès.
Il adhère à une société très singulière appelée les Rosati, où il rencontre Lazare Carnot et Maximilien de Robespierre. Avec ce dernier, de grands amis ils deviendront les pires ennemis. fouché sentant venir le changement et prévoyant une tempête sociale se tourne vers la politique. Il fonde un club à Nantes : « Les amis de la Constitution ». Il épouse la fille d'un riche marchand et en 1792 est élu député à la Convention. Il se joint aux plus forts, les Girondins, à côté de Condorcet. Face à lui, la Montagne, les extrémistes avec Robespierre qui de ce moment devient son ennemi. Il a alors 33 ans et sa puissance inouïe de travail étonne d'autant plus qu'il a toujours l'air fatigué et malade. D'un sang-froid inébranlable et d'une impassibilité de pierre, il tiendra tête à Robespierre et plus tard à Napoléon. Roi de l'intrigue et de la prudence, il sait rester dans l'ombre pour agir. Ambitieux, il déteste la gloriole.
« Une révolution, il le sait dans son expérience précoce, n'appartient jamais au premier qui la déclenche, mais toujours au dernier qui la termine, et qui la tire à lui, comme un butin. »
Joseph Fouché sait se contenter de regarder se déchirer les grands passionnés tels que Desmoulins, Danton, Marat et Robespierre.
le 15 janvier 1793, avec les Girondins, il vote la grâce du roi. Mais le 16 au matin, sous la pression de l'émeute populaire suscitée par les extrémistes menés par Robespierre, le chef des Girondins, Vergniaud, annonce à la tribune d'une voix éteinte ; « La mort ». Pour être de la majorité des députés qui vote la mort, fouché se renie et fait comme Vergniaud. Être du côté du vainqueur est une obsession chez lui. fouché ne marche pas selon une idée, mais avec son temps, avec cynisme, impudence et effronterie. Il change de couleur tel un caméléon et vire au rouge, extrémiste révolutionnaire le plus à gauche.
Face à la guerre des chefs entre Danton et Robespierre, Hébert et Desmoulins, il quitte l'arène politique de la Convention. Il laisse la bataille se dérouler sans lui et ne prend pas parti. Il attend de voir qui sera vainqueur. Il est missionné en province par la Convention pour accélérer le rythme de la Révolution et maintenir l'ordre. Zélé à l'extrême, fouché se conduit en terroriste envers les modérés. Il établit un programme socialiste révolutionnaire de type bolchéviste dans sa région, De Nantes à Lyon. Il s'agit en vérité du premier manifeste communiste de l'histoire de la République. Lutter contre la propriété privée et l'Église, « égaliser les fortunes », c'est le but de fouché.
Sénateur de sa région, il est chef des forces militaires, premier magistrat de justice, dictateur absolu en matière d'administration et a tous pouvoirs ecclésiastiques. À la Convention il est cité en exemple d'énergie et d'efficacité.
Après la révolte antirévolutionnaire de la ville de Lyon et l'exécution de Chalier, un révolutionnaire acharné, Lyon cité bourgeoise et industrielle, fouché et Collot d'Herbois sont désignés par la Convention pour rétablir l'ordre révolutionnaire. fouché est appelé alors le mitrailleur de Lyon : il pratique en série et sans état d'âme le massacre : mille six cent exécutions en quelques jours plaine des Brotteaux. Les églises sont saccagées dès le 10 novembre 1793 et une messe noire est célébrée à la mémoire de Chalier. Les plus beaux immeubles de la place Bellecour sont détruits après que leurs habitants ont été chassés.
Pendant ce temps à Paris, la Convention voit Robespierre s'attaquer aux ultra - révolutionnaires. fouché alors lève le pied et attend d'avoir des nouvelles de Collot d'Herbois parti dans la capitale pour se rendre compte de l'ambiance. Il faut alors pour fouché se rallie aux modérés. Il dissout les comités révolutionnaires. Il fait peser toute la responsabilité des massacres sur son collègue Collot d'Herbois. Mais Robespierre veut la tête de fouché depuis toujours. Il le convoque à Paris pour comparaitre devant un tribunal, le Comité de Salut public, accusé d'avoir dissout les comités révolutionnaires. fouché compte sur le talent de Danton, avocat, pour lui sauver la mise. Mais les événements se précipitent avant même qu'il n'arrive à Paris : Robespierre a fait guillotiner Danton. Condorcet se suicide pour échapper au couperet. Robespierre s'est débarrassé d'une bonne centaine de ses adversaires de droite, guillotinés ou suicidés. Les Montagnards aussi ont vu leurs rangs se clairsemer avec l'exécution de Desmoulins, Fabre d'Églantine et bien d'autres. Exit aussi Marat, Mirabeau, Vergniaud.
Seul face à Robespierre, fouché veut justifier sa conduite à Lyon devant la Convention et défie ainsi le Comité de Salut public. Une entrevue avec un Robespierre impitoyable et incorruptible se solde par un échec. Humilié, repoussé, menacé, fouché ne voit qu'un moyen de sauver sa tête : faire tomber celle de Robespierre dans le panier avant la sienne. Une guerre à mort s'engage entre les deux. Deux hommes intelligents et fins politiques vont se livrer le duel le plus terrible de la Révolution. Mais l'un et l'autre vont réaliser qu'ils ont commis l'erreur de se sous-estimer depuis toujours.
Dans un premier temps, Robespierre en maître rhéteur marque des points en instaurant le culte de l'Être Suprême au cours d'un discours largement applaudi où il fustige l'attitude impure de fouché. Pendant ce temps, fouché ourdit le fil de ses intrigues en consultant, visitant et expliquant autour de lui. Et le 18 prairial 1794, fouché est élu président du Club des Jacobins, le saint des saints, la garde prétorienne de la Révolution, contre toute attente et surprend Robespierre. La colère de Robespierre est sans mesure et il contre-attaque traitant publiquement fouché d'imposteur vil et méprisable aux mains rouges de crimes. fouché encaisse et est démis de ses fonctions. Cette exclusion du Club des Jacobins équivaut à une marque d'infamie et vaut la guillotine. fouché se cache. Il n'est pas le seul dans ce cas et la dictature de Robespierre commence à susciter des haines chez nombre de députés que fouché va savoir utiliser. Comme dit Zweig, l'auteur, la peur secrète son antidote, la haine. Ainsi fouché, Barras, Tallien, Carnot vont devenir les ennemis secrets de l'Incorruptible Robespierre. Et fouché une fois de plus d'ourdir dans l'ombre la conjuration contre Robespierre dont la police l'a prévenu que fouché est le chef d'une conspiration. Avec Saint –Just, Robespierre prépare la réplique.
le sort va se mêler de précipiter les événements : durant l'été, fouché perd sa toute jeune fillette d'une maladie des poumons. Lui si froid et insensible là marque le coup et à présent son audace ne sera plus tempérée par la peur de mourir. Il annonce alors aux conjurés que l'attaque aura lieu le 8 thermidor, le surlendemain de l'enterrement de la petite.
Une ambiance étrange règne ce 8 thermidor à la Convention. Robespierre le premier prend la parole au cours d'un discours de trois heures pour fustiger les conspirateurs de tout bord sans citer de nom. Les députés qui n'approuvent pas restent silencieux. fouché n'est pas venu. Et malgré l'insistance des députés, Robespierre ne citera pas fouché, son pire ennemi, et cela reste inexpliqué. Une fois de plus Robespierre restera impénétrable et secret à jamais sur ce sujet.
Dans la nuit qui suit, fouché peaufine sa stratégie pour abattre l'ennemi commun. le 9 thermidor à la Convention, Saint Just, homme de main de Robespierre, est interrompu par Tallien. Robespierre ne peut prendre la parole non plus dans le désordre de l'assemblée et il est mis hors la loi et conduit en prison, puis délivré par ses amis, avant d'être rejoint à l'Hôtel de ville par les troupes de la Convention qui le capture à nouveau grièvement blessé. le lendemain il est conduit à la guillotine. La Terreur est finie. fouché sort vainqueur.
Mais un an plus tard, il est mis en accusation toujours pour les massacres de Lyon. Il est démis de ses fonctions et disparaît de la scène publique : il se fait oublier et pendant trois ans, son nom n'est plus prononcé.
L'exil est une dure école, mais c'est une école où l'on apprend bien. Seul Barras lui conserve son amitié et lui confie une mission d'espionnage. C'est l'époque du Directoire dont Barras est le président. fouché devient l'intime des banquiers et hommes d'affaires. L'argent circule une fois le Terreur oubliée. En 1798, fouché devient négociateur pour le République française. Diplomate avisé et prudent, il réussit tout et se voit nommé par le Directoire ministre de la Police. Il fait fermer le club des Jacobins : c'est la fin de la Révolution française. Puis il couvre le pays d'espions, d'agents secrets et de mouchards. Lui qui était méprisé devient l'ami de tous car il sait tout et il rend service à chacun par son silence.
fouché considère que la république est en danger depuis quelques temps. le Directoire s'essouffle. Bonaparte brille à Arcole et Rivoli, puis s'enlise dans le désert égyptien. On songe à lui pour sauver la république, mais il est bien loin. C'est Joséphine de Beauharnais qui informe fouché des desseins de Bonaparte, son mari, pour un retour anticipé vers la mère patrie. Et le 11 octobre 1799, Bonaparte débarque à Fréjus. fouché joue le temps avant de rencontrer le général. Ils se jugent et s'apprécient. À chacun son rôle, celui du maître et celui du serviteur.
C'est le coup d'état du 18 brumaire : le Directoire s'étonne que fouché n'ait pas eu vent de la conspiration qui s'ourdissait avec l'aide de l'armée et la moitié du Sénat. En vérité, fouché savait tout mais faisait l'ignorant. Talleyrand et Sieyès dans le coup, fouché attend pour choisir son camp, mais il ne fait plus guère de doute que le Directoire a vécu et que Bonaparte va prendre le pouvoir.
Bonaparte Premier Consul et maître de la France, fouché exploite de suite la victoire et se met au service du nouveau maître. Ce sont les années les plus mémorables de Napoléon selon l'auteur : il installe une bonne monnaie, le Code Napoléon qui soumet le Droit et les moeurs à des formes rigides et humaines, il assainit le pays dans tous les domaines administratifs et pacifie l'Europe. fouché rétablit la paix intérieure et fait disparaître les nids de terroristes et de royalistes. La confiance du Consul est totale envers son ministre de la police jusqu'à ce jour de 1800 où à Marengo, le général Bonaparte met du temps à obtenir la victoire, temps durant lequel fouché ne se prononce pas quand des bruits de chute éventuelle du Consul circule. Bonaparte le saura et ne l'oubliera pas. Il attendait un soutien franc qui n'est pas venu en temps utile.
L'attentat de la rue Nicaise auquel échappe Bonaparte est l'occasion pour le Consul de sévèrement critiquer le ministre de la Police qui n'a pas su prévenir le complot orchestré selon lui par les Jacobins. fouché se mure dans le silence et laisse passer l'orage, soutenu par Joséphine dont il s'est fait une alliée. Il s'avère que ce sont les Chouans, royalistes de Vendée qui sont les comploteurs avec pour chef Cadoudal financé par les Anglais. fouché avait vu juste qui d'emblée avait disculpé les Jacobins. Il mène son enquête et regagne la considération du Premier Consul.
Bonaparte est plébiscité Premier Consul à vie, et il songe déjà à la couronne impériale et fouché le sait et n' est pas d'accord. Comme il ne peut changer de ministre de la Police, le Consul supprime le ministère de la Police et offre une place au Sénat ainsi qu'un pécule conséquent à fouché. Congédié fouché certes, mais avec les honneurs et un pont d'or !
fouché qui fut naguère l'homme du premier manifeste communiste se retrouve à la tête d'une fortune estimée la deuxième de France avec un espace foncier qui fait de lui le plus grand propriétaire du pays. Mais il vit toujours aussi sobrement. Marié avec trois enfants, il mène une vie tranquille de bon père de famille et de tendre époux dans sa propriété.
Mais fouché ne peut se passer de la politique : il aime le pouvoir et agir sur les destinées. Il continue officieusement et pour le plaisir à espionner au profit du Premier Consul.
Sur les conseils mal avisés de Talleyrand, Bonaparte fait fusiller le duc d'Enghien. Pour fouché « c'est plus qu'un crime, c'est une faute » ! Cependant, il est mandaté pour assurer la sécurité du Consul et il prépare les conditions pour enterrer la République, lui qui fut le plus républicain des républicains, pour que Bonaparte devienne Napoléon 1er.
Nous sommes en 1804 : fouché est nommé à nouveau ministre, cette fois de l'Empereur. Les deux hommes ne s'aiment pas même s'ils s'admirent, mais ils ont besoin l'un de l'autre. Et durant dix ans, ils vont se servir l'un de l'autre. La puissance de fouché sur Napoléon restera une énigme pour les contemporains. fouché est au courant de tout, connaît tous les secrets impériaux, et Napoléon ne pourra se passer de lui jusqu'à la dernière heure de son règne.
Deux hommes, ministres, sont proches de l'Empereur : Talleyrand l'improvisateur paresseux et génial et fouché, le calculateur lucide aux mille yeux. Les deux se détestent et se surveillent l'un l'autre. Ce qui arrange bien Napoléon qui sait profiter de la rivalité de ses deux ministres.
Jusqu'au jour en 1808 où les deux hommes tombent d'accord pour voir la guerre d'Espagne comme un acte inutile et insensé. Napoléon informé revient en toute hâte à Paris et invective violemment Talleyrand pour son rapprochement avec fouché et le destitue de ses fonctions… Et fouché reste contre vents et marées !
Napoléon parti guerroyer en Autriche en 1809, c'est fouché qui est là pour assurer la permanence de l'État. Et avec talent et réussite. En remerciement, il est fait duc d'Otrante par l'Empereur. Mais fouché ne se satisfait pas de son retour au ministère de la Police. Il a de grandes ambitions et notamment celle de faire la paix avec l'Angleterre en secret sur des bases imaginées par lui seul, l'ennemi héréditaire, ce qui va à l'encontre de la volonté de Napoléon.
fouché est renvoyé et l'opinion publique se met de son côté ainsi que
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Stefan Zweig est le romancier que l'on sait, auteur de quelques romans (dont « La Pitié dangereuse » - 1939) et d'un grand nombre de nouvelles (dont « La Confusion des sentiments » – 1927, « Amok » – 1922, « Vingt-quatre heures de la vie d'une femme » – 1927, ou « le joueur d'échecs » – 1943), dans lesquels il excelle à peindre l'âme humaine dans tous ses méandres, avec finesse, précision et grande intelligence. Ces mêmes qualités, on les retrouve avec bonheur dans ses biographies, où avec un souci remarquable d'honnêteté intellectuelle, il allie le goût de la vérité historique, le point de vue perspicace, l'objectivité (même quand il s'agit d'amis proches comme Emile Verhaeren ou Romain Rolland) et une approche, à travers son étude, des grands problèmes de l'humanité qui traversent les siècles.
Son choix se porte souvent sur des écrivains (Emile Verhaeren, Marceline Desbordes-Valmore, Romain Rolland, Balzac, Montaigne, Verlaine, etc.) mais aussi des personnages historiques (Marie-Antoinette, Marie Stuart, Fouché, Magellan, etc.)
Il fallait un certain courage pour s'attaquer – et s'attacher, peut-être - à ce personnage, honni par ses contemporains et par la postérité :
« Joseph Fouché… a trouvé peu d'amour auprès de ses contemporains et encore moins de justice auprès de la postérité… tous les écrivains français, royalistes, républicains ou bonapartistes, trempent leur plume dans du fiel dès qu'ils doivent écrire son nom. Traître-né, misérable intrigant, nature de reptile, transfuge professionnel, âme basse de policier, pitoyable immoraliste, aucune injure ne lui a été épargnée… » (Préface). Et Zweig nous déclare : « Seul Balzac a vu de la grandeur dans cette figure originale, justement parce que lui-même était grand parmi les grands ». Dans « Une ténébreuse affaire », l'auteur des « Illusions perdues » confie : « Ce singulier génie qui frappa Napoléon d'une sorte de terreur ne se déclara pas tout à coup chez Fouché. Cet obscur Conventionnel, l'un des hommes les plus extraordinaires et les plus mal jugés de ce temps, se forma dans les tempêtes ».
Et pourtant, toutes les critiques envers cet homme hors du commun étaient justifiées : il fait ses humanités à l'Oratoire de Nantes, mais en ressort athée. Encore mieux, devenu révolutionnaire, il entreprend la déchristianisation du pays, et pille les églises. Conventionnel, il est à l'origine des massacres de Lyon (trouvant la guillotine trop lente il la remplace par la fusillade en nombre, gagnant ainsi le titre de « mitrailleur de Lyon ». Bien qu'ayant envoyé Louis XVI à l'échafaud, il est ministre sous la Restauration. Sous la Révolution, le Directoire et l'Empire, il navigue à vue, au gré de ses intérêts du moment et des dossiers -compromettants - qu'il monte sur ses interlocuteurs de tous bords…
Un joli coco, le Fouché. Pourtant Stefan Zweig se lance dans l'aventure pour chercher à cerner ce personnage énigmatique, prototype de l'homo politicus moderne, ambitieux, sans scrupules, manipulateur, apte à retourner sa veste, et tirant dans l'ombre les ficelles d'un pouvoir qui lui doit beaucoup. C'est d'ailleurs ce côté de la personnalité de Fouché que retient notre auteur : « Je sais que cette biographie d'un être absolument amoral et d'une individualité aussi particulière et aussi importante… ne répond pas aux désirs évidents de notre époque… Notre époque veut et aime aujourd'hui des vies héroïques, car dans la pénurie où elle est de chefs politiques créateurs [en 1929], elle cherche dans le passé des exemples plus hauts…Si donc… la politique est devenue « la fatalité moderne », nous voudrions essayer, pour nous défendre, de découvrir les hommes qu'on trouve derrière cette puissance et ainsi le redoutable secret de leur pouvoir. Je présente donc l'histoire de Joseph Fouché comme une utile et très actuelle contribution à la psychologie de l'homme politique ».
Après avoir lu cette biographie, on ne va pas bien sûr se mettre à aimer ou à plaindre celui en fait l'objet (comme ce fut le cas pour « Marie-Antoinette », « Marie Stuart » ou même « Magellan »), mais on comprendra un peu mieux quel piège est la politique, où les meilleures volontés tôt ou tard tombent dans les filets de requins de haut vol comme Joseph Fouché.
Ah, Stefan, revenez à notre époque, et dites-nous si les choses ont évolué dans le bon sens…

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Deuxième biographie de Stefan Zweig que je lis après l'enthousiasmante Marie-Antoinette, fouché qui m'a tenu en haleine, se lit comme un page-turner.
Joseph Fouché, un peu moins connu, tout du moins à mes yeux, que les grandes figures de la Révolution, comme Danton, Robespierre ou Desmoulins, est sans conteste, de par sa carrière politique et sa personnalité, un personnage extraordinaire qui présentait toutes les caractéristiques pour attirer l'attention de Stefan Zweig.
Issu d'un milieu commerçant nantais assez modeste, professeur de mathématiques chez les Oratoriens, il devient rapidement député à la Convention lorsque la Révolution éclate. D'abord Girondin, il bascule chez les Montagnards après avoir voté la mort de Louis XVI. Il est envoyé à Lyon pour anéantir la ville où il est responsable de la mort de plus de 1500 personnes et où il gagne le surnom de "mitrailleur de Lyon".
Après avoir joué un rôle de premier plan dans la chute et l'exécution de Robespierre, il disparait des radars mais revient très vite et enchaîne les postes de ministre de la Police, sous le Consulat, le Directoire, le premier Empire, et le règne de Louis XVIII. Il connait des périodes de disgrâce mais rebondit toujours, jusqu'à son exil en Autriche pour régicide et sa mort à Trieste.
Le curriculum-vitae est brillant sur le papier, mais ce qui le rend exceptionnel sous la plume de Stefan Zweig, c'est l'analyse du fonctionnement et des traits de caractère de ce personnage.
fouché est un animal au sang froid. Après dix années dans les rangs de l'Eglise, sans prononcer les voeux, il ne se dévoile pas, n'exprime pas ses émotions et ne se donne jamais à personne et à aucune force politique. Il suit le mouvement et, sans valeurs ni principes, a l'art consommé de choisir au dernier moment le parti du plus fort et de "retourner sa veste".
Adepte de Machiavel, fouché est le prototype de l'opportuniste et du traître. Il n'a ni foi, ni loi et, grâce à son travail acharné, son génie politique et ses manipulations, rebondit systématiquement, en suivant le sillage des puissants. Il sait repérer et sentir les hommes de talent, les accompagne et se met à leur service, mais, pour sauver sa peau, au moment opportun, leur porte un coup fatal.
Il a à son actif, la mort de Louis XVI, celle de Robespierre, la chute de Napoléon, dont il aura été le très proche ministre de la Police. Son ralliement à la Royauté sous le règne de Louis XVIII, après avoir été un des plus fervents révolutionnaires, lui sera fatal.
Stefan Zweig, par son érudition, ses connaissances historiques et socio-politiques, sa rigueur de biographe, sa finesse psychologique, son écriture moderne, nous offre le magnifique portrait d'un homme qui n'aime que le pouvoir et l'argent, et dont le profil est celui d'un joueur grisé par l'instant décisif de la victoire ou de l'échec.
Remerciant Freud d'avoir permis à des auteurs comme Proust ou Joyce d'avoir écrit leurs livres, Stefan Zweig lui dit que la psychologie est la grande affaire de sa vie. C'est ce qui fait la beauté et la puissance de ses biographies.

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Né dans une famille de commerçants, Joseph Fouché est placé très jeune dans une école catholique pour y devenir prêtre, seule carrière qui peut s'offrir aux enfants de familles desargentées. Il se coule étonnamment bien à la discipline et y apprend des qualités qui lui serviront toute sa vie de diplomate, la technique du silence, l'art de la dissimulation, l'observation et la connaissance psychologique de ses interlocuteurs. Il renonce rapidement à la prêtrise pour devenir professeur de sciences à Nantes puis s'engage avec son ami Robespierre en suivant les États Généraux qui se tiennent en 1789 et parvient à se faire élire à la Convention en 1792. Commence alors une carrière politique qui va lui permettre de traverser tous les régimes politiques Révolution, Directoire, Consulat, Empire, et retour de la Monarchie, parvenant au sommet du pouvoir en tant que ministre de la police, alternant exils et disgrâces, mais revenant toujours au premier plan à force d'intrigues et de dossiers secrets qu'il accumule patiemment pour les ressortir au moment le plus stratégique.

S'appuyant sur une biographie de Louis Madelin, Zweig propose un portrait psychologique de Joseph Fouché , remettant en cause les interprétations des écrivains qui se sont emparés de ce personnages sulfureux qui, par son sang froid et son absence de scrupules, a fait couler beaucoup d'encre.
Plus machiavélique que Machiavel lui-même, Joseph Fouché apparaît comme un camelon génial qui sait rester en retrait, attendre son heure, se taire pour laisser l'interlocuteur se dévoiler, sentir la direction du vent et attendre pour s'engager dans le camp qui sera vainqueur. Louvoyant et surfant sur la vague qui lui permet de se maintenir au pouvoir, son attitude relève plus de la manipulation que d'une recherche de gloire ou d'argent, deux valeurs qui ne sont pas les moteurs de sa psychologie.
Cette biographie permet de cerner un homme controversé qui a su traverser plusieurs périodes historiques tourmentées en tirant toujours son épingle du jeu, grâce à un flair politique hors du commun mais aussi grâce à son intelligence opportuniste, dénuée de scrupules, cynique, n'hésitant pas à sacrifier ses pions, et grâce à des qualités de retrait et de discrétion qui l'ont toujours fait passer entre les mailles du filet.
Une biographie édifiante et glaçante, comme le personnage....
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J'ai rejoins avec curiosité l'aventure de Les feuilles allemandes alors que je suis bien ignorante de la littérature allemande contemporaine. Comme je ne suis jamais déçue par Stefan Zweig et que son oeuvre est inépuisable j'ai choisi la biographie de fouché après la lecture de celle De Balzac, Magellan, Marie Stuart....Et bien sûr, ce fut un bonheur de lecture! 

 fouché a traversé la Révolution, le Directoire, l'Empire, la Restauration toujours au premier plan de l'action politique. Mitrailleur de Lyon, régicide, ministre de la Police de Napoléon, artisan du retour de Louis XVIII. Arriviste, sans scrupule, mais gros travailleur, traître, joueur presque plaisantin selon Zweig. L'analyse psychologique de ce personnage complexe est très bien conduite. Zweig est un maître de la biographie!


Leçon d'histoire Zweig nous fait partager tous les épisodes de la Révolution. La visite récente au Musée Carnavalet fournit les illustrations! Une galerie de personnages, de Couthon à Robespierre en passant par Marat et Chalier que je ne connaissais pas, pendant la Terreur.


Ami de Barras qu'il trahit au 18 Brumaire. Bonaparte puis Napoléon se méfie de fouché mais reconnaît la compétence de son ministre de la Police. le duo fouché-Talleyrand est décrit avec finesse. Quand fouché prend trop d'initiatives Napoléon cherche à l'éloigner, le couvre de richesses et d'honneur : fouché devient Duc d'Otrante.

Fin analyste politique, fouché se rangera toujours du côté du pouvoir, aussi bien pendant les Cent Jours qu'à la Restauration, négocie un ministère avec Louis XVIII. Quand l'Ancien Régime se trouve restauré, le sang du régicide qui a voté la mort de Louis XVI lui vaudra sa disgrâce et l'exil.
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Appréciant l'oeuvre de Zweig comme romancier, je souhaitais en découvrir un peu plus sur cet auteur à travers sa plume de biographe. Quoi de mieux que de profiter du personnage de Joseph Fouché pour m'en faire une idée.

En effet, cet homme qui a jalonné mes cours d'histoire contemporaine est longtemps resté un personnage sombre et énigmatique puisque je n'avais jamais pris le temps de lire une biographie à son sujet.

Le travail fourni par Zweig à ce sujet remplit toutes mes attentes ! J'ai été fasciné à bien des égards de découvrir la vie de cet homme aux multiples facettes.

Car c'est surtout cet aspect de la personnalité de Joseph Fouché qui m'a le plus surpris : cet opportunisme sans limite qui lui permis de traverser les multiples épisodes qui ont ensanglanté la France à la fin du XVIIIe, au détriment de ses plus proches camarades. Un jour révolutionnaire, le lendemain aristocrate. Cet homme de l'ombre a su parfaitement tirer profit du « sens du vent » pour toujours suivre la force de la majorité. Un parcours fascinant.

La plume de Zweig est d'une acuité et d'une précision chirurgicale. Sans être un pensum de plusieurs centaines de pages, cet ouvrage décrit parfaitement la personnalité unique de ce grand homme. Un personnage aussi glaçant qu'impressionnant.

La comparaison qui est faite entre lui et Talleyrand est également très intéressante puisqu'elle offre une opposition frappante entre deux personnalités qui ont su louvoyer dans les méandres les plus sombres de l'histoire française.

J'ai pris beaucoup de plaisir dans cette lecture.
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