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Zweig veut raconter l'histoire de sa vie, mais surtout celle de ce monde dans lequel il a baigné : une époque de vie intellectuelle lumineuse, vécue sous le signe de la sécurité et du progrès universels - pour lui, un instant sublime de l'humanité - jusqu'à son effondrement, sous les assauts des barbaries du XXe siècle. Il évoque cette Belle Epoque, puis l'entrée en scène des guerres fratricides, et de « cette pestilence des pestilences, le nationalisme ». Un texte sublime, à la hauteur du drame vécu. Laurent
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Le meilleur ouvrage de Zweig, sans aucun doute, car le talent est le même que chaque fois, et à maturité même, puisqu'il l'écrit à la fin de sa vie, et que la richesse qu'il contient est cent fois supérieure à ses autres livres. Fresque historique de l'avant-guerre, portraits d'intellectuels et d'artistes excellents, description de la situation autrichienne et allemande au sortir de la guerre dépassant n'importe quel cours d'histoire ou d'économie sur le sujet... Bref, un monument de littérature.
Et pourtant, quelque chose de gênant au fil de la lecture, que le commentaire ci-dessous m'a permis de mieux cerner. L'incroyable situation de privilégié qui est la sienne, et est devenue absolument immorale en ces temps de guerre et de misère de la condition humaine.
Mais je n'arrive pas à lui en vouloir, car comme le dit ce même commentaire, Zweig est avant tout un esprit. Et pour comprendre son isolement du commun des mortels, des "petites gens", il faut lire sa biographie d'Erasme. Il faut comprendre sa vision de l'humanisme, et cerner le fait que l'union intellectuelle de l'Europe à laquelle il aspire (et même du monde comme il le suggère magnifiquement vers la fin du livre), est condamnée à n'être qu'un rêve d'intellectuels isolés dans leur tour d'ivoire. C'est louable, c'est beau. Comme c'est louable ! Mille fois louable ! Mais cela me rappelle Kant qui, parlant du Bonheur, disait qu'il s'agissait d'un idéal de l'esprit, qui ne s'est pas confronté aux obstacles du réel et à la contingence du monde. de même pour ce rêve d'intellectuel aisé, qui a le loisir de voyager, de partager, de s'ouvir au monde, mais ne voit pas les obstacles que présente la réalité. Les peuples européens d'avant guerre ne s'aiment pas. Aujourd'hui encore, notre union europééenne est fragile, après des années de rapprochement. On n'arrive pas à saisir le sens et la réalité d'une idée - aussi belle soit-elle - d'humanité unie quand on n'est pas Zweig.
C'est triste. C'est tragique, et c'est pour cela que je n'arrive pas à en vouloir à Zweig, ce penseur si détaché du réel (et pourtant incroyablement lucide du monde qui l'entoure). C'est un paradoxe, que cet homme capable de voir les tourments de l'Europe et d'imaginer son union, soit autant solitaire et peu conscient de qui n'est pas un grand esprit. C'est là le coeur du problème, chez Erasme comme chez lui, chez les humanistes en général. En dehors des grands esprits, il n'y a personne. C'est une autobiographie, mais on ne sait rien de ses parents, de sa famille, de ses deux femmes, et on ne sait pas s'il a eu des enfants, s'il a eu un lien, sinon avec des Rolland, des Strauss, des Freud, des Verhaeren, etc...

Livre magnifique pour le tragique de l'Histoire, et pour le tragique de l'humanisme.
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Magnifique autobiographie d'un merveilleux écrivain. A lire pour la description du milieu intellectuel européen et pacifiste de l'entre deux guerres. On comprend mieux pourquoi cet homme épris de belles choses, de culture, de littérature s'est suicidé, désespéré par la victoire de l'Axe en 1943. Dommage qu'il n'ait pas patienté quelques mois pour vois le cours de l'histoire s'inverser...
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Stefan Zweig, né en 1881 à Vienne, en Autriche-Hongrie, et mort par suicide le 22 février 1942 à Petrópolis au Brésil, est un écrivain, dramaturge, journaliste et biographe autrichien. Stefan Zweig fit partie de la fine fleur de l'intelligentsia juive viennoise, avant de quitter son pays natal en 1934 en raison de la montée du nazisme. Réfugié à Londres, il y poursuit une oeuvre de biographe (Joseph Fouché, Marie Antoinette, Marie Stuart) et surtout d'auteur de romans et nouvelles qui ont conservé leur attrait près d'un siècle plus tard (Amok, La Pitié dangereuse, La Confusion des sentiments).
Le Monde d'hier sous-titré Souvenirs d'un Européen est une autobiographie commencée en 1934 dont il posta à l'éditeur le manuscrit, tapé par sa seconde femme, un jour avant leur suicide et qui parut en 1944.
Seulement cinq cents pages pour survoler cinquante ans de l'Histoire de l'Europe, et quelle période, de 1895 à 1941 ! Stephan Zweig a eu une vie pleine c'est le moins que l'on puisse dire car il était partout, dans la Vienne artistique du début du XXème siècle et il a fréquenté beaucoup de monde, aux premières loges de cet extraordinaire changement d'époque qui mêla le pire, les deux Grandes Guerres mondiales, et le meilleur avec les progrès techniques et les évolutions de la société, « Mais paradoxalement, dans ce même temps, alors que notre monde régressait brutalement d'un millénaire dans le domaine de la moralité, j'ai vu cette même humanité s'élever dans les domaines de l'intelligence et de la techniques à des prodiges inouïs… »
L'écrivain autrichien parcourt l'Europe mais aussi l'Amérique, l'Inde, l'Afrique comme la Russie de 1928 dont il revient plus circonspect que d'autres, déménage souvent au gré des évènements. Il croise le chemin des personnalités les plus diverses, dresse de magnifiques portraits très émouvants de ses amis Rilke, Rodin, Romain Rolland, Gorki ou Freud pour n'en citer que quelques uns. Avec lui nous assistons à l'embrasement de l'Europe après l'attentat de Sarajevo et plus tard à l'entrée en scène d'Hitler.
Tous ces évènements, même les plus tragiques, sont narrés d'une plume pudique et réservée, prenant toujours garde à être objective et précise, relatant plutôt que critiquant, ne se plaignant jamais pour lui-même. On devine pourtant combien il devait lui en coûter moralement, puisque Juif et pacifiste forcené, « honnête homme » comme on disait jadis, rédigeant là un véritable plaidoyer pour l'Europe, il se verra de surcroit obligé de s'exiler vers l'Amérique du sud.
On retiendra aussi de cet ouvrage fascinant, des réflexions ou des jugements écrits vers 1940 mais qui pourraient avoir toute leur légitimité aujourd'hui, « Au fond, en 1939, il n'y avait pas un seul homme d'Etat qu'on respectât, et personne ne remettait avec foi sa destinée entre leurs mains » ou des considérations sur les modes vestimentaires ou capillaires du même niveau que celles sur les cheveux longs des années 60 ! Comme quoi, l'Histoire est un cycle qui se répète…
Seul point curieux, tout du long de l'ouvrage il n'est quasi jamais fait référence à sa femme (il a été marié deux fois), on a toujours l'impression qu'il est seul et voyage sans elle, certainement la pudeur qui me semble le mot qui le résume le mieux.
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Ces Souvenirs d'un Européen de Stephan Zweig ne sont pas des mémoires ni une autobiographie dans la mesure où, d'une part ils ne se veulent pas exhaustifs concernant l'auteur et sa vie, et d'autre part, les observations rapportées sont sélectionnées en strict rapport avec ce dont celui-ci veut témoigner, à savoir : comment la vie d'avant, certes imparfaite mais source possible d'agrément et de création est devenue, du fait de quelques-uns, impossibilité d'exister pour tous les autres et pour Zweig en particulier de par sa sensibilité spécifique.

Les arts, pas seulement la littérature, sont toute la vie de l'auteur. le livre est donc naturellement un très personnel panorama des activités artistiques de l'époque en Europe. Nul besoin de se sentir soi-même artiste ou passionné par l'art pour prendre plaisir à cette lecture car Zweig excelle à peindre ceux qu'il rencontre et les circonstances de ces rencontres.

Sincère et lucide sur lui-même, généreux dans son utopie d'une paix que les seuls artistes européens pourraient contribuer à maintenir par leur expression commune, il se sait pourtant d'autant plus impuissant à peser sur les événements qu'il rejette toute prise de position politique, jusqu'à la plus élémentaire, celle de voter. Lucide, il l'est moins, de son propre aveu, sur la dure réalité des situations concrètes tant qu'il ne les a pas observées de près. Cela ne l'empêche pourtant pas d'anticiper les points de rupture menaçant de lui être adverses, par une sorte d'instinct de survie prémonitoire, et de prendre les décisions lui permettant d'échapper au pire.
Y compris -ou hormis selon la vision personnelle que chacun peut en avoir- l'ultime décision de se donner la mort.

Cet ouvrage présente de multiples qualités et objets d'intérêt: d'un point de vue historique, la vision par un jeune homme socialement privilégié du vieil empire austro-hongrois, l'absence historiquement exacte mais vécue de façon anachronique de frontières entre les pays européens, la tentative d'analyse des éléments et facteurs d'évolution des sociétés, les différentes phases de maturation de l'homme et du poète, l'ouverture à l'autre et la mise en avant, autant que c'est possible, de ses caractéristiques positives, le destin des juifs, la clarté de la pensée et de l'expression qui semblent traverser très convenablement la traduction….

En relation avec la forte critique de Paroles, je terminerai en remarquant que Zweig dit beaucoup sur lui et se malmène à l'occasion, sans considération de ce que ses admirateurs les plus fervents pourraient, le cas échéant, en éprouver. Respectons cette sincérité en constatant que le champ d'action de ce poète fut la littérature, l'amitié et l'utopie, non la guerre ni la révolution dont d'autres se chargèrent avec le talent qu'on sait.
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Un beau témoignage d'une époque dont on ne peut avoir que la nostalgie...celle d'une humanité qui savait se contenter de ce qu'elle avait, qui ne souhaitait se développer, non pas pour avoir plus mais juste mieux! L'autre n'était pas encore regardé comme un concurrent, mais un partenaire...Il y avait encore ce lien commun qui unissait les hommes, cette appartenance à la même espèce...Puis la guerre est venue, les méthodes ont changé, les sages ont perdu leurs illusions et le pouvoir...les économistes et les financiers sont désormais nos "anges" gardien, et d'un certain paradis nous avons glissé en enfer!!! A lire pour se souvenir que l'homme était différent...
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Des émissions sur France Culture à écouter et réécouter, et surtout un livre à lire, car c'est le tout dernier de Stefan Zweig, et c'est vraiment un chef d'oeuvre pour son évocation de l'Europe intellectuelle et cultivée de l'entre deux guerres où l'on voit passer les plus grands intellectuels de son temps, en particulier Romain Rolland dont il partageait le pacifisme. Alors qu'il était un des phares de cette culture européenne faite d'échanges et de cosmopolisme, Zweig considérait qu'elle était en voie de disparition.

Et rien n'est plus saisissant que la toute dernière page de ce livre où Stefan Zweig évoque le retour dans la rue derrière lui de "l'ombre de la guerre" qui ne l'a jamais quitté depuis la dernière guerre, "voilant de deuil chacune de ses pensées, de jour et de nuit". Ce "monde d'hier", il en poste le manuscrit à son éditeur en février 1942. Nous sommes au Brésil à Pétropolis (à 100 kms à l'ouest de Rio, dans les montagnes). Et le lendemain de cet envoi, Stephan Zweig se donne la mort avec sa Lotte, sa compagne qui ne veut pas lui survivre. En novembre, il avait fêté ses soixante ans.

Petropolis, c'est pourtant une superbe villégiature où la bourgeoisie carioca possède de magnifiques résidences - c'est la montagne, on vient y prendre le frais - et fin connaisseur de ce pays qui l'avait toujours bien accueilli, Zweig avait aussi consacré un lumineux essai sur toute l'histoire du Brésil "Le Brésil terre d'avenir", dont je ne peux trop recommander la lecture. Quand on découvre le charme de Petropolis et ce livre plein d'espérance, on a vraiment du mal à comprendre comment Zweig est poussé au suicide. Mais en 1942, il est de plus en plus désespéré par l'évolution de la situation en Europe. Même l'écrivain Georges Bernanos, lui aussi en exil, auquel il rend visite quelques jours auparavant ne réussira pas à le dissuader de commettre ce geste fatal.

article publié sur mon blog le 26 sept 2012

Pour mémoire, un autre grand intellectuel s'est lui aussi suicidé en cette même année en juillet 1942, le grand philosophe Walter Benjamin, mais lui était sur le chemin de l'exil. Tragique ironie de l'histoire, trois jours avant son départ, on change les lois régissant le sort des étrangers, et il ne peut plus obtenir le visa nécessaire pour passer la frontière Il s'est donné la mort dans la nuit qui a suivi son arrestation à Port Bou, à la frontière espagnole, pour ne pas tomber aux mains de la Gestapo.

A Port Bou, un monument de l'artiste Dani Karavan commémore ce "passage" de Benjamin.
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Comme j'ai souffert avec vous monsieur Zweig !

J'aurais aimé vous aduler tout entier, vous l'homme et l'écrivain. Mais ce fut impossible. J'ai détesté en vous l'homme.

Issu d'une grande famille viennoise juive, vous avez eu la chance de faire de longues études. Mais ça ne va pas, vous trouvez vos professeurs médiocres. Vous regrettez presque que vos parents n'aient pas connu la guerre, alors que vous en avez connu deux. Quand vous évoquez votre jeunesse, vous déplorez le manque de liberté sexuelle que votre génération a connu par rapport à la génération suivante.

Après avoir terminé vos études, vous voyagez en Europe surtout, mais aussi en Inde et en Amérique. Vos multiples voyages vous permettent de faire connaissance avec de nombreux artistes. Ce qui vous enchante. On sent bien chez vous une soif d'échanges intellectuels.

Quand la première guerre mondiale se déclare, vous êtes réformé. On ne sait pas pourquoi, vous ne nous en dîtes rien. Mais vous avez à coeur d'être solidaire avec ceux partis au front, alors vous trouvez une place comme archiviste dans les armées. A quoi en êtes vous réduit ? Enfin le côté positif est que cette place vous laisse du temps libre, vous pouvez alors songer à écrire. C'est ainsi que naît votre pièce de théâtre "Jérémy". Vous êtes pacifiste et par cet écrit, vous dénoncez l'absurdité de la guerre et de ses ravages. Vous nous informez vous-même que lors de la première guerre mondiale, les autorités des différents pays continuent à exporter leur culture. Votre pièce a la chance d'être sélectionnée par un théâtre suisse, donc vous avez la possibilité de quitter l'Autriche pour la Suisse. La bas, vous rencontrez des intellectuels de tous pays qui s'y sont réfugiés. Votre soif d'échanges peut ainsi continuer d'être assouvie. Vous retrouvez Romain Rolland à qui vous vouez une admiration sans borne et ce pauvre Guilbault, que vous évoquez avec une certaine condescendance, qui dit tout haut ce qu'il pense et finira presque à la potence.

Vous restez en Suisse une année, oui une année. Vous adorez tellement ce pays pour toutes ses richesses. Puis à la fin de la guerre, vous décidez après moult réflexions de rentrer au pays. Cette décision est difficile (tout le monde le comprend et tout le monde aurait aimé avoir ce choix) car vous savez qu'à nouveau vous allez rencontrer la guerre, enfin la suite de la guerre, c'est-à-dire la faim, le froid, les destructions mais aussi les vagabonds sur les routes, etc. Ce qui vous meurtrit beaucoup.
Lors de votre retour au pays, vous en profitez pour vous arrêter à Salzbourg. C'est là que vous avez acheté une maison pendant la guerre. Oui certains vont au front et d'autres achètent des maisons.

La paix est maintenant là, vous en profitez pour vous remettre à écrire et à voyager. le succès est au rendez vous. C'est lors de ses voyages, grâce a votre don d'observateur, que vous vous rendez compte que la paix est fragile et qu'il suffirait d'un rien pour que tout s'embrase à nouveau.
Vous décidez enfin de visiter la Russie où tous vos amis se sont déjà rendu, et là vous vous interrogez sur l'enthousiasme de certains d'entre eux car vous comprenez que le décor et les dialogues ne sont que copies de pièces de théâtre donnant illusions.

Vous avez maintenant 50 ans et vous faîtes le bilan de votre vie, très positif, vous le reconnaissez. Enfin, ce ton plaintif s'éloigne.
Vous brossez avec réalisme et précision la montée au pouvoir d'Hitler qui a su si diaboliquement se mettre d'accord avec tous les partis, toutes les tendances. Vous comprenez qu'il faut que vous quittiez votre patrie afin de conserver votre liberté. Vous vous rendez donc à Londres où vous vous taisez, n'osant contredire les Anglais aveugles sur le sort de l'Autriche.
Vous avez bien compris que la guerre est là, vous avez bien compris que l'Angleterre ne pourra plus se voiler la face au vu de la situation outre-atlantique. Et vous décrivez vos sentiments et votre situation de manière si intense, si sensible, si bouleversante qu'enfin monsieur Zweig, je me sens proche de vous et s'éloigne mon ressentiment vis à vis de votre personne.


Pardon ? C'est vrai, vous êtes fin observateur et vous remarquez parfois une certaine ironie dans le portrait que je viens de brosser. Oui, je le reconnais. Je n'ai pu supporter votre ton geignard, la façon de vous plaindre sans le dire vraiment. Vous êtes né avec une cuillère d'argent dans la bouche, vous observez le monde avec le prisme de votre statut privilégié. Je n'ai pas ressenti d'empathie envers les petites gens. On est bien loin de Pierre Michon (Vies minuscules) et de son petit peuple !
Bien sûr, votre éducation et votre milieu ne vous ont pas préparé à subir la guerre, à connaître les restrictions. Mais qui est préparé à l'enfer ?

Bon, quittons l'homme et passons maintenant à l'écrivain. Là, ma réaction est toute autre.
Vous êtes un excellent portraitiste de votre époque. Vos chroniques sur Paris, sur sa population, sur l'ambiance de la ville, par exemple, sont remarquables et très détaillées.
Vos écrits sur l'inflation galopante après-guerre et les conditions de vie (le marché noir par exemple) sont des pages excellemment bien écrites, riches de détails qui aident à comprendre le climat de l'époque.
Mais ce que j'ai par dessus tout admiré, ce sont vos rencontres avec les artistes. Les personnes que vous croisez et que vous admirez sont d'abord de vrais portraits et ensuite les échanges que vous entretenez avec elles sont riches de curiosité intellectuelle. On reconnaît bien là tout le bonheur, tout le respect et toute la frénésie intellectuelle que vous avez ressentis face à ces personnalités. Votre description du travail de Rodin est splendide. J'étais avec vous dans l'atelier, aussi muette que vous et observant l'artiste en plein travail, s'oubliant au monde. J'ai comme vous assisté aux entretiens de Gorki avec son visage animé et mimant les répliques qu'il vous faisait, lui qui ne parlait que le russe. J'ai participé auprès de vous aux joutes oratoires entre Shaw et Wells. Quelle puissante évocation, quelle précision dans ce duel littéraire ! Quel bonheur de lecture !


En fait, monsieur Zweig vous êtes un esprit. Entendez-moi bien, je ne parle pas de fantôme mais d'un pur esprit, d'une pensée pure. Et pour finir, je dois bien avouer que votre vision de l'Europe, bien avant-gardiste et qui ne relève pas d'une utopie, me prouve à quel point vous avez compris et cerné notre monde. Vous êtes, avant l'heure, un citoyen du monde (les pages concernant le passeport sont un vrai réquisitoire sur la liberté de circuler).

Difficile de conclure après tout ça ?
Et bien non pas vraiment. Je vais appliquer ce que vous recommandez vous-même et qui vous tient à coeur, vous qui ne supportez pas les intrusions dans votre vie privée. Je vais distinguer le nom de l'homme. Je vais oublier l'homme et m'attacher à votre nom. Je vais maintenant lire vos oeuvres car oui, monsieur Zweig, l'écrivain m'a éblouie.
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Le témoignage personnel d'un homme de culture, Stefan Zweig, sur une période historique assez longue (fin XIXe début des années 40). La fin d'un monde et la montée en puissances d'extrêmes qui s'achève avec la mort.
Le plaisir de la langue allemande, avec ses richesses lexicales et linguistiques.
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Découvrir un passé sous le regard acerbe et lucide de ce maitre des mots est plus précieux que tout récit historique sans vie.
Nous plongeons dans les prémices de la politique avec ses débordements. le cloisonnement de l'aristocratie dans un confort sans vie où la femme reste un pantin asexué, prisonnière des manières et jeux d'un monde perdu. Les hommes se cachent dans un habit sombre pour vivre cette comédie d'une société de préjugée assez ambigu, de l'antagonisme d'une jeunesse emprisonnée de la bonne vertu morale. Commence la libération des moeurs et l'émancipation de la femme et aussi l'antagonisme des peurs de l'autre, début de l'antisémitisme. La manipulation des peuples souffrira de l'orgueil, d'un pouvoir de puissance, de force, de conquête pour plonger le monde dans une guerre d'infamie extrême.
Stefan Zweig avec ses amis Européens lutte contre le déploiement de haine. Comme Romain Rolland avec son manifeste, Au-dessus de la mêlée, puis ses rencontres avec James Joyce, Paul Valéry et tant d'autres, nous livrant des moments précieux avec ses grands personnages artistiques de cette époque.
Stefan Zweig, devenu un grand nom en littérature, reste dans cette crainte d'une agonie. Cette peur du monde qui devient prisonnière d'une liberté qui s'émousse pour finir encore et encore dans la misère de l'âme humaine, pour comme une légitimité inévitable, entrer en Guerre.
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