Dans la 4e de couverture et les premiers paragraphes de la préface se trouve l'essence du Monde d'hier : la chronique d'une destruction d'un continent par lui-même.
Mais Zweig, habile observateur, fin psychologue et peintre délicat de la vie, nous offre bien plus. Il expose l'état d'esprit des populations européennes au cours des 4 premières décennies du XXe siècle, et permet de comprendre la belle époque, la fleur au fusil de 1914, le désenchantement qui suivra, l'inflation d'après-guerre, l'envie de vie des années 20, la montée de la rancoeur, la route tracée pour Hitler, la course vers le chaos.
Il se fait aussi plus intime, évoquant des scènes partagées avec quelques figures marquantes : Rodin, Gorki,
Freud,
Romain Rolland, Émile Verhaeren etc.
Peuples et personnalités d'Europe, lieux et événements s'imbriquent, portés par le style limpide de Zweig et ses réflexions sur l'âme humaine, sa grandeur et ses bassesses.
Ce livre est un voyage marquant dans un temps et un décor disparus, cadres de belles oeuvres et de crimes, devenus les fondations de notre époque.
Outre cet intérêt historique, j'avais 3 raisons de lire ce texte : ma passion pour Zweig ; ma lecture récente du dernier tome des Déracinés, de
Catherine Bardon, qui mentionne souvent l'auteur autrichien et dont les personnages, juifs viennois nés dans les années 1910, sont une incarnation de la destruction du "monde d'hier" ; et, enfin, je souhaitais enrichir ma connaissance de cette partie du XXe siècle pour mon roman en cours d'écriture.
Je travaille en effet sur Ernest Rutherford, père de la physique nucléaire, figure majeure, avec
Marie Curie, des progrès scientifiques qui ont marqué le "Monde d'hier", il a été impliqué en 14-18 dans la recherche britannique à but défensif, alors qu'il avait toujours travaillé sans se soucier des frontières, avec des Allemands, des Autrichiens...
Président, en 1933, d'un organisme d'aide aux savants juifs fuyant l'Allemagne, il décédera en 1937 et ne verra donc ni l'extermination de millions d'Européens ni l'utilisation de l'énergie atomique contre des populations japonaises.
J'ai été comblé de ce point de vue: Zweig m'a permis de comprendre l'ambiance, les mentalités, le déroulement des évènements politiques. J'ai aussi trouvé quelques points communs entre l'écrivain autrichien et le physicien néo-zélandais : Vienne, Londres,
Freud, Gorki (évidemment, pour savoir pourquoi, il vous faudra lire ce futur roman... ou visiter le site sur lequel j'ai rassemblé tous les éléments utilisés).