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D'aucuns penseront que Stefan Zweig a un côté très irritant, du genre "moi je suis un intellectuel bourgeois pacifiste, ouvert sur le monde et tellement fier de ce que je suis, et je donne des leçons de géopolitique alors que je n'ai même pas été soldat." C'est pas faux. Mais bon, comme chacun d'entre nous, Zweig est le produit de son milieu: la bourgeoisie juive viennoise de la Belle époque. Ah la Belle époque ! C'est justement le propos du Monde d'hier car ces souvenirs d'un européen ne sont finalement pas une autobiographie mais plutôt le témoignage d'un contemporain ayant assisté à l'écroulement du monde, et pas seulement du sien.
D'abord Vienne la belle, la douce, la foisonnante, la capitale du grand empire austro-hongrois, celui qui règne sur une douzaine de peuples, les Habsbourg putain ! Ceux qui font frétiller Stéphane Bern et les mémères élevées à Sissi imperatrice. Vienne la vieille mais aussi Vienne l'avant-gardiste, celle de Hoffmanstahl, Rilke, Klimt, Malher... Dieu que ça m'a donné envie d'aller à Vienne ! Et puis 1914 et le premier effondrement, le fracas, la dislocation, la catastrophe, le fumier sur lequel poussera la brutalité crasse du nazisme. L'après guerre, ahurissant, tétanisant. Mais justement, c'est là que Zweig accède à la notoriété et à l'aisance. Il achète une maison à Salzbourg, à la frontière, d'où il peut presque voir, de l'autre côté de la vallée, le futur nid d'aigle d'Hitler. Comme il a les moyens de voyager, ça ne n'affecte pas trop au début mais, très vite, en Italie ou en Autriche, il assiste à des coups de force de jeunes paramilitaires issus de groupuscules haineux et furieux du traité de Versailles et de la crise (Hitler et ses sbires n'étaient que l'un d'entre eux). Et puis, de nouveau, c'est la descente aux enfers. L'histoire on la connaît tous, 100 fois on nous l'a racontée mais, la plus value d'un récit par Stefan Zweig c'est la langue, précise, imagée, magnifique.
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Dans la 4e de couverture et les premiers paragraphes de la préface se trouve l'essence du Monde d'hier : la chronique d'une destruction d'un continent par lui-même.
Mais Zweig, habile observateur, fin psychologue et peintre délicat de la vie, nous offre bien plus. Il expose l'état d'esprit des populations européennes au cours des 4 premières décennies du XXe siècle, et permet de comprendre la belle époque, la fleur au fusil de 1914, le désenchantement qui suivra, l'inflation d'après-guerre, l'envie de vie des années 20, la montée de la rancoeur, la route tracée pour Hitler, la course vers le chaos.
Il se fait aussi plus intime, évoquant des scènes partagées avec quelques figures marquantes : Rodin, Gorki, Freud, Romain Rolland, Émile Verhaeren etc.
Peuples et personnalités d'Europe, lieux et événements s'imbriquent, portés par le style limpide de Zweig et ses réflexions sur l'âme humaine, sa grandeur et ses bassesses.
Ce livre est un voyage marquant dans un temps et un décor disparus, cadres de belles oeuvres et de crimes, devenus les fondations de notre époque.
Outre cet intérêt historique, j'avais 3 raisons de lire ce texte : ma passion pour Zweig ; ma lecture récente du dernier tome des Déracinés, de Catherine Bardon, qui mentionne souvent l'auteur autrichien et dont les personnages, juifs viennois nés dans les années 1910, sont une incarnation de la destruction du "monde d'hier" ; et, enfin, je souhaitais enrichir ma connaissance de cette partie du XXe siècle pour mon roman en cours d'écriture.
Je travaille en effet sur Ernest Rutherford, père de la physique nucléaire, figure majeure, avec Marie Curie, des progrès scientifiques qui ont marqué le "Monde d'hier", il a été impliqué en 14-18 dans la recherche britannique à but défensif, alors qu'il avait toujours travaillé sans se soucier des frontières, avec des Allemands, des Autrichiens...
Président, en 1933, d'un organisme d'aide aux savants juifs fuyant l'Allemagne, il décédera en 1937 et ne verra donc ni l'extermination de millions d'Européens ni l'utilisation de l'énergie atomique contre des populations japonaises.
J'ai été comblé de ce point de vue: Zweig m'a permis de comprendre l'ambiance, les mentalités, le déroulement des évènements politiques. J'ai aussi trouvé quelques points communs entre l'écrivain autrichien et le physicien néo-zélandais : Vienne, Londres, Freud, Gorki (évidemment, pour savoir pourquoi, il vous faudra lire ce futur roman... ou visiter le site sur lequel j'ai rassemblé tous les éléments utilisés).
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Ce livre est un peu les mémoires de Stefan Zweig.
On y trouve sa vie depuis son enfance jusque peu de temps avant sa mort.
Il est étonnant de voir toutes les rencontres qu'il a pu faire !
C'est un peu son parcours professionnel aussi, comment il en est arrivé à être un si grand écrivain !
En revanche, il ne parle que très peu de sa vie privée.
L'auteur nous emmène dans ses réflexions et aussi son inquiétude face à la
montée du nazisme au fur et à mesure des années.
Nous ne pouvons que nous apercevoir que l'auteur a eu une vie très intéressante, mais beaucoup plus inquiétante et triste avec la montée du nazisme.
Si on aime les romans de Stefan Zweig, alors ce livre peut être intéressant pour comprendre l'homme qu'il était.

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Ce qui est étonnant avec les livres, c'est que nous ne savons jamais à l'avance ce que va être notre ressenti à chaque lecture, et le Monde d'hier n'échappe pas, pour moi, à ce principe.

Je reste circonspect, partagé entre la satisfaction de ces écrits de Zweig, toujours très beau, et la déception de certains passages pour lesquels je n'ai pas réussi à m'intéresser.

Ouvrage autobiographique, écrit en 1941, alors que l'auteur est en exil au Brésil, Zweig porte son regard et son analyse sur le monde qu'il a connu durant ses soixante ans d'existence et qu'il a vu transformé de havre de paix en enfer sur terre. Il parcourt donc l'Autriche, son pays de naissance, et l'Europe, sa région d'adoption et de coeur, de la fin du XIXème siècle au début de la Seconde guerre mondiale.

Vienne, la bourgeoise de la Belle Epoque, qui vit, comme le reste de l'Europe, dans la tranquillité et l'assurance de la sécurité d'un état millénaire, et je vous renvoie à l'oeuvre de Roth, La Crypte des Capucins. Une période très paternaliste et misogyne mais en pleine révolution scientifique, industrielle et intellectuelle. Une époque qui reste très idéalisée par Zweig qui en tirera son éducation et surtout lui aura permis de développer un côté profondément humaniste. C'est le Temps des repères et des valeurs.

Il croyait en la culture européenne qui, par sa richesse, devait amener un monde meilleur. En avance sur son temps, il était pro-européen. Faisant fi des idéologies politiques, même les plus extrêmes, il voyait la bonté de l'Homme. Surpris par la Première guerre mondiale, il sera meurtri par la deuxième, et auparavant, par la montée du national-socialisme.

Stefan Zweig analyse ces soixante années vécues, à cheval sur deux siècles, partageant ses rencontres artistiques, moments du livre pour lesquelles j'ai eu de la lassitude dans ma lecture. Excepté ces passages, j'ai découvert un écrivain d'un très grand mérite, qui n'a jamais cherché à faire le « show ». Il a vécu en respectant des valeurs et il a cru en un idéal qu'il espérait voir fleurir et qui finalement sera piétiné. La vie ne pouvait plus être vécue. Stefan Zweig conclut désabusé son livre et sa vie, tout en conservant une note d'optimisme.

« Et celui qui avait passionnément travaillé toute sa vie à l'union des hommes et des esprits, en cette heure qui exigeait comme nulle autre une solidarité indestructible, se sentait, du fait de cet ostracisme subit, inutile et seul comme il ne l'avait jamais été dans sa vie […] Mais en fin de compte toute ombre n'est-elle pas aussi enfant de la lumière ? » [p.562-563]
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Ce livre est d'autant plus émouvant qu'il est le dernier d'un immense écrivain témoin d'une époque charnière de l'humanité. La veille de son suicide Stefan Zweig adresse le manuscrit du « monde d'hier » à son éditeur qui le publiera deux ans plus tard.
Il s'agit d'un témoignage essentiel pour bien comprendre cette période de l'histoire située entre 1895 et 1942. Véritable testament d'un homme accablé par la folie de quelques dirigeants politiques. Une horde de fanatiques avaient trouvé dans les discours d'Hitler le moyen de donner libre cours à leurs instincts les plus bas de destruction et de violence.

Après une longue période de paix et alors que les progrès scientifiques et techniques laissaient entrevoir une vie encore plus facile pour tous, la Première Guerre mondiale a été une rupture immense qui a frappé les hommes de stupeur. Mais alors qu'on espérait que cette épreuve terrible allait servir de leçon et être à jamais écartée, éclate une seconde guerre mondiale encore plus terrible. C'est à dater de cette époque que commence la défiance du peuple envers les politiques qui n'ont pas su préserver l'essentiel. le monde a basculé, plus rien ne sera comme avant.
Quand un écrivain de l'envergure de Stefan Zweig témoigne d'une époque qui a marqué au fer rouge l'histoire mondiale, cela donne un livre magnifique absolument incontournable pour qui veut comprendre ce qui s'est passé et dans quel contexte.

L'écriture de Zweig est concise, elle va droit au but et s'agrémente juste de ce qu'il faut de descriptions. Il n'y a rien de superflu, d'inutile, de redondant. Cela donne un mouvement dans lequel tout lecteur se laisse entraîner avec plaisir. Il s'exprime ainsi concernant sa technique d'écriture « Si j'ai conscience de quelques formes d'art, c'est de l'art du renoncement, car je ne me plains pas si de mille pages écrites, huit cents prennent le chemin de la corbeille à papier, tandis que seules deux cents subsistent, qui en sont l'essence filtrée ». Page 376.

Issu d'une famille aisée Stefan Zweig a eu le loisir d'étudier et de voyager a sa guise, doté de qualité intellectuelle exceptionnelle il a développé ses réflexions en côtoyant des hommes non moins exceptionnels : Romain Rolland, Paul Valery, jules Romains, Rudolf Steiner, Vehaeren, Salvador Dali, Rilke, Gorki, James Joyce, Rodin, Richard Strauss, bref il était l'ami et le correspondant de toute l'élite intellectuelle et artistique de l'époque.

On regrette que Zweig n'ait pas trouvé suffisamment de force pour résister au cataclysme du nazisme dont il était l'une des principales cibles. Après guerre son témoignage aurait sans doute été essentiel pour la reconstruction. Il n'a pas voulu assister à l'agonie de l'Europe et a préféré s'empoisonner avec sa femme le 22 février 1942 au Brésil où il s'était réfugié. Depuis une décennie plus aucune de ses oeuvres n'étaient publiées en langue allemande et comme le dit si bien Laurent Seksik dans son livre "Les derniers jours de Stefan Zweig" : "Il écrivait la langue du peuple dont il était banni. est-on encore un écrivain quand on n'est plus lu dans sa langue ? Est-on encore en vie lorsqu'on n'écrit plus de son vivant ?"


Bibliographie :

- "Le monde d'hier , souvenirs d'une Européen", Sefan Zweig, le livre de poche (2020), 506 pages.
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Monument absolu! Ce livre est le testament littéraire de Stefan Zweig qui l'a rédigé en 1941 , avant son suicide en 1942. Ce récit autobiographique retrace les soixante années de l'auteur à travers une Europe dévastée par deux guerres mondiales et les atrocités du régime nazi, cette Europe qu'il ne reconnaît plus et qu'il ne peut plus voir sombrer dans l'horreur. L'écriture et le style propre à Stefan Zweig sont d'une grande richesse et on ne se lasse pas de se laisser emporter dans ce tourbillon à travers l'Histoire du début du XX eme siècle. Un livre absolument nécessaire surtout aujourd'hui où l'on peut entrevoir les failles de nos sociétés.
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La lecture de cet ouvrage de Stefan Zweig me laisse avec des sentiments très partagés .

La lecture est très agréable et Zweig a des histoires à raconter. Les échanges avec des écrivains européens, des musiciens (Strauss), Freud sont d'un grand intérêt . Les grands peintres sont absents!

Mais par ailleurs ce "bourgeois", membre d'une famille juive viennoise faisant partie de l'élite à cette époque, met en évidence l'abîme qui le sépare des vrais gens, de la réalité ordinaire vécue par le "peuple". Ses moyens financiers, sa réputation lui permettent de s'évader au moment opportun (j'aurais pu écrire "fuir") . Il quitte l'Autriche au bon moment, va profiter de "neutralité" encensée de la Suisse (ce qui sonne bien faux!) part en Angleterre, revient , repart!!! En pleine guerre, ses concitoyens souffrent mais il achète des biens immobiliers. Pas vraiment un bon exemple pour les les populations asservies par les nationalismes et le fascisme! Devant aussi peu de courage, on comprend un peu mieux sa démarche qui va le conduire au suicide!

Finalement, un bon conteur, mais certainement pas un maître à penser!
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Vision percutante d'un témoin direct de la montée du nazisme : anticipation de la catastrophe à venir, exil en Angleterre.
Mention spéciale pour la 2e partie : les tentatives franco-anglaises pour maintenir la paix et le fol espoir suscité dans les démocraties.
La perte d'un monde civilisé, un deuil impossible...
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autobiographie de Stefan Zweig qui décrit dans une langue remarquable l'évolution de l'Europe de la période faste de l'avant guerre 14 vers le gouffre de la seconde guerre. Zweig mort avant la fin de la deuxième guerre est persuadé que le nazisme et les fascismes en général ont gagné définitivement la partie ce qui donne à l'ouvrage un aspect crépusculaire désespéré. L'avancée du nazisme en Allemagne et en Autriche par la tactique des petits pas prend tout le monde de court et c'est terrible de voir que progressivement les libertés et le droit sont rognés puis supprimés dans l'incompréhension et l'indifférence générale. L'Europe ouverte, cultivée, libre, riche, va se détruire une première fois dans une guerre imaginée joyeuse et flamboyante pour se révéler un sanglant cloaque, et à peine convalescente de cette tuerie va replonger dans le nationalisme le plus étroit et le plus criminel. Zweig devient apatride, c'est à dire un non-être dans un monde qui s'autodétruit. Si la fin de l'ouvrage est tragique, une grande partie est plus heureuse et décrit la vie artistique et les rencontres littéraires et musicales de l'auteur dans toute l'Europe, panorama exceptionnel de la vie culturelle en Europe entre les deux guerres.
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Témoignage édifiant. Permet de voir la montée du nazisme avec des yeux de citoyen lambda. Il nous dit aussi que avant 1914 les passeports et l'impôt n'existait pour ainsi dire pas
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