L'arbre de Guernica

L'Arbre de Guernica n'est pas un livre sur la guerre d'Espagne, comme son titre pourrait le laisser supposer, mais un excellent polar plein d'humour de Juan Antonio de Blas paru en 1986 et publié chez L'Atalante en 1989 dans la collection Insomniaques et ferroviaires.
C'est toujours une surprise de lire un roman noir espagnol dont l'action ne se déroule pas en Catalogne, mais au pays basque. Ici donc, ni Ramblas, ni mer Méditerranée, mais l'Atlantique, les parties de mus et de pelota au son du txistu et de Kortatu. Et l'avant-propos de Blas ne laisse aucun doute sur le contenu du livre: pas de langue de bois, ni de politiquement correct. Les sujets qui fâchent (nous sommes à la fin des années 80, la situation est explosive), E.T.A., P.N.V., Guardia Civil, identité basque, seront évoqués. En témoignent les premières phrases du roman:
"Dans les lieux communs et les archétypes généraux que les gens prennent pour argent comptant, se dissimule une croyance commune qui tient plus de la foi ingénue que de la réalité scientifiquement véritable.
On considère les histoires drôles sur les nationalités et les ethnies comme la caricature des traits qui leurs sont propres et dont on ne met pas en doute l'authenticité.
L'ennui avec toutes ces croyances populaires, c'est qu'elles sont erronées.
Sigmund Freud (ou un autre du même registre)."
Silvero Garcia, 43 ans, ex journaliste, patron d'une agence de renseignements temporairement fermée à Gijon et spécialiste de l'histoire des baleiniers, se voit confier une bourse d'études par le gouvernement basque pour écrire un ouvrage sur la pêche à la baleine, à Lekeito (Vizcaya). On apprendra certes quelques anecdotes sur la chasse aux cétacés mais les ressemblances avec un roman de Coloane s'arrêtent ici. Car Silverio a une grande gueule, un penchant pour les bars et les bons mots. Très vite, il aura maille à partir avec les nationalistes, les services du renseignements, les batasuneros et les trafiquants de cocaïne. 1986, c'était au siècle dernier. Txomin venait d'être arrêté, Bilbao était encore une sympathique friche industrielle à ciel ouvert , les rapports entre elle et San Sebastian s'avéraient "plus tendus qu'ils ne l'étaient entre Rome et Carthage", les douanes contrôlaient les véhicules à la frontière, et la vie politique basque était si complexe qu'on y comprenait jamais rien. Silvero Garcia, de Gijon, réalisera très rapidement, que si la bouffe est chouette dans la province de Vizcaya, rien ne vaut la quiétude des Asturies.
Roman trépidant pétri d'humour et de sarcasmes, L'Arbre de Guernica est un joyeux coup de pied au cul des idées préconçues et des stéréotypes .