Une sorte de "Magicien d'Oz" version psychédélique
Je ne sais pas pourquoi mais ce roman m'a rapidement fait penser au roman de
Lyman Frank Baum. En effet, on y retrouve certains éléments communs :
- le passage d'un monde réel à un monde totalement fantasmagorique, ici le monde des Doubidous via un phénomène climatique : ici le tonnerre et un éclair de lumière / un cyclone pour Dorothy. A noter que Fidge et Dorothy se trouvent toutes les deux dans une cave au moment où se déroule ce passage d'un monde à l'autre ;
- la présence dans ce nouveau monde d'un personnage tyrannique en apparence mais qui, en fait, ne demande qu'à être aimé, ici le « vilain lapin » Lapirouze. de même, ce dernier est entouré d'une armée de Doubidous bleus à l'image des gardes de la cité d'Emeraude. On retrouve ainsi cette même critique des régimes dictatoriaux perçus dans le roman de Baum ;
- ce lapin, comme le personnage du Magicien d'Oz, détient seul la clé qui permettra à Fidge de revenir dans son monde ;
- Fidge, tout au long de ses recherches dans ce nouveau monde, s'entoure de personnages qui vont tour à tour l'aider dans la résolution de l'énigme de départ : Dre Carotte et Ella l'éléphante en peluche de sa soeur et pas mal de Doubidous, sorte de Smarties sur pattes) ;
- le fait que Fidge a la solution à « son problème » dès le début de son aventure ;
- enfin, le côté leader de Fidge, expression d'un féminisme déjà constaté dans le personnage de Dorothy et qui avait tellement dérangé les plus puritains dans les années 50 sous prétexte qu'une femme ne pouvait être forte.
Rien de surprenant, cependant, dans ce parallélisme dans la mesure où ce roman est une sorte de roman initiatique où l'héroïne se retrouve plongée dans un univers presque psychédélique pour fuir inconsciemment le monde réel où le bonheur semble avoir un peu disparu à ses yeux. Fidge connaît effectivement deux drames intimes : la perte du père mais aussi l'accident de Minnie. On peut alors voir dans ce voyage au pays des Doubidous le moyen pour Fidge d'essayer de trouver une solution à cette souffrance qu'elle a sans doute trop intériorisée, tout comme sa soeur (elle le découvrira au cours de son aventure). La mélancolie du personnage est d'ailleurs très joliment figurée à travers la disparition progressive des couleurs dans le monde des Doubidous, disparition que Fidge devra à tout prix arrêter afin de retrouver goût à la vie.
Là encore résulte l'intérêt des ouvrages parus aux Editions Poulpe Fictions : cette capacité à pouvoir offrir une lecture à plusieurs niveaux de leurs histoires. Il est clair qu'un élève de cycle 3 ne verrait pas le rapprochement avec le roman de
Lyman Frank Baum mais l'interprétation concernant la disparition des couleurs ne devrait pas échapper à ce public. D'autres angles d'étude sont également très faciles d'accès pour des élèves de cet âge. Ainsi, le personnage de Graham, particulièrement pleutre et égoïste, permet de mener en classe un travail sur la peur et l'intérêt d'affronter ses angoisses personnelles afin de les surmonter et de ne plus en être victime. de même, la relation entre Fidge et son cousin qui évolue, tout au long du roman, conduit à réfléchir à la question de l'altérité et de la tolérance. Fidge réalise à quel point juger au premier coup d'oeil est trompeur et l'on sait combien cette question, dans la société qui est la nôtre, est primordiale. Cette aventure montre à quel point affronter les obstacles en s'unissant et en s'appuyant sur les atouts de chacun est bien plus profitable que de rester seul face à l'échec. La référence aux jeux Olympiques (transformés ici en « Sucres Olympiques ») dans la dernière partie de l'ouvrage est d'ailleurs un excellent support de travail pour mener cette réflexion.
Au final, un excellent roman des Editions Poulpe Fictions que je recommande aux petits et aux grands, tant il est riche en sujets de réflexion divers et variés. On notera également la qualité des illustrations totalement déjantées de
Manon Bucciarelli.
Lien :
https://mespetitsplaisirsamo..