A force de courir après le diable, on finit par lui attraper la queue. Mais comme nous le conseille
Shakespeare dans sa grande sagesse, « Vraiment, c'est qu'il faut une longue cuiller à l'homme qui doit manger avec le diable ». Ce cher Harry Angel aurait dû lire La Comédie des Méprises avant de partir à la poursuite de Satan en personne.
A la fin d' Angel Heart. le Sabbat de Central Park de
William Hjortsberg et de son adaptation par Alan Parker, Harry Angel que l'on avait quitté en plein désarroi face à l'abominable vérité s'apprêtait à descendre en Enfer , au propre comme au figuré, pour le prix de ses crimes. le roman se terminait. Demeurait un excellent souvenir de lecture et un film noir à souhait que l'on prend toujours plaisir à revoir.
Or il existait une suite, publiée à titre posthume, et l'on se demande quel en était l'intérêt puisque
Hjortsberg concluait l'histoire de façon magistrale. J'ai bien tenté de résister à son incantation, mais j'ai craqué. Je l'ai lue.
Dévoiler l'intrigue de
L'Ange de l'enfer serait un crime. Sans divulgâcher, on peut dire qu'arrêté par la police new-yorkaise, Harry Angel parvient à s'évader et décide de s'attaquer à Louis Cyphre. Toujours incrédule, incapable de se remémorer son passé - est-il le privé Harry Angel, ou le crooner adepte du vaudou Johnny Favorite?- il quitte les Etats-Unis pour la France où se trouverait Lucifer.
Les sinistres aventures du privé Angel avaient débuté dans un univers urbain, avant de basculer dans les bayous de Louisiane et le surnaturel. Avec
L'Ange de l'enfer, elles se poursuivent dans le Paris de la fin des années 50, puis à Rome et au Vatican. Mais quelque part entre les murs des villes européennes, existe un monde mystérieux, celui des sciences occultes et du vaudou. Angel est redevenu Favorite, le gibier est chasseur sur les traces de l'insaisissable Cyphre aux mille visages et aux mille ruses.
J'ai littéralement dévoré le roman, impatiente d'en connaître une nouvelle fois le dénouement, parfois tentée de passer la marche arrière et d'en stopper la lecture quand
Hjortsberg prenait la route du Vatican, de Jésus, et des Conciles, craignant un virage de pacotille à la Da Vinci Code. Mais sans Dieu, point de Diable, et finalement, on accepte de poursuivre cette aventure riche de nouvelles trouvailles, comme celle de faire de
William S. Burroughs un personnage secondaire, de parcourir avec Favorite les meilleures tables de la Capitale et les meilleurs clubs de jazz. On éprouvait de la sympathie pour ce pauvre Harry Angel, Privé largué et un peu crasseux, on ressent un profond dégoût pour Johnny Favorite, dont le coeur noir prend toute la place. le basculement dans la psychologie du personnage et dans l'intrigue opéré par
William Hjortsberg est finalement judicieux, il évite une pâle resucée du précédent. Plus que jamais, qui veut faire l'Ange fait la Bête, et on sort de cette lecture très addictive un peu assommée.