Pourquoi
Jean-Jacques Rousseau n'a-t-il pas élevé ses propres enfants ?
Il aurait fait un merveilleux père et un bon précepteur, car Emile, ou, de l'éducation me semble un ouvrage parfait, pour le fond, riche, et sa recherche est fouillée, et compte tenu de l'époque (1762 ) !
Je reviendrai là-dessus, mais pour ce qui est de l'oeuvre, elle se décompose en deux tomes qui totalisent cinq livres ( bébé, petit enfant, grand enfant, adolescent, jeune adulte ). C'est le "J'élève mon enfant" de l'époque, mais plus vaste, et beaucoup plus précis que les livres produits par des précepteurs de l'époque classique et romantique ; il est aussi plus révolutionnaire : en effet, Rousseau s'étend longuement sur l'adolescence ( livre IV ), avec les conversations du vicaire savoyard répudié, dont la pensée se rapproche du déisme ; en effet, en ce temps-là, l'on passait directement de l'enfance à l'âge adulte, alors que le vicaire apprend à Emile, lors de son adolescence, à penser et à forger sa propre opinion. Il faut dire qu'Emile est un garçon de milieu aisé qui n'a pas besoin de travailler, et a donc le temps d'apprendre à penser.
Dans le livre V, Rousseau se transforme en Mentor d'Emile pour lui apprendre à choisir librement, et non contraint comme à l'époque par des parents qui visent une situation, la compagne qui lui correspond ; ce sera Sophie.
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Tout cela est très moderne, en avance sur son temps, etc...
Alors, pourquoi seulement trois étoiles, compte tenu que j'ai, contrairement à
Voltaire et d'autres, dissocié la conduite de Rousseau père (abandon) de Rousseau écrivain.
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D'abord, le style est souvent ampoulé comme souvent au XVIIIè siècle, et je déteste ça ( même s'il y a de superbes formules lapidaires que j'ai retranscrites en citations ).
La matière est dense, le style n'est pas fluide, et je sais que je lis lentement, mais là, j'ai mis 15 jours !
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Ensuite, Emile est un personnage idéalisé, je le sens ; Rousseau veut former l'humain, peut être comme on dresserait un cheval ou un chien, et même si parfois Emile fait quelques rebuffades, colères ou bouderies humaines vis à vis du vicaire ou de son mentor.
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Enfin, j'ai relevé quelques contradictions, notamment celle qui consiste à dénigrer les philosophes, alors que lui-même propose, peut être sans se rendre compte, un système philosophique que je trouve intéressant, où, grosso modo :
la raison, si l'homme veut garder sa liberté, doit, aidée de la "pleine" conscience, maîtriser le coeur, l'imagination et les sens (cette action de maîtrise est appelée vertu), et encadrer, limiter, borner la passion, afin de se détacher, ne pas souffrir le jour où la passion s'échappe.
Voilà !
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Maintenant, je sors de la critique, sinon, je lui mets zéro étoile :
En ce qui concerne ses cinq enfants, dont quatre son morts après l'abandon, je crois, je pense comme beaucoup, que c'est une faute inexcusable !
Rousseau assume sa faute en disant que la famille de sa femme, Marie-Thérèse Levasseur, était tyrannique.
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Qu'est allé faire
Jean-Jacques Rousseau dans cette galère ? N'a-t-il pas "maîtrisé son coeur", comme il le martèle dans son ouvrage ?