Si vous aimez
Jane Austen, ne passez pas à côté de cette veuve Barnaby...
Bien que née juste cinq ans après
Jane Austen, contrairement à elle,
Frances Trollope commença sa carrière d'écrivain fort tard à 55 ans, aussi lorsque
La Veuve Barnaby parait en 1839,
Jane Austen est décédée (1817), et son oeuvre connue et reconnue.
Et
Frances Trollope y fait allusion par de multiples clins d'oeil, à commencer par le nom de l'héroïne
Agnés Willougby...Née dans le même milieu, ayant grandi pas très loin l'une de l'autre, elles décrivent toutes les deux peu ou prou la même chose, la vie de province dans la petite bourgeoisie obnubilée par l'idée de faire un beau mariage. Manigances, condition féminine , leur oeil passe au scanner le quotidien et les moeurs de l'époque, la condition des enfants "chosifiés"( pauvres petits paquets balotés de l'un à l'autre sans qu'ils aient leur mot à dire, éloignés pendant des années),avec un ton caustique et humoristique.
Frances Trollope étant plus grinçante, et son histoire plus lente .
Car il faut un moment au lecteur pour que l'histoire s'envole enfin, et que Martha devienne
la Veuve Barnaby. L' écrivain prenant vraiment le temps d'installer son histoire...
A la mort de Mr Compton, contrairement à l'usage , ce bon père de famille a partagé sa fortune entre ses deux enfants, son fils le révérend Josiah (à qui toute la fortune devait revenir) et sa fille Betsy Compton, malheureusement bossue . Alors que le fils dilapide sa fortune à l'aide de sa harpie de femme, et de ses filles très mal éduquées et pas d'une honnêteté scrupuleuse , Betsy Compton elle, pas dépensière pour trois sous, a su faire fructifier son bas de laine et n'aidera jamais la famille de son frère, dégoûtée par tant de vulgarité . L'une des filles se marie et meurt en couche laissant une petite
Agnés , orpheline, puisque le père quitte l'Angleterre, et l'autre Martha , épouse le pharmacien local, Mr Barnaby.
Bientôt , il ne reste plus que Betsy Compton qui se chargera de l'éducation de la petite en payant une pension, et Martha devenue, Veuve Barnaby. L'éducation d'
Agnés prenant fin aux dix-sept ans de la jeune fille, Betsy Compton estimant en avoir assez fait , ayant assez payé, ne voulant plus entendre parler de cette branche de la famille déshonorante, c'est Martha qui va se charger d'elle, voyant toutes les opportunités qu'elle peut tirer de son statut de "tante méritante", sortant sa pauvre nièce devant faire ses premiers pas dans le monde, profitant de sa beauté. C'est que la Veuve Barbaby n'a pas l'intention de porter le noir très longtemps... Habits de deuil qu'elle va s'empresser de refourguer à sa nièce, " c'est qu'elle fait tant pour elle !".
Alors, vous allez aimer détester ce personnage de "méchante", cette veuve qui est d'un égoïsme crasse, tournant tout à son avantage, n'en ayant strictement rien à faire de sa nièce, dépensant sans compter pour elle-même, ses toilettes , son bien-être.
Comment ne ps voir les clins d'oeil à jane Austen ?
Il y a du personnage de Mrs Bennet en elle, au niveau de sa vulgarité et de la façon dont cela dessert les membres de sa famille. Martha et sa soeur, jeunes filles, font penser aux soeurs d'Elisabeth Bennet, obsédées par leurs toilettes, cherchant à tout prix un beau militaire. Il y a dans l'abnégation d'
Agnés , un peu de la Fanny
Price de
Mansfield Park (1814).
Mais j'ai trouvé que
la veuve Barnaby faisait aussi beaucoup penser à Molière ! Qu'elle est précieuse et ridicule cette veuve, si avare pour sa nièce, si dépensière pour elle, argumentant avec beaucoup d'aplomb pour justifier ses décisions et tout tourner à son avantage, déformant la réalité. Elle est si drôle, quand on sait savourer ses répliques.
Frances Trollope d'ailleurs , saura quitter le personnage d'
Agnes quand elle sera (enfin) heureuse pour mieux nous raconter jusqu'à la fin, dans une ultime pirouette du destin, ce qu'il advient de
la veuve Barnaby qui ne baisse jamais les bras quand il s'agit de la gent masculine.
Six cent vingt et une pages de pur bonheur, que j'ai lu lentement , histoire de faire durer le plaisir. Ciel, que ces écrivains au XIX e siècle écrivaient bien !