Quand j'ai commencé à m'intéresser à la littérature de l'imaginaire, jeune adolescente, il y avait énormément de longues séries depuis devenues des classiques qui me faisaient de l'oeil, mais je ne pouvais pas tout acheter ni lire, en plus tous les tomes n'étaient pas disponibles. La Ballade de Pern et ses dragons ont longtemps fait partie de mes regrets, je suis donc ravie de voir Pocket rééditer celle-ci cette année !
Anne McCaffrey est l'une des autrices classiques de l'imaginaire qui a un peu disparu du panorama de nos librairies et je le regrette car elle proposait une SF peuplée de dragons et de valeurs féministes pour l'époque. Elle a créé un imaginaire fort qui est encore très présent chez les auteurs qui l'ont suivie, la preuve, cette Ballade de Pern, c'est Avatar avec des dragons et des dauphins !
Pour cette réédition, Pocket propose 5 semi-poches regroupant 15 des romans de la saga (ceux écrit par l'autrice toute seule, car ensuite elle continua avec ses enfants), dans une approche à peu près chronologique de l'univers et non des parutions, ce qui crée un peu la polémique chez les fans de l'autrice. Certains proposent de suivre la chronologie de la parution de l'autrice, d'autres la chronologie de la saga comme le fait à peu près l'éditeur et d'autres encore réagençant les différents cycles la composant différemment pour ménager des effets de surprise. Et même en leur sein, ils ne sont encore pas d'accord et proposent d'autres ordres. Face à toutes ces propositions parfois contraires, j'ai décidé de faire confiance à l'éditeur et pour l'instant ça se présente bien, à part un roman au milieu que j'aurais plutôt mis à la fin de cette intégrale. On en reparlera quand j'aurai tout lu mais j'en ai pour quelques mois, je crois, vu l'ampleur de la tâche. En attendant, ces intégrales bien épaisses sont fort agréables en main, ont des couvertures qui claquent et donnent envie, et proposent de réunir à chaque fois les tomes autour de grands cycles : ici celui des Origines.
En amatrice d'histoires de dragons, La Ballade de Pern fut de tout temps une grande tentation et je suis ravie d'y avoir cédé ici.
Anne McCaffrey nous embarque dans un univers plein de surprises et d'émerveillement qu'elle a bâti comme un planet opera des plus sensibles et addictifs. Dans un univers encore plus vaste que la seule planète Pern où des colons ont trouvé refuge, elle imagine une humanité qui voyage dans les étoiles, sont au contact d'une autre civilisation, et ont appris à faire évoluer eux-mêmes d'autres espèces pour les adapter à leurs besoins. Voilà qu'une branche d'entre eux atterrit sur Pern, une planète pas exactement faite pour eux, puisqu'en plus d'y trouver des espèces étranges, il y « pleut » tous les 20 ans à peu près d'étranges « fils » qui dévastent tout sur leur passage. Nos colons vont devoir s'adapter.
Écrit de manière totalement addictive, ce récit nous embarque dans les mécanismes de la colonisation d'une planète et de la cohabitation avec des espèces et phénomènes naturels déjà bien présents qu'on ne peut faire disparaître. L'autrice choisit une solution pacifique en quelque sorte pour lutter en apprenant à ses colons à connaître leur environnement et en s'adaptant à lui avec l'aide d'éléments préexistants. J'ai beaucoup aimé cette douce utilisation de la science avec la découverte des « dragonets » et leur évolution, transformation par l'homme en « dragons », puis sa lente disparition au fil des générations en se rendant compte de son obsolescence. J'ai beaucoup aimé l'alliance qui va naître entre les dragons et les colons, comme quelques années plus tard entre les dauphins et eux. L'autrice imagine une belle symbiose entre ces espèces et développe des histoires pleines de sel où ils ont leur mot à dire !
Bien que d'un roman à l'autre, on passe d'une génération à l'autre de personnages, c'est toujours le lien qui se crée entre la nature, les animaux et les colons qui est plaisant à suivre. J'ai beaucoup aimé les duos de « chevaliers-dragons » qui naissent dans le premier tome où on suit les premiers temps de ces métamorphoses forcées par l'homme qui débouchent sur des relations amicales fascinantes avec leur future monture et arme de guerre pensante. J'ai aimé retrouver cela de manière plus détaillée dans le 3e roman qui se passe un peu plus de 200 ans plus tard, ce qui a laissé le temps à toute une organisation de se développer autour de ce concept. J'ai aussi trouvé très intéressant, mais cela m'a moins passionnée, la relation naissante entre les générations suivantes de colons et les dauphins qu'ils ont emmenés et oubliés, et qui ont appris à communiquer avec eux dans leur langue avec quelques petites modifications. A chaque fois, l'animal sait montrer son utilité envers l'homme (détruire les fils pour les Dragons, guérir pour les Dauphins), le poussant à les accepter comme des égaux et non une race inférieure.
On sent en plus dans la plume de
McCaffrey un je ne sais quoi de féministe et écologiste avant l'heure. L'autrice n'hésite pas à glisser à plusieurs reprise des remarques frondeuses sur la limitation des rôles genrés par la société que les colons reproduisent jusque dans leurs manipulations génétiques et les places qu'ils attribuent à leurs créations féminines et aux femmes dans leurs rangs. Alors ce n'est pas ouvertement mis en avant mais ça fait partie du récit. de la même façon, il n'y a pas une terraformation de la planète Pern par les humains mais plutôt une adaptation de ceux-ci à leur environnement, cherchant à trouver l'habitat parfait pour cette vie plus rude là-bas, cherchant à combattre de manière « naturelle » les menaces qui pèsent sur eux avec les fils, et rejetant en marge du récit tout ce qui est technologique, tout ce qui vient de leur ancienne vie dans l'espace. C'est ainsi une SF plus douce et c'est ce qui me fait dire que c'est une sorte d'Avatar avant l'heure avec des dragons et des dauphins.
Le défaut cependant de ce type d'intégrale, c'est qu'à vouloir lire les romans à la suite comme moi, sans pause, on sent des différences de niveaux entre eux, notamment quand ils n'ont pas du tout été écrits dans la même décennie. L'autre défaut étant que ce rythme de lecture pousse à vouloir trouver et ressentir des liens entre les histoires, ce qui n'est pas forcément le cas, car ce n'était pas l'intention première de l'autrice. Elle voulait créer un univers et nous présenter des instantanés de celui-ci à différents moments de son existence et non créer une fresque comme Herbert et son Dune, elle était plus une
Asimov aux premiers temps de Fondation qui faisait de sacrés bonds dans le temps et l'espace. Il faut donc accepter cela et se laisser porter pour aller creuser chaque petit point mis en avant dans les différentes histoires.
Alors je remercie Pocket de me permettre enfin de découvrir cet univers fondateur de l'imaginaire et de retrouver cette autrice aux idées douces mais engagée, à la fibre écolo et féministe, développant de belles relations entre humains et animaux de cette si étrange et rude planète qu'ils viennent coloniser. Sorte d'Avatar avant l'heure mais sans la dimension militaire, c'est le genre de SF planet opera dans laquelle je me sens terriblement bien grâce à la plume douce et immersive de l'autrice.
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