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Critiques de Javier Cercas (526)
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Terra Alta

Javier Cercas est sans doute le grand écrivain espagnol de ces dernières années. Le voir s’attaquer au polar est forcément très excitant. Et c’est une totale réussite car il est parvenu à manier avec respect les conventions du genre tout en y injectant l’ADN de ses romans précédents, à savoir une réflexion profonde sur l’héritage de l’histoire espagnole ( la guerre civile évidemment et le franquisme ) et comment elle façonne le territoire et les esprits encore aujourd’hui.



Une terre aride, déshéritée et inhospitalière au fin fond de la Catalogne intérieure. Un triple assassinat, un couple de riches nonagénaires et sa domestique. Un carnage, ils ont été atrocement torturés de leur vivant. Un flic. Une enquête tortueuse, laborieuse et au bout la vérité, sale, bien sale. On est bien dans le polar, avec une intrigue très détaillée, des rebondissements, des pièces du puzzle qu’ont pensé fausses pistes et qui se révèlent essentielles pour comprendre les ressorts profonds, cachés du crime. On se sent assurément en terra cognita polardesque …



… mais très vite, on devine que Javier Cercas ne va pas se contenter d’un simple polar, tout réussi qu’il soit. Ce qui l’intéresse, c’est de montrer de quoi sont faits les êtres humains, dans toute leur complexité. Et pour cela, il sert au lecteur un personnage principal absolument extraordinaire : le charismatique flic Melchor Marin. Le mystère du roman, c’est autant les raisons du massacre du richissime industriel cacique local ( avec en dommages collatéraux son épouse et sa bonne ), que la personnalité de Melchor, éclairée par des chapitres alternés remontant son passé de malfrat repenti en flic justicier. Je me suis surprise à presque plus attendre ces chapitres-là que ceux de la résolution de l’enquête.



Melchor est un personnage d’autant plus fascinant qu’il s’est approprié Les Misérables de Victor Hugo, découvert en prison, comme « un vade-mecum vital ou philosophique, un livre oracle ou sapiental, un objet de réflexion à explorer tel un kaléidoscope, infiniment intelligent, un miroir et une hache. » Melchor ne lit pour des raisons culturelles, il lit pour des raisons vitales, considérant la littérature comme une manière de vivre plus intensément, plus richement, un moyen de comprendre sa vie.



C’est passionnant de suivre son identité vacillante, de le voir relire les Misérables au diapason de sa propre évolution, s’identifiant d’abord à un Jean Valjean carburant au ressentiment, pour lequel la vie est une guerre, puis à Javert avec sa droiture halluciné au sens de la justice extrême, avec en ligne d’horizon Monsieur Madeleine qui parvient à vivre loin de toute haine. Même si on a n’a pas lu le chef d’œuvre de Hugo, on comprend parfaitement le parcours qui l’a conduit à ce qu’il est au moment de l’enquête et le conduira à son après.



Terra alta est une réflexion palpitante sur la justice autour de la tension entre justice intime et justice légale. Lorsque deux vérités contradictoires fondés sur des raisonnements justes s’affrontent, quelle justice doit s’imposer ? Ce questionnement est d’autant plus intense que s’y invite l’histoire espagnole : récente ( les attentats de Cambrils en 2017 ) et plus ancienne, toujours cette fichue guerre d’Espagne qui a laissé des traces profondes, c’est dans ce comarque de Terra alta ( province de Tarragone ) qu’a lieu la bataille de l’Ebre, 113 jours de féroces combats qui a précipité la chute de la République espagnole.



« La bataille n’a fait que laisser des blessures invisibles. Les tranchées, les ruines, les collines jonchées d’éclats d’obus, toutes ces choses que les touristes aiment tant. Mais les vraies blessures, ce ne sont pas celles-là. Ce sont celles que personne ne voit. Celles que les gens conservent secrètement. Ce sont elles qui expliquent tout mais, de celles-ci, personne n’en parle. »



Effectivement, ce sont ces blessures secrètes héritées qui sont la clef du roman, comme si le passé était encore une dimension du présent, Melchor devant trouver sa voie pour essayer de savoir s’il lui est possible de vivre sans haine, d’oublier et de pardonner.



Remarquable ! Je me suis régalée de bout en bout !
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Terra Alta

Melchor Marin vit et travaille en Terra Alta, cette région rurale isolée, située dans les terres de l’Èbre, au sud de la Catalogne.

Ancien délinquant, c’est en prison qu’il a découvert Les Misérables de Victor Hugo et, fasciné par Jean Valjean et Javert, il a repris ses études pour devenir policier afin d’élucider l’assassinat de sa mère, prostituée, battue à mort.

Ayant réussi les concours, il est engagé et devient un héros après avoir abattu quatre terroristes lors des attentats islamistes qui ont ensanglanté Barcelone et Cambrils en août 2017.

Pour retrouver l’anonymat après cet acte de bravoure, sa hiérarchie l’envoie en poste dans ce lieu isolé qu’est la Terra Alta.

Quatre ans après son arrivée sur ces terres catalanes qui portent encore les stigmates de la bataille de l’Èbre, Melchor se sent l’homme le plus chanceux du monde auprès de sa femme Olga et de leur petite Cosette.

C’est alors que dans cette région où il ne se passe jamais rien, aux dires d’un de ses collègues policiers, sont découverts dans leur demeure isolée, les corps torturés et déchiquetés d’un richissime industriel nonagénaire et de sa femme ainsi que le corps de leur domestique roumaine.

Les deux victimes Francisco et Rosa, sont propriétaires et seuls actionnaires de l’entreprise la plus importante de la Terra Alta, les Cartonneries Adell qui emploient la plupart des habitants du coin.

Il va s’avérer qu’ils étaient également tous deux membres de l’Opus Dei.

Tout le village est bien vite au courant : « On n’a pas autant parlé de la Terra Alta depuis la bataille de l’Èbre ».

Melchor, premier enquêteur sur les lieux, vu qu’il était de service cette nuit-là, va devoir avec son équipe retrouver les auteurs de ce crime épouvantable. L’enquête promet d’être ardue, la porte n’a pas été forcée, les caméras ont été débranchées, quasiment aucun indice ni mobile, tout a été fait avec minutie. Ce genre de personnages s’est sans doute attiré des ennemis, mais qui peuvent bien être les auteurs capables de s’acharner ainsi sur des vieillards ou les commanditaires d’un crime aussi horrible ?

Deux énigmes cohabitent dans le roman, à savoir qui est l’assassin et qui est ce « héros de Cambrils », surnom donné par la presse à ce policier.

Javier Cercas nous invite à suivre au plus près et de façon haletante cette enquête à rebondissements et la résolution de ces deux questions en alternant l’histoire personnelle de Melchor et les investigations qu’il mène avec ses compagnons.

Terra Alta est un roman policier intense, extrêmement captivant et d’autant plus intéressant et enrichissant que l’auteur y insère un peu de politique avec les indépendantistes catalans, le franquisme et la guerre d’Espagne qui a tellement bouleversé ce pays. Y est plus particulièrement évoquée la bataille de l’Èbre dont les cicatrices sont encore présentes et si certaines sont visibles, « les vraies blessures, ce ne sont pas celles-là. Ce sont celles que les gens conservent secrètement ». Ces paroles prononcées par Olga, l’épouse de Melchor préfigurent quasiment le dénouement.

Javier Cercas maîtrise avec finesse la psychologie de ses personnages, dévoilant peu à peu leur véritable personnalité.

Terra Alta est un profond hommage à la littérature et à la lecture avec pour fil rouge Les Misérables de Victor Hugo, véritable bouée de sauvetage pour Melchor. Javier Cercas a une maîtrise absolue pour planter un décor et traduire une atmosphère, et il m’est apparu, tel un peintre, jouant magnifiquement avec la lumière, réussissant à créer des ambiances aussi bien lumineuses que très sombres.

Difficile de ne pas être en empathie avec ce héros, ce personnage complexe tellement attachant, dont la vie est semée de drames, cet homme assoiffé de justice qui, même lorsque les autorités décident de clore l’enquête, faute de résultats, s’obstine à continuer.

J’ai trouvé Terra Alta, ce polar sur fond social, politique et historique, fabuleux et absolument passionnant de bout en bout.


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Terra Alta

Prenant, angoissant, émouvant, révoltant, touchant au plus profond de l’âme humaine et de ses contradictions, Terra Alta, de Javier Cercas, m’a fait vivre d’intenses moments sur les pas de Melchor Marín, un garçon pas épargné du tout par la vie.

Bien que sa mère qui se prostitue à Barcelone, l’ait mis en garde, ait fait le maximum pour qu’il soit éduqué de la meilleure des façons, Melchor n’en fait qu’à sa tête. Rapidement, il plonge dans le trafic de drogue, apprend à tirer, se brouille avec les Colombiens et finit en prison.

C’est là qu’il fait connaissance avec Domingo Vivales, un avocat payé par sa mère, Rosario. S’il joue au dur après sa condamnation à quatre ans, c’est à la bibliothèque qu’il se lie d’amitié avec un Français, Gilles. Celui-ci lui fait découvrir et lire Les Misérables. Jean Valjean, Monsieur Madeleine, Javert reviendront souvent dans Terra Alta, ne quittant jamais vraiment l’esprit de Melchor.

Quand sa mère est assassinée, Melchor décide d’entrer dans la police pour retrouver le ou les meurtriers et Vivales lui apporte une aide précieuse.

Justement, Terra Alta avait débuté dans cette comarque, un district catalan dont le chef-lieu est Gandesa. La Terra Alta est bordée par l’Èbre ce qui me fait penser aussitôt à la terrible bataille qui s’y déroula durant la guerre civile espagnole (1936 – 1939).

Dans mes lectures récentes, je n’oublie pas l’excellent roman de Laurine Roux, L’autre moitié du monde (Prix Orange 2022). L’action se déroulait dans les rizières du delta de l’Èbre, ce fleuve espagnol de près de mille kilomètres. Ici, comme le titre l’indique, Javier Cercas m’emmène sur les hauteurs, sur des terres plus arides, bien moins peuplées.

L’histoire débute fort avec une scène horrible, au mas des Adell. Le patron des Cartonneries Adell et son épouse, deux personnes âgées, ont été torturées et massacrées. Avec leurs usines, les Adell sont les plus fortunés de la région, donnant du travail à beaucoup de monde. La police déploie donc les grands moyens pour tenter de résoudre ce triple crime puisqu’une employée a été retrouvée abattue d’une balle dans sa chambre.

Bien sûr, Melchor est au cœur de l’action, lui qui vit heureux à Gandesa avec Olga, son épouse, et Cosette, leur fille.

Après cette entrée en matière ultra-violente, Javier Cercas me fait connaître l’histoire de Melchor, une histoire dont j’ai donné les premiers éléments. Entre les retours en arrière et le déroulement de l’enquête, je suis littéralement happé par le récit dans lequel je retrouve les soucis d’indépendance de la Catalogne et surtout les drames ineffaçables de la guerre civile.

Le passé de Melchor est captivant mais ce garçon me fait trembler chaque fois qu’il agit. C’est d’ailleurs une de ses interventions spectaculaires qui lui a valu son affectation en Terra Alta, loin de Barcelone où il exerçait normalement.

Jalousies, suspicions, compromissions entre policiers, drames ayant divisé la population frappée très durement par l’affrontement sans merci entre anarchistes et franquistes, Javier Cercas mène remarquablement son thriller, tout en s’appuyant sur les leçons données par Victor Hugo dans Les Misérables. Melchor sera-t-il Jean Valjean ou Javert ?

À vous de le découvrir en lisant Terra Alta !


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Indépendance

Embarqué dans Indépendance, le second tome de la trilogie consacrée à Melchor Marín, ce policier passionné par Les Misérables, de Victor Hugo - livre que Melchor a découvert en prison – j’ai encore été comblé.

Javier Cercas poursuit donc Terra Alta, un livre dont Melchor entend parler à plusieurs reprises. Taquin, l’auteur lance quelques clins d’œil à son premier livre qui alternait entre cette comarque et la capitale de la Catalogne.

Fidèle à son style percutant, Javier Cercas débute Indépendance par une scène terrible d’efficacité, montrant Melchor en pleine action pour faire cesser la prostitution de jeunes africaines mineures ou à peine majeures.

Le rythme du récit ralentit ensuite un peu car il faut bien rappeler l’essentiel de ce qui s’est passé pour celles et ceux qui n’auraient pas lu Terra Alta. D’ailleurs, c’est aussi utile pour les autres…

Melchor, toujours flic, est de plus en plus passionné de lecture. Cette activité, en plus, le rattache à Olga (1978-2021), son épouse qui était bibliothécaire. Il élève seul Cosette, leur fille, depuis que sa mère a été tuée ou plutôt assassinée en pleine rue, par une voiture, quatre ans plus tôt.

Bien qu’il ait été muté en Terra Alta pour sa sécurité après avoir abattu des islamistes en 2017, il demande à retourner à Barcelone, à l’unité des enlèvements et extorsions.

Melchor n’a pas oublié l’assassinat de sa mère qui se prostituait dans la ville. Il ne désespère pas de retrouver les ordures qui lui ont fait subir une mort atroce.

Dans sa nouvelle affectation, Melchor retrouve Blai qui le traite régulièrement d’ « Espagnolard » et lui confie une enquête bien délicate à propos de la maire de la ville, victime d’un chantage à propos d’une vidéo de sexe.

Vivales, personnage important de l’histoire, est un avocat qui défend les pauvres et les opprimés. C’est lui qui a sorti Melchor de l’ornière où il se trouvait et c’est chez lui, à Barcelone, que Melchor et Cosette logent, Vivales se révélant un père de substitution chaque fois que Melchor est empêché par son enquête.

Mais, que se passe-t-il ? Javier Cercas, romancier habile, glisse une discussion très intéressante entre deux hommes. Même si je me doute de l’identité de celui qui écoute, je suis vite passionné par les révélations de son confident. Cet homme décortique patiemment, avec force détails, toutes les turpitudes de la haute bourgeoisie barcelonaise. Ces gens ont l’argent et le pouvoir. Ils tentent même de revendiquer l’indépendance de leur province, ce qui sera un fiasco monumental. L’inconnu raconte, parle de Vidal, Casas et Rosell, fils de grandes et belles familles... Lui, fils d’un député de gauche, faisant partie du groupe socialiste, à Madrid, est tout heureux d’être accepté par le trio.

Il faut lire ces révélations puis retomber dans l’enquête minutieuse de Melchor, attendre impatiemment le retour des confidences, jolie façon de mener Indépendance. Javier Cercas va même plus loin en fin d’ouvrage puisqu’il mêle même la fin des révélations aux discussions menées dans le feu de l’action.

Avec un souci du détail honorable, Javier Cercas me promène dans les rues de Barcelone puis dans toute la Catalogne, m’emmenant même jusqu’en Andorre. Cela vaudrait le coup de mettre au point un circuit qui permettrait de découvrir la ville, même si un crochet par les Ramblas me rappelle de bons souvenirs.

Chapeau Monsieur Cercas !


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Le château de Barbe Bleue

Avec Le Château de Barbe-Bleue – El Castillo de Barbazul, en espagnol, j’adore ! – Javier Cercas clôt sa trilogie par un récit encore plus fort que les précédents, déjà excellents : Terra Alta et Indépendance.

Retrouver Melchor Marín, son héros pas épargné par la vie me plaît beaucoup, même s’il n’est plus dans la police mais… bibliothécaire ! Cette reconversion est assez logique, finalement, pour cet homme sauvé de la délinquance grâce à la lecture des Misérables de Victor Hugo. Après ses exploits face aux islamistes, il avait réalisé ensuite des prouesses en Terra Alta puis épousé la bibliothécaire de Gandesa, hélas assassinée, et c’est leur fille, Cosette, qui est au centre de ce troisième volet censé se dérouler en 2035.

Entre les deux, Melchor avait dû se dépatouiller avec une histoire de chantage à la sextape mettant en péril la maire de Barcelone, ce qui avait pu l’orienter vers les odieux assassins de sa mère qui se prostituait dans cette même ville.

Bien sûr, Javier Cercas rappelle, fait allusion aux événements précédents et continue dans l’autodérision en faisant parler plusieurs personnages de ces deux livres précédents que Melchor n’a toujours pas lus…

Côté sentimental, Melchor a une liaison avec Rosa Adell qui dirige les cartonneries du même nom. Si vous avez lu Terra Alta, ce nom vous dit sûrement quelque chose. Cet amour qui se construit avec cette femme qui a quinze ans de plus, est fort précieux pour lui car, avec Cosette, le courant ne passe plus. En effet, à l’adolescence, elle a changé. Quand elle apprend que son père ne lui a pas dit la vérité sur la mort de sa mère, elle est furieuse. Juste avant de partir pour les Baléares avec son amie Elisa, Cosette (17 ans) et Melchor se sont disputés.

Qu’importe, Melchor, toujours amateur de romans du XIXe siècle et, en particulier, de l’auteur russe Tourgueniev, attend sa fille à l’arrêt du bus de Gandesa. Surprise. Si Elisa arrive bien, pas de Cosette restée à Majorque d’après son amie. Traumatisé, Melchor tente d’appeler sa fille sans succès, rentre chez Rosa tel un somnambule. Débute alors une recherche palpitante menée encore une fois avec tout le brio dont est capable Javier Cercas.

Structuré en quatre grandes parties plus un épilogue, Le Château de Barbe-Bleue est parfaitement maîtrisé par l’auteur. La première et la troisième parties se déroulent principalement en Terra Alta alors que les deux autres s’intitulent Pollença, cette ville touristique des Baléares où l’auteur m’entraîne sur les pas de Melchor. Chacune de ces quatre parties débute par un texte très dense, en italiques, dans lequel Cosette se confie, donne son point de vue, fait appel à ses souvenirs et permet de comprendre ce qu’elle vit.

S’il ne faut pas en dire plus, il est quand même important de parler de ce Barbe-Bleue comme est surnommé localement Rafael Mattson, multimillionnaire américain d’origine suédoise qui n’hésite pas à se divertir sexuellement en violant de très jeunes filles ou femmes, cela en compagnie de personnalités de tous bords.

J’ajoute enfin que Melchor retrouve de vieux compères comme Blai, Vàsquez, Salom plus une certaine Paca Poch qui ne manque pas d’allant et Damian Carrasco, relais primordial pour l’action entreprise.

Passionnant, émouvant, palpitant, fouillé sur le plan psychologique, ne négligeant rien pour suivre les déplacements de Melchor, Le Château de Barbe-Bleue (Barbazul) est un formidable thriller que Javier Cercas sait conclure avec un épilogue complet et détaillé, essentiel pour le lecteur attentif que je suis, un peu triste de refermer un tel bouquin et d’abandonner un personnage aussi attachant que Melchor.


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Indépendance

Après Terra Alta, Indépendance est le deuxième tome d’une trilogie policière. M’en étant rendue compte trop tard, et bien qu’il puisse aisément se lire indépendamment, je n’ai qu’une hâte, me plonger maintenant, rapidement dans le premier.

Melchor Marín, fils d’une prostituée a connu la prison avant d’entrer dans la police pour venger les assassins de sa mère. Après s’être montré héroïque en abattant quatre terroristes lors d’un attentat islamiste à Cambrils en 2017, il avait été affecté au commissariat de Gandesa en Terra Alta, une comarque à l'extrême sud de la Catalogne, une région supposée paisible.

Si la placidité rurale du commissariat lui fait beaucoup de bien, il n’en sera plus de même après la mort de sa femme Olga. Il demande alors d’être muté à Barcelone où il part avec son enfant Cosette. Puis, ne pouvant se défaire de ses pires souvenirs, il décide de retourner en Terra Alta.

2025. Alors qu’il songe à changer de carrière et à devenir bibliothécaire, tant il aime les livres, « Les Misérables » de Victor Hugo ayant bouleversé son existence, il doit à nouveau, quitter provisoirement sa terre d’adoption, appelé pour prêter main-forte aux services de police de Barcelone, où il doit intégrer momentanément l'équipe de l'unité centrale des enlèvements et extorsions.

L’inspecteur Melchor se retrouve alors au cœur d’une enquête où la célérité et la discrétion sont de mise, la victime étant la maire de la ville.

Celle-ci, Virginia Oliver, est victime d’un chantage à la « sextape », chantage financier qui va rapidement être assorti d’une demande de démission de l’édile. Il apparaît évident qu’il est le fruit d’une manœuvre politique visant à déstabiliser la mairie pour favoriser quelques intérêts.

Très vite, l’inspecteur est sur la piste de trois hommes de pouvoir, issus des familles les plus puissantes de Barcelone et d’un quatrième issu d’un milieu moins favorisé que ces derniers. Melchor va devoir déterminer si les motifs de l’extorsion de fonds sont financiers, politiques, ou personnels, tout étant intimement mêlé.

En plaçant son enquête au sein de la haute bourgeoisie catalane, Javier Cercas met en évidence le cynisme et la corruption de cette caste de privilégiés à l’ambition décomplexée et démesurée. Il fait ainsi une violente critique de ces élites politiques et économiques barcelonaises qui se croient et la plupart du temps le sont, au-dessus des lois.

Javier Cercas porte un regard noir sur le monde politique espagnol et sur ce mouvement qui, en guise d’indépendance entendrait avant tout conserver celle de sa caste et c’est l’histoire récente du pays qui est présente tout au long de son récit avec notamment « le Procés », procès durant lequel des indépendantistes catalans ont été jugés devant la Cour suprême espagnole pour leur rôle dans la tentative de sécession d’octobre 2017.

Il est également beaucoup question de lutte des classes dans Indépendance avec une société où il y a les riches et ceux qui aspirent à l’être.

Javier Cercas sait parfaitement entretenir le suspense tout au long de son roman tout en livrant une analyse assez fine d’un mouvement régionaliste qui flirte avec le populisme. Pour moi, cette analyse inscrite au cœur de l’enquête donne toute sa saveur et son intérêt au polar.

Beaucoup de psychologie émaille ce roman avec des personnages jamais simples. S’ils ne sont pas bipolaires comme le sergent Vàszquez, ils sont souvent hantés par leur passé ou prisonniers de leurs secrets. Mais s’il est un personnage attachant dans ce roman, c’est bien l’inspecteur Melchor, cet homme dont l’indéfectible intégrité est mise à rude épreuve au contact des rouages du pouvoir où cynisme et opportunisme sont de mise. Comment ne pas être en empathie avec cet homme, qui, lors d’une courte peine de prison, grâce à son avocat, découvre Les Misérables de Victor Hugo, s’identifie à Javert et devient policier ensuite pour venger la mort de sa mère.

Ce livre est d’ailleurs un magnifique hommage aux écrivains et je laisse à Melchor le soin de nous délivrer ce message : « Alors, pour finir, je vous raconterai ce que j’ai aussi appris en lisant des romans. Ce que j’ai appris, c’est que les romans ne servent à rien. Ils ne racontent même pas les choses telles qu’elles sont mais comment elles auraient pu être, ou comment nous aimerions qu’elles soient. Et c’est comme ça qu’ils nous sauvent la vie. »

Indépendance est un polar politique à l’humour cinglant dans lequel Javier Cercas brosse un portrait terrible du monde politique espagnol, un monde mené par l’argent, une politique-fiction, violente critique des élites politiques corrompues.

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Le château de Barbe Bleue

Avec Le château de Barbe-Bleue, Javier Cercas clôt avec brio sa trilogie policière commencée avec Terra Alta puis Indépendance. Et pour ceux qui n’auraient pas lu les deux premiers tomes ou auraient oublié, Javier Cercas prend soin de récapituler l’itinéraire de son héros.

On retrouve donc Melchor Marin. Hanté par la mort de sa femme, il a quitté la police, s’est installé dans le village de Gandesa en Terra Alta où il occupe un poste de bibliothécaire et se consacre à sa fille Cosette.

Celle-ci, 17 ans, ayant découvert que son père lui avait menti, que sa mère n’était pas morte accidentellement comme il le lui avait dit pour la protéger, mais que c’est son sens inflexible de la justice qui en était la cause, est partie quelques jours avec une amie aux Baléares.

Mais l’amie revient seule, Cosette étant restée à Majorque.

L’ancien policier, fou d’inquiétude, pressent rapidement que sa fille est en danger, celle-ci ne donnant bientôt plus signe de vie.

Il part sur ses traces, se rend sur place à Pollença et finit par découvrir que Cosette est sans doute séquestrée et victime de violences sexuelles dans la maison qu’un multimillionnaire suédois a bâtie à Formentor.

Pour lui, une seule solution : agir, mener l’enquête, et pour cela il est prêt à remuer ciel et terre pour retrouver sa fille et détruire ce prédateur, ce Barbe-Bleue des temps modernes qui semble intouchable et à l’abri des lois grâce à son immense fortune.

Javier Cercas nous entraîne avec lui en Espagne, dans une course effrénée et angoissante aux côtés de Melchor.

Et me voilà à tourner les pages tant la situation est haletante et bien que celle-ci soit noire et absolument inacceptable, je n’ai eu qu’une hâte, connaître le dénouement de cette affaire.

Javier Cercas a un talent incroyable pour tenir son lecteur en haleine tout en se penchant sur des sujets très forts. Ainsi, Le château de Barbe-Bleue est un polar dans lequel l’enquête menée par Melchor et ses amis sert à dénoncer la corruption des politiques et des policiers, l’intolérable impunité des puissants et la violence à l’encontre des femmes et des plus jeunes. Il est question également de haine, de vengeance mais il fait une belle place à la solidarité et à l’amour et célèbre l’héroïsme d’hommes et de femmes ordinaires tout en soulignant la fragilité de notre humanité.

L’auteur n’hésite pas à se mettre ironiquement lui-même en scène et ce avec beaucoup d’autodérision.

On ne peut qu’être ému et bouleversé par l’amour que Melchor porte à sa fille, par la rage qui l’anime pour que justice soit rendue. Comment, en outre, ne pas être touché par cet homme passionné par les livres, ce Melchor qui grâce aux Misérables avait découvert sa vocation de policier. Dans ce troisième opus, nous le retrouvons absorbé par la lecture de Nid de gentilhomme, puis par Les mémoires d’un chasseur de Tourgueniev. Il sera également question du célèbre poème de Rudyard Kipling « If ».

Même le football s’invite dans ce polar avec un match Barça-Madrid en finale de la Champions qui aura un rôle stratégique de grande importance !

Le Château de Barbe-Bleue est un fabuleux polar, rythmé et nerveux, un très grand roman psychologique, une dénonciation bouleversante de la violence exercée à l’égard des femmes et de la corruption de notre société.


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Le monarque des ombres

Manuel Mena est le grand-oncle de l'auteur, un phalangiste qui meurt à dix-neuf ans au combat et fut pendant des années l'héros officiel de la famille. Franquiste ou phalangiste, une mémoire peu honorable pour Cercas, qui ne voulait à aucun prix aller à la rencontre de ce personnage qui représente aussi sa famille et un passé politique qui le fait rougir de honte.

Mais nous voici quand même présent avec ce livre, qui parle justement de Manuel Mena, pourquoi ? Et vous allez vous dire quel en est l'intérêt, du moins pour le lecteur ? Qu'est-ce-qu'on peut bien raconter sur un mec inconnu, phalangiste ou pas, mort à 19 ans, sur 320 pages ? Eh bien c'est sans compter que l'auteur est Javier Cercas, et son talent narratif indéniable,

Une conversation avec un personnage qui connu son grand-oncle, devient un film

intense, où l'écrivain manie sa plume comme un objectif de caméra. Et justement, puisqu'il écrit en visionnant le film que son ami David Trueba suite à sa demande, a réalisé de l'entretien. En un mot, le procédé est génial, et nous apprend beaucoup plus grâce aux détails cinématographiques, que le simple contenu d'une conversation rapportée,

Bien qu'il soit le narrateur et parle à la première personne, son propre personnage de l'histoire, le petit-neveu de Manuel Mena est mise en scène comme le sieur Javier Cercas, un procédé amusant,

Et un dernier aspect narratif mineur, qui allège et donne du pep au texte, est qu'il l'agrémente en douce, mine de rien, de « commérages » ou autres digressions du genre, alors qu'il est en train de discuter ou penser à des choses sérieuses. Si bien que je suis allée assouvir ma curiosité sur internet, pour voir avec quel acteur irrésistible d'Hollywood, s'était barrée la femme de son copain David Trubea, réalisateur du film "'Les Soldats de Salamin ", adapté de son roman éponyme.......



À travers la courte histoire de Mena, Cercas nous trempe dans la grande histoire, celle de son pays sous la monarchie, qui en 1931 devint du jour au lendemain républicain. Une république qui entrera en crise en novembre 1933, et débouchera sur une guerre civile.....la suite c'est Franco et quarante ans de galère. Alors que pour la petite histoire il retourne à Ibahernando, le village natal de sa mère, et où est né Manuel Mena, "un village reculé, isolé et misérable d'Estrémadure, une région reculée, isolée et misérable d'Espagne, collée à la frontière portugaise". Et où à l'époque, son grand-père paternel Paco Cercas était le chef de la phalange. Mais comment expliquer qu'à Ibahernando où il n'y avait pas un seul phalangiste avant la guerre, ils le sont tous devenus, une fois la guerre éclatée , comme partout ailleurs ?

Cercas dissèque les deux histoires pour déboucher comme toujours sur des sentiers inattendus , brouillant les frontières entre fiction et réalité, d'autant plus que 80 ans ont passés depuis, et ce qu'il en reste comme témoignages, est assez mince et pas toujours fiable.

Résultat ? Tout ça, pour "Savoir", "Ne pas juger", "Comprendre". "C'est à ça qu'on s'emploie, nous, les écrivains.” dit-il. N'est-ce-pas aussi un des buts majeurs de nos lectures ?



L'histoire de Manuel Mena en elle-même n'a rien de particulière , un destin parmi des milliers d'autres, mais c'est la plume de Cercas dans le fond et la forme qui la rend unique. En l'écrivant, Cercas, un des meilleurs auteurs contemporains, que je connaisse, écrit en faites sa propre histoire, choisissant la voie de la responsabilité plutôt que celle de la culpabilité, concernant le mauvais côté de son héritage familial. Il ne tranche pas, nous exposant un espace d'expression en gris , où les méchants ne sont pas que des méchants, ni les bons que des bons. L'homme est ce qu'il est et la guerre une absurdité.



“Ne cherche pas à m'adoucir la mort, ô noble Ulysse !

J'aimerais mieux être sur terre domestique d'un paysan,

fût-il sans patrimoine et presque sans ressources,

que de régner ici parmi ces ombres consumées.... “

( Homère, L'Odyssée )

“ ....il n'y a pas d'autre vie que celle des vivants,... la vie précaire de la mémoire n'est pas la vie immortelle mais à peine une légende éphémère, un pâle succédané de la vie, et que seule la mort est indéniable."
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Le château de Barbe Bleue

Ce troisième et dernier opus de la trilogie de Javier Cercas mettant en scène son héros identitaire, Melchor, et une nouvelle héroïne, la fille de celui-ci, Cosette, affublée d'un prénom lié aux goûts littéraires de ses parents misérables mais inapproprié à sa personnalité, est une vraie réussite par sa structure et le rythme que lui a impulsé l'auteur.



Même s'il comporte de trop nombreux rappels de faits survenus dans les deux tomes précédents, rendant sa lecture compliquée pour ceux qui se lanceraient dans le château de Barbe Bleue sans avoir lu Terra Alta et Indépendance, il présente l'harmonie de deux parties qui, tout en laissant le lecteur se complaire des réflexions métaphysiques ou humoristiques de l'auteur, portent chacune un vrai suspense et deux vrais dénouements.



Dès le début du roman, Cosette disparaît, et cette première partie illustre parfaitement le désarroi de son père, ses investigations qui vont le mener assez vite vers la découverte d'une vérité qu'il est un peu dommage que le lecteur puisse pressentir aussi aisément. Néanmoins, le drame est bien installé et l'action ainsi que la réflexion sont au rendez-vous.



La deuxième partie, que je nommerais celle de la justice, revêt, malgré ses invraisemblances caractéristiques de nombreux polars, de belles études de personnalités, les différents protagonistes étant nombreux et présentant des caractéristiques variées qui font la richesse des développements. C'est le temps de la préparation de l'action qui porte en lui-même le suspense, Javier Cercas laissant finalement imaginer à ses lecteurs le déroulement d'une finale à laquelle il consacre finalement très peu d'espace. Ce procédé m'a paru très intéressant et original, installant une action avant même qu'elle se mette en place.



Au final, c'est un bon roman familial et policier, la dénonciation des crimes sexuels qu'y ont vu plusieurs lecteurs m'ayant semblé accessoire bien qu'elle tienne son rang, l'art de Javier Cercas étant de laisser ses lecteurs s'imprégner de ce qui va le plus les atteindre, selon leurs perceptions et la gestion de leurs émotions.
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Terra Alta



« La justice absolue peut être la plus absolue des injustices »





Melchor Marin, est de garde cette nuit là au commissariat de Gandesa, une petite ville de la comarque de Terra Alta, en Catalogne. C’est à ce titre qu’il décroche le téléphone et qu’il sera le premier policier à se rendre sur place.



Melchor est arrivé récemment à Gandesa. Jeune policier, c’est son premier poste en tant que titulaire. A la suite d’un acte courageux - il abat quatre terroristes au cours des attentats de Barcelone et de Cambrils - Melchor a du quitter son commissariat de Barcelone pour se faire oublier à la fois des journalistes comme des islamistes. Ce séjour à Gandesa n’est que provisoire. C’est une région dont on raconte « qu’elle est une terre de passage, où ne restent que les gens qui n’ont pas d’autres solutions que de rester, ceux qui n’ont pas d’autres endroits où aller, une terre de perdants ».



Et pourtant le coup de téléphone va démentir le dicton « ici il ne se passe jamais rien ». Dans la villa isolée appartenant à un couple de riches industriels, les Adell, la cuisinière, arrivant pour prendre son service, vient de découvrir avec horreur, les deux corps torturés de ce couple très âgé ! L’homme, Francisco Adell, au caractère dominateur, dirige l’empire des Cartonneries Adell. Sa position comme son comportement lui valent quelques ennemis mais delà à imaginer un tel acharnement, un tel supplice, c’est monstrueux ! Torturer, mutiler, jusqu’à ce que mort s’en suive des personnes nonagénaires, qui peut ainsi s’acharner sur deux personnes âgées ? Par sadisme ? De rage ?



Tout a été murement réfléchi, les alarmes ont été désactivées, les caméras de surveillance, idem. Du travail de pro ?



Javier Cercas nous entraîne à la suite de Melchor Marin dans un roman policier assez sombre, parfaitement maîtrisé mais pas que …. L’auteur nous offre un roman à plusieurs niveaux de réflexion, philosophique, historique, saupoudré de religion et de littérature. Le récit est habilement construit entre l’univers psychologique complexe de ce policier séduisant et attachant, ses motivations profondes, son histoire qui se dévoile au fur et à mesure de la lecture, et l’Histoire toujours aussi violente de cette guerre civile espagnole qui vient ensemencer le présent. On y retrouve les évènements chers à l’auteur mais évoqués différemment, le franquisme, les indépendantistes, les catalans. Javier Cercas cherche à nous amener à réfléchir sur le sens de la justice, sur l’impact de la littérature dans notre réflexion voire notre ligne de conduite. Ce livre est passionnant, GÉNIAL ! Un polar qui sort totalement de l’ordinaire ! On peut même dire qu’il y a deux polars dans un. L’écriture est vive, nerveuse, on ne s’ennuie pas un seul instant. J’avais beaucoup aimé « Les soldats de Salamine », me suis cassée la tête sur « Anatomie d’un instant »que je vais reprendre. Dans un registre nouveau pour l’auteur qu’est le roman policier, Terra Alta, est tout à fait convaincant.



Merci à Florence de m’avoir incité à lire ce livre.



« Mais les vraies blessures, ce ne sont pas celles-là. Ce sont celles que personne ne voit. Celles que les gens conservent secrètement. Ce sont celles qui expliquent tout. »

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Terra Alta

Un livre que l'on commence à lire comme un policier, car c'est effectivement un roman policier, puis qui continue comme le déroulé d'une vie, celle précisément du policier enquêteur, et qui embraye régulièrement sur la grande littérature française, celle de Victor Hugo, avec Les Misérables, oeuvre qui passionne ce policier prénommé Melchor.



Donc, une histoire qui n'est finalement qu'un accessoire pour dérouler le vécu de Melchor, sa naissance, son enfance, son adolescence, sa délinquance, sa conversion vers la police, peut-être invraisemblable mais qui sert magistralement l'orientation de l'enquête. Et puis, tout au long de ce texte quelquefois un peu redondant de détails, la quête du père hypothétique par Melchor, son amour aussi pour Olga qui lui donnera une enfant, naturellement prénommée Cosette.



Bien sûr, Melchor c'est Jean Valjean, encore que quelquefois il s'assimile lui-même à Javert, et c'est tout le bien et le mal qui défilent au long de cette belle lecture dans laquelle il faut pénétrer lentement, toutes ces notions philosophiques et ces sentiments développés par Hugo.



Mais, Olga aiguille aussi Melchor vers d'autres livres, comme L'Etranger et même Le docteur Jivago. Leurs échanges littéraires se développent en même temps que leur amour et ils finissent par se faire mutuellement la lecture et la relecture des Misérables.



Autour de Melchor et Olga, tout un foisonnement de personnages : la mère prostituée de Melchor, la famille Adell avec le couple assassiné mais aussi leur fille et leur gendre, les salariés de l'entreprise dirigée par le père Adell, les policiers collègues ou supérieurs de Melchor, un avocat, Vivales, serait-il le père de Melchor?



Donc une belle ambiance de mystère dans ce roman avec également de nombreuses évocations de la guerre civile espagnole dont les stigmates marquent encore les protagonistes les plus âgés, huit décennies plus tard.



Tous ces vécus s'imbriquent, peu à peu les fils de l'enquête se dénouent, mais ce n'est pas l'essentiel qui, lui, se dévoile dans les rapports humains, filiaux, sentimentaux, amoureux, avec une apothéose de haine et de sang.
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Indépendance

C'est bien la suite de Terra Alta et je crois qu'il faut vraiment avoir lu le premier tome pour comprendre toutes les subtilités du second et cerner encore mieux la personnalité du héros, Melchor.



Melchor, c'est l'archétype du véritable héros, celui qui agit, qui ne s'économise pas, qui réfléchit, qui aide, qui sauve et tout cela il le fait en endurant seul ses propres souffrances. Donc, de bonnes retrouvailles avec ce personnage auquel ne manque qu'un i pour le consacrer en véritable roi mage.



L'intrigue, plus ordinaire et plus banale que celle de Terra Alta, n'est encore une fois que prétexte, prétexte à mettre en avant la corruption d'une société avilie par sa richesse, un contexte politique imaginaire (Barcelone n' a pas eu sauf erreur de maire d'extrême droite, en tout cas pas dans l'après franquisme), des politiques accrochés à leurs intérêts personnels, de ce côté-là rien de nouveau. Après, il faut quand même s'accrocher pour suivre et ne pas se perdre dans la multitude de personnages, principaux ou secondaires, tous ayant leur importance.



Les références à la littérature sont moins nombreuses que dans Terra Alta, cela me paraît cohérent, sinon Javier Cercas eut abusé d'une recette trop bonne pour la savourer à nouveau aussi rapidement.



Les dialogues sont toujours excellents, ceux de la fin qui s'entremêlent méritent de ralentir dans la lecture. J'ai quand même eu besoin de réaliser quelques retours en arrière pour garder le fil.



Le titre me paraît peu approprié à l'histoire, l'indépendance éventuelle de la Catalogne n'étant traitée qu'en filigrane. La fin manque carrément de suspense, mais je crois qu'il ne faut pas voir les livres de Cercas comme des thrillers, plutôt comme des analyses sociétales et de ce point de vue c'est réussi.



Un peu en retrait par rapport par rapport à Terra Alta à mon goût. Je lirai le troisième bien sûr.



Un dernier mot : la mise en scène de l'auteur quelque peu publicitaire n'apporte pas grand chose si ce n'est peut-être d'éveiller le désir de lire Terra Alta chez ceux qui auraient abordé directement ce deuxième opus.
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Le monarque des ombres

Comme souvent avec les auteurs qui ont choisi de se faire les porte-paroles du réel, il y a deux histoires en une. L'histoire en elle-même sur laquelle ils ont enquêté et dont ils nous livrent les faits, et l'histoire du livre, sa genèse, sa maturation et sa décision de l'écrire, avec les doutes, les tergiversations, les joies et les errements que l'auteur a traversés. Javier Cercas est aussi spécialiste d'Histoire (l'autre, la vraie, la grande avec une majuscule), celle de son Espagne natale à laquelle il a consacré tous ses ouvrages. Peut-être pour éviter justement d'écrire le seul qui lui importait vraiment, celui qui le taraudait et le plombait comme un funeste héritage.

Manuel Mena est le grand-oncle maternel de Javier Cercas, mort à 19 ans en 1938 après s'être fourvoyé dans la phalange, idéalisé par sa mère et sa famille, comparé à Achille parti pour des idées au royaume des ombres, au firmament de sa puissance. Un tabou et une honte 80 ans après, pour un auteur et son cortège d'idées de gauche. Mais « s'il est faux que l'avenir modifie le passé, ce qui est vrai, c'est qu'il modifie la perception que l'on a du passé et le sens qu'on lui donne ». Avec ça tout est dit ou presque, l'auteur va évoluer, et va finir par l'écrire le livre de sa honte, muée en responsabilité sous la férule d'Arendt.

« Le monarque des ombres » alterne habilement les chapitres où l'on découvre ce qui est resté de la bio du grand-oncle Manuel Mena, dans lesquels l'auteur semble prendre ses distances en s'évoquant à la troisième personne (« Cela dit, il semble impossible d'exempter la famille de Javier Cercas de toute responsabilité concernant les atrocités commises ces jours-là...»), avec des chapitres détaillant l'enquête minutieuse d'un écrivain-historien avide de faits plus que d'effets (avec un « je » assumé), et son évolution personnelle par rapport au fardeau familial.

Un livre que j'ai beaucoup aimé, comme souvent avec ce genre littéraire, et cet auteur en particulier.
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Le mobile

Jusqu'où peut-on aller avec l'ambition d'écrire un roman de fiction, basé sur des faits et personnages réels, au départ non existants ?

Eh bien c'est ce que nous propose Cercas dans cette courte oeuvre de jeunesse.

Les romans de Cercas sont comme des tests de Q.I. Il pose un peu partout dans sa narration labyrinthique, des trappes de logique ; nous parachute nous lecteur, au cœur du labyrinthe, où se trouve le noyau de la fiction, et de là, à travers divers chemins qui alternent réalité et fiction, et trappes, on doit retrouver la sortie. Ici ,dans ce premier roman, c'est le plus simple et le plus parfait de ce que j'ai lu de lui jusqu'à maintenant.



Cercas écrit un livre sur un écrivain, Alvaro, qui écrit un livre sur un écrivain ambitieux , qui écrit un roman ambitieux ( les poupées russes à côté c'est rien) . Vous me suivez ?

Ce roman dans le roman raconte l'histoire d'un jeune couple en difficultés matériels qui finit par assassiner un vieil homme qui vit dans le même immeuble. Donc la plus petite poupée russe est un roman à quatre personnages, l'écrivain ambitieux, le couple en difficulté et le vieillard qui sera assassiné. Eh bien, partant de là, l'écrivain ambitieux, Alvaro et Cercas ( en faites Cercas et ses avatars ) vont s'acharner avec un plan à mon avis diabolique, et même à la limite du malsain, à la réalisation de l'histoire fictive dans la réalité, qui elle-même servira de matériau brut pour élaborer la fiction du départ. La fiction est contrôlable, mais la réalité ?



Déjà dés ce premier livre l'auteur nous livre sa fascination à brouiller les frontières entre fiction et réalité et relate les relations complexes entre l'écriture et la vie.

Brillant !

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Les soldats de Salamine

« On m'affecta aux pages culturelles, là où on affecte ceux qu'on ne sait où affecter ».



C'est là que se retrouve l'auteur, écrivain en mal d'inspiration, reconverti en journaliste.



Et parfois la magie opère !



Javier Cercas rencontre le fils de Rafael Sanchez Mazas, poète et romancier reconnu, cofondateur de la Phalange, qui fut sauvé durant la Guerre d'Espagne grâce à l'attitude inattendue d'un républicain en débandade qui le tenait en joue. L'histoire est connue mais le journaliste consciencieux qu'est Cercas décide de reconstituer ce qu'il y a derrière le connu.



Quelques billets dans le journal qui l'emploie suscitent des réactions de son lectorat. Une idée commence à germer, peut-être le démarrage d'un futur roman.



Livre en trois parties : la première découle de sa rencontre fortuite avec le fils du nationaliste espagnol, la curiosité qui le saisit et les étapes méticuleuses préparatoires à un sujet d'écriture ; la deuxième est une biographie détaillée de Sanchez Mazas, des détails surprenants depuis ses études de droit jusqu'à un séjour prolongé en Italie, fasciné qu'il est par l'idéologie de Mussolini, de sa participation à la guerre civile jusqu'à sa collaboration au régime de Franco comme ministre sans portefeuille. La troisième partie est une recherche/enquête sur le possible sauveur de Mazas et son mobile. Est-ce envisageable soixante ans plus tard ? Sera-ce lui ? Voudra-t-il parler ? Et d'abord, se souviendra-t-il ?



Javier Cercas espère trouver un héros et non pas faire l'apologie du personnage controversé Sanchez Mazas. Il veut honorer la mémoire de tous les anonymes qui se sont battus contre le fascisme et qui ont été délaissés par l'Histoire. Comme cela se passe dans toutes les guerres. « Les héros ne le sont que quand ils meurent ou qu'on les assassine. Et les véritables héros naissent dans la guerre et meurent dans la guerre. Il n'y a pas de héros vivants. Ils sont tous morts, morts, morts, morts ». p. 224



Au cours de ses recherches documentaires, Javier Cercas découvre que Rafael Sanchez Mazas voulait écrire un livre intitulé « Les Soldats de Salamine » qui n'a jamais été mené à bien. Il a repris le titre à son nom et ce roman se construit en même temps que l'on le lit. Cette façon d'insérer l'Histoire dans la rédaction du compte rendu de son enquête donne une dynamique intéressante aux pages qui finiront par devenir le roman.



De rencontres journalistiques en interrogatoires de témoins, de coups de téléphone en palabres interminables, de réflexions sur le bien-fondé de ses recherches en déductions générant de nouvelles interrogations, Javier Cercas finit par créer LE personnage qu'il recherche, qui lui permet de trouver une fin valable digne de toutes ses conjectures. Enfin, il est prêt à rédiger son roman. Et moi, je le termine.



L'auteur aime le paso doble autant que l'épreuve de la page blanche et le whisky. Après tant de boue, tant de souffrance, tant de désastre, ce sont de bons remontants. La fiction l'emportera-t-elle sur la réalité ? A vous de juger.

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L'Imposteur

L’imposture n’est pas qu’un mensonge et c’est en cela qu’elle parvient à tromper ceux qui s’y trouvent confrontés que ce soit l’imposteur qui finit par croire en son bien-fondé, ou ceux qui croisent occasionnellement sa route et même ceux qui le côtoient quotidiennement comme sa famille et ses amis. Se bâtissant sur des vérités que l’imposteur agrémente et mélange avec des mensonges, elle devient vraie.

L’imposteur en fait sa réalité tel Enric Marco qui parvient à faire « un roman de sa vie », que Claudio Magris qualifie de « menteur qui dit la vérité ».



Comment écrire alors, un roman sur un personnage comme Enric Marco qui aura fait de sa vie une fiction, à laquelle tout le monde croira pendant des années ? Impossible nous dit Xavier Cercas qui reculera pendant sept ans le moment d’écrire ce livre par peur de paraître réhabiliter Marco, de l’excuser, de le conforter dans son rôle de héros. 
Alors qu’il souhaitait par son livre, et aussi au fil des rencontres qu’ils auront, le faire revenir à la raison « le faire agir contre le faux Marco…retrouver le véritable Marco de même qu’à la fin de Don Quichotte, Alonso Quijano agit en faveur de lui-même en cessant d’être Don Quichotte. »



Ce livre de Xavier Cercas décortique et fait jouer toutes les facettes de l’imposture si bien que par moment on ne sait plus qui est l’imposteur lui, nous ou Enric Marco.

Comment romancier et lecteurs ne pourraient-ils pas se laisser prendre et ressentir parfois un intérêt si ce n’est une certaine admiration pour cet « embobineur hors pair » ?

Comme le dit Raul fils de Javier Cercas auquel son père vient de dire que le sujet de son prochain livre sera l’affaire Marco

« … C’est bien ce vieux qui disait qu’il avait été dans un camp de concentration et après, il s’est avéré que c’était un mensonge, c’est ça ?

(…) Un type intéressant, on ne peut pas mentir autant sans être intéressant. »



Et ce livre est non seulement intéressant mais passionnant par le jeu constant qu’il joue entre mensonge et vérité, mais aussi gênant parce qu’il nous met en face de nous-même et de nos contradictions et nous pose beaucoup de questions sur notre société où règne le mensonge, une société où l’information est falsifiée, où l’imposture est possible car elle la favorise. Qu’est le storystelling dont raffolent hommes politiques et entreprises sinon une vaste imposture à l’échelle de la société entière ?.



« … c’est surtout les médias qui ont fini par transformer Marco en héros et en champion de ladite mémoire historique, pour ne pas dire en une vraie rock star.

(…) les journalistes l’adoraient, ils en perdaient la tête, se battaient pour avoir un entretien avec lui.

(…) De plus, Marco flattait leur vanité : dans les entretiens avec ce personnage extraordinaire, ce vieux soldat de toutes les guerres ou de toutes les guerres justes, les journalistes se voyaient eux-mêmes comme d’audacieux défricheurs d’un passé négligé dont personne ne voulait parler, le meilleur de leur pays, le passé le plus noble et le mieux caché, et ils sentaient qu’ils rendaient ainsi justice, honoraient à travers Marco toutes les victimes négligées non seulement par le franquisme mais aussi par la démocratie qui lui a succédé. » p 278-279



Comme Javier Cercas je n’excuse pas Marco Enric qui maintient « qu’il n’a pas menti mais seulement altéré la vérité ». Mais le livre que je viens de lire m’a fait me questionner et m’a vraiment désarçonnée. Rien que pour cela il mérite d’être lu. Il est impossible d’en rendre toute la complexité car il met au jour toutes les contradictions qui nous habitent et les analyse en profondeur. Il ne peut pas laisser indifférent.

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Les soldats de Salamine

L'Histoire avec un grand H aux prises avec l'histoire en train de s'écrire..Ou plutôt le contraire!



Javier Cercas, en panne d'écriture et en pleine panade sentimentale, a entendu parler d'un autre écrivain, Rafael Sanchez Màzas, grand ami de Primo de Rivera et co-fondateur de la Phalange, qui aurait été sauvé par un soldat anonyme de l'armée républicaine en déroute, au moment où il allait être passé par les armes..Avec pas mal de suffisance et d'auto-satisfaction, il colporte lui-même ce récit, si bien rodé qu'il a l'air d'une légende.



Javier Cercas a l'intuition, en bon journaliste, que ce récit trop bien huilé, cache quelque chose: il entreprend une enquête, au début des années 2000 sur un fait vieux de plus de soixante ans..



A travers les méandres de cette enquête, les rencontres qu'elle occasionne, se dessine une Espagne encore mal remise des déchirures de son passé: Sanchez Màzas est une sorte de rebelle fascisant, de condottiere romantique et brutal, de hobereau plein de morgue dont on a vite fait de deviner les poses et de lever les masques...



Finalement, on dirait que la montagne accouche d'une souris, et le récit de Cercas en train de s'écrire semble tourner court. Il aurait dû s'appeler du nom que lui destinait Màzas- en bon dilettante, "sans regret et sans oubli" il n'a jamais pu ou voulu l'écrire - "Les Soldats de Salamine". Le titre évoque ce dernier peloton de Grecs qui avec sa victoire navale chèrement arrachée, sauva le monde grec des barbares, les Perses, en l'occurrence... Nul doute que Màzas se voyait en pur soldat de Salamine, sauvant le monde chrétien et aristocratique du pourrissement démocratique où n'aurait pas manqué de sombrer l'Espagne rouge et républicaine...Pauvres soldats de Salamine, ravalés au rang de condottieri phalangistes...beau dévoiement de l'histoire grecque...Passons.



Tout ce matériau une fois rassemblé, Javier Cercas sent que son livre boîte, qu'il manque une pièce à son puzzle, une clé qui donnerait un sens à tout: il lui faut trouver le soldat républicain qui laissa s'échapper Màzas, après l'avoir longuement regardé dans les yeux..sauvant ainsi la vie à celui qui était la cause quasi-directe de son malheur et de celui de son pays.



La quête du maillon manquant... c'est cette dernière partie du livre que je ne vous raconterai pas, mais qui m'a emportée, clouée d'émotion, bouleversée de tendresse.



Miralles: retenez ce nom, Miralles. Surtout pas Monsieur Miralles. Miralles tout court.



C'est le nom des obscurs, des sans-grade, des vrais héros de notre histoire humaine. Le Soldat Inconnu, le soldat de la bataille de Salamine.



Miralles, le danseur de paso doble au clair de lune.

Miralles le bouliste en short du camping L'Etoile de mer..

Miralles de la résidence des Nymphéas à Dijon.

Miralles le rouge catalan de l'armée de Lister.

Miralles qui aurait rêvé de mettre la main aux fesses de soeur Françoise.

Miralles le résistant de toutes les batailles.



C'est lui la clé de voûte du récit. Celui qui nous met les larmes aux yeux, l'âme au bord des lèvres, le cœur dans la gorge : ce personnage réel humblement disparu et éternellement vivant grâce au "petit" livre de Cercas ( 270 pages).



Grâce au GRAND livre de Cercas.
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Terra Alta

Que dire si ce n'est qu'encore une fois et dans un genre revisité et présenté sous forme de polar , Javier Cercas s'est montré absolument remarquable .

Quelle bonne idée de partir d'un crime atroce et d'en confier l'enquête à un homme dont le moins que l'on puisse dire est qu'il va catalyser sur lui toutes nos attentions tant son personnage est fort , incroyablement juste ,calquant son attitude sur les personnages d'un livre qui l'a marqué au fer rouge , tant par son contenu que par les circonstances de sa découverte .Du grand art pour un personnage dont la route aurait pu s'avérer bien différente , ce dont nous serons des témoins privilégiés .

Deux histoires parallèles , un hymne à la justice , celle des hommes ou celle de l'homme ? Un hymne à la culture par la lecture , un hymne à l'amour aussi et là , au centre , un homme qui recherche une vérité pour assouvir son besoin de trouver le repos .Le personnage de Melchor est gravé en moi , La fin du roman est éblouissante et si Javier Carces bâtit le présent en s'appuyant sur un passé encore frais , en choisissant ses lieux et ses évènements avec tact , et c'est notre intelligence , notre moi profond qui , au final , devront décider si l'on aurait voulu ou non suivre le même chemin que le héros .

Je crois que ce roman aura une " suite " ? Vite , vite , vite !!!!

Bonne soirée chers et chères amis et amies . Là , je me suis choisi une lecture pas mal du tout mais plus ...légère . Je reviens bientôt vous en dire ...deux mots ...pas plus .
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L'Imposteur

Le Cercas nouveau est arrivé et c'est un grand cru.

Lorsque le romancier, épuisé par l'écriture de son livre Anatomie d'un instant arrive à la conclusion que sa vie est une farce, lui revient en mémoire le scandale "Enric Marco", "l'imposteur" , dont la révélation provoqua un émoi considérable, surtout en Catalogne. En, 2005, à la veille du 60ème anniversaire de la libération du camp de Mauthausen, l'historien Benito Bermejo révèle à l'Espagne médusée que Marco, l'infatigable porte-parole des anciens déportés espagnols, le républicain combattant, la figure du syndicalisme catalan, le conférencier qui témoigne des horreurs de la déportation, l'auteur de Los cerdos del comandante, n'avait non seulement jamais été interné au camp de Flossenburg, mais était parti travailler comme volontaire civil à Kiel en Allemagne en 1941 (date à laquelle il était supposé avoir été arrêté par la Gestapo à Marseille).

Son témoignage était aussi faux que celui de Misha Defonseca/ Monique de Wael, qui survivait avec les loups depuis la Belgique. Un passé de déporté fantaisiste, un parcours militant clandestin fictif... le très habile Enric Marco, le menteur qui dit vrai, avait fini par croire à ses inventions, tromper les Espagnols (il faut dire que la Shoah est peu connue en Espagne), pour leur offrir la figure d'un héros dans une époque trouble.

Le 15 mai 2005, Mario Vargas Llosa se fendait d'un remarquable article dans El Pais, "Espantoso y genial", dans lequel il célébrait le talent de conteur d'Enric Marco, brutalement interrompu par un historien empêcheur de tourner en rond: "Señor Enric Marco, contrabandista de irrealidades, bienvenido a la mentirosa patria de los novelistas."

C'est également cette facette du personnage qui passionne Javier Cercas. Dans ce récit protéiforme qui mêle investigation personnelle, fiction factuelle, réflexion sur l'affabulation, interrogation sur la création littéraire le romancier utilise l'image des pelures d'oignon pour parvenir à la vérité de l'affaire Enric Marco. On se remémore alors les souvenirs de guerre de Günter Grass évoqués dans son ouvrage Pelures d'oignon, mais pas seulement. El impostor fourmille de références littéraires qui ouvrent davantage encore le champ de la réflexion. Cercas poursuit ses réflexions sur le Héros, qu'il soit le républicain des Soldats de Salamine, Suarez et le 23 F (Anatomie d'un instant) , El Zarco des Lois de la frontière... Dans El impostor, sans doute sa plus belle oeuvre, Cercas montre comment Enric Marco, homme médiocre, menteur, plagiaire, faussaire est parvenu avec un incroyable talent et une audace à toute épreuve, à faire d'une existence banale la plus extraordinaire des oeuvres de fiction. Riche panorama de la vie espagnole, de l'aventure anarcho-syndicaliste de la fin des années 20 aux années post-franquistes, El impostor est la preuve que dans un temps de mémoire, et non d'histoire, l'affabulation ne peut que prospérer.





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Anatomie d'un instant

J’entre dans ce livre sur la pointe des pieds et je suis happée par la montée en puissance du texte, me laissant emporter puis subjuguée par la fin et jusqu'à la dernière ligne.

Il se fomente un coup d’état qui se propage dans l’hémicycle du congrès Espagnol ce 23 février 1981.

"Tout le monde à terre !" ; "A terre !" ; "Ne bougez pas !" ; crient les gardes civils.

Les balles fusent et pourtant trois hommes restent debout. Ils se dressent pour désobéir à l’injonction des militaires qui leur est intimée tandis que disparaissent sous leurs sièges les quelques 400 députés. Qui sont ces trois hommes ? De quelle éthique relève ce geste de résistance ? Existe-t-il une suprématie de l’éthique en politique ? Le numéro un se nomme Adolfo Suárez, phalangiste, franquiste, puis assurant la Transition démocratique, le deuxième, c’est le général Gutiérrez Mellado, franquiste, ancien putschiste de 1936 et enfin le troisième, Santiago Carrillo le secrétaire général du parti communiste. Ce sont des héros. Ils sont prêts à mourir pour l’honneur et à force de conviction, ils n’ont plus rien à perdre. Mais n’ayons crainte, si c’est l’Anatomie d’un instant, chaque homme nous sera présenté ainsi que son parcours, militaire, politique, de vie, dans la plus grande lucidité mais surtout dans une recherche de vérité. La progression du récit est irréprochable et l’auteur veille à notre accessibilité quant à la compréhension du récit, des hommes et pour la concordance des événements. L’écriture est belle et forte puisqu'elle met en présence ces trois hommes en particulier qui sont à la fois si différents et si proches, quand bien même ils auront traversé l’histoire de façon tout à fait opposée et c’est finalement cette multitude de portraits qui crée la richesse de ce livre en lui donnant une portée et une lecture universelle.
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